dimanche 10 mars 2024

Pantalonnade à Alger

Commençons par énoncer quelques vérités premières : oui, le régime algérien veut déstabiliser le Maroc, il en a fait son objectif majeur et presque sa raison de vivre. Oui, ce même régime a tout fait et fera tout pour essayer de démembrer le Maroc et attenter à son unité nationale et à son intégrité territoriale. Oui encore, le régime d’Alger, sûr de lui et hégémonique, rêve de façonner le Maroc et ses institutions à l’image que lui inspirent ses rêves d’un autre âge. Oui enfin, la junte algérienne fera la sourde oreille et rejettera les appels marocains au calme et à l’apaisement.

Pour la réalisation de ses objectifs, le régime algérien ne reculera devant rien, n’épargnera ni peine ni argent, quitte à franchir des lignes rouges, à piétiner des principes et à violer des règles… et à se ridiculiser.

Le Maroc ne se laissera pas émouvoir par la pantalonnade pathétique qui a été récemment orchestrée à Alger par quelques hurluberlus manipulés par les services algériens. Une pâle copie de polisario, lui-même en carton-pâte… La question qui se pose est de savoir si le ou les généraux algériens qui sont à la manœuvre ont bien pesé les conséquences de leur geste. Peu importe qu’il s’agisse de l’initiative isolée d’un seul d’entre eux ou d’une action concertée et collectivement assumée. La démarche s’inscrit dans la continuité d’une politique systématique de soutien et d’encouragement au séparatisme dans un pays voisin, au mépris de toutes les chartes internationales. Or, l’Algérie prend des risques et joue avec le feu, tant il est vrai que « celui qui habite une maison en verre ne doit jeter de pierres à personne ». L’Algérie est bien plus menacée par les démons du séparatisme, aussi bien au nord qu’au sud. La revendication kabyle est bien plus sérieuse et plus enracinée que les élucubrations d’un groupuscule sorti de nulle part et dépourvu de toute crédibilité.

Une des réponses possibles du Maroc, la première option qui vient en réalité à l’esprit de la majorité des Marocains, serait, dans un acte de réciprocité, d’inviter les Kabyles à ouvrir un bureau à Rabat et de les « cornaquer » dans les forums internationaux. Si le Maroc s’y met, il saura y faire et la diplomatie algérienne sera à la peine. Œil pour œil, dent pour dent. Une telle mesure jetterait les généraux algériens dans l’effroi et le désarroi  et provoquerait un accès de fièvre et d’hystérie dans leurs médias. Souvenons-nous de la folie qui s’est emparée de la diplomatie et des médias algériens lorsqu’un ambassadeur marocain avait évoqué le droit à l’autodétermination de la Kabylie. Une phrase, une seule, avait suffi à déstabiliser le régime algérien, décidément bien fragile. On peut imaginer le « p… de plombs » que provoquerait une mesure de réciprocité marocaine, voire simplement une visite au Maroc du dirigeant du MAK Ferhat Mhenni.

Sachant parfaitement cela, le régime algérien a quand même osé.

En s’aventurant sur un terrain aussi glissant, ce régime militaire dictatorial a vraisemblablement estimé que le rapport risque/gain était favorable. Alger, on le sait, est partisan du jusqu’au-boutisme et du saut dans le vide. La logique incompréhensible de certains responsables algériens fait que, pour nuire au Maroc, ils n’hésitent pas à sacrifier les intérêts de leur pays, comme ils l’ont montré lors de la fermeture du GME .

Tout compte fait, appliquer la loi du talion serait tomber dans le piège que les dirigeants algériens veulent tendre au Maroc. Exaspérés au maximum par le succès des initiatives diplomatiques royales, notamment dans la région ; rendus furieux par le calme et la retenue de leurs voisins, qui ne répondent pas à leurs insultes mais, bien au contraire, leur tendent la main, les généraux algériens, déroutés, font ce qu’ils savent faire : une énième provocation dans l’espoir d’obtenir une réaction impulsive qui mettrait le Maroc dans le même sac qu’eux et le ferait descendre à leur niveau.

Pour le moment, c’est Alger qui a perpétré un nombre incroyable de méfaits à l’encontre du Maroc, dûment répertoriés, alors que le casier judiciaire de ce dernier reste immaculé. On peut parier qu’il le restera. Que les agitateurs s’agitent, que les provocateurs continuent à provoquer, le Maroc restera imperturbable.

Les Marocains, et plus particulièrement les enfants du Rif, sauront donner la réponse appropriée aux gesticulations sans lendemain d’un régime voyou.

vendredi 2 février 2024

Staffan de Mistura à Pretoria : Une visite qui intrigue

 Sahara marocain

Staffan de Mistura à Pretoria : Une visite qui intrigue

 

Un lointain prédécesseur de Staffan de Mistura, Christopher Ross, voulait engager « des consultations avec un groupe de représentants respectés du Maghreb sur la question du Sahara occidental. » L’actuel envoyé personnel, quant à lui, a préconisé d’élargir les consultations à d’autres pays. Il n’y a pas eu, ni alors, ni maintenant, le moindre résultat notable ni un impact quelconque de ces soi-disant consultations élargies sur le processus onusien.

Mais voilà que l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara se rend à Pretoria. Cette visite intrigue parce qu’elle n’entre dans aucune case diplomatique clairement identifiée.

Qu’est donc allé de Mistura faire à Pretoria ? 

La ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, qui l’a invité et reçu le 31 janvier 2024, a qualifié l’entretien d’«utile». Mais elle a aussi fait état d’« approches» et de «propositions» qui ont été présentées par de Mistura sur la question du Sahara marocain, précisant que Pretoria aura «besoin de temps» pour donner sa réponse.

Quelles «  approches» et quelles «propositions» a bien pu faire l’envoyé personnel et pourquoi les a-t-il faites précisément à un pays, l’Afrique du Sud, qui, vu du Maroc, est le dernier à devoir être sollicité sur la question. A quel titre Pretoria est-il mêlé ? L’Afrique du sud n’est pas une partie concernée ou intéressée et ne figure pas dans le groupe des pays amis du Sahara à l’ONU. Au contraire, ce pays reconnait la « rasd », affiche ouvertement son hostilité au Maroc et milite activement contre les intérêts du Royaume (https://refletsdiplomatiques.blogspot.com/2023/11/il-ny-rien-attendre-de-pretoria-normal.html).

On imagine mal que de Mistura se soit rendu à Pretoria sans avoir, au minimum, informé Rabat. L’absence de réaction officielle au Maroc peut être interprétée soit comme l’expression d’un embarras, soit comme une attitude de « wait and see ». A moins que la rencontre Pandor-de Mistura  ne soit qu’une partie visible d’un processus plus large dont Rabat est non seulement au courant, mais dans lequel la diplomatie marocaine est une partie prenante.

Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, a déclaré à propos de de Mistura : « Son mandat consiste également à parler à qui il pense devoir s'adresser, aux États membres et à d'autres, afin de faire avancer le processus ». Il a ajouté des propos sibyllins : « Bien sûr, certaines choses […] doivent être engagées dans une diplomatie discrète ».

Entre une ministre sud-africaine qui veut prendre son temps pour répondre aux propositions de l’ONU et Dujarric qui évoque la nécessité d’une « diplomatie discrète », tout donne à penser que de grandes manœuvres ont lieu dans les coulisses.

Il faut garder à l’esprit la double tournée qu’a effectuée dans la région un responsable au Département d’Etat américain. Joshua Harris s’est rendu à deux reprises à Rabat et à Alger, successivement en septembre et en décembre 2023. Rien, ou presque, n’avait filtré sur les entretiens de Harris dans les deux capitales (https://www.barlamane.com/fr/sahara-marocain-washington-simplique/=). Il n’est pas interdit de penser que la démarche de l’envoyé personnel et sa visite à Pretoria s’insèrent dans le sillage de la démarche américaine.

A ce stade, trois possibilités peuvent être envisagées :

  •        l’hypothèse d’une médiation sud-africaine est exclue dès lors que Pretoria est disqualifié par son soutien inconditionnel au polisario.
  •          Il est fort improbable, d’autre part, que  l’Afrique du sud soit mise à contribution pour convaincre le polisario, si tant est qu’il faille convaincre ce groupe de quoi que ce soit, cette tâche revenant légitimement et en toute logique au pays qui héberge et arme les milices.
  •         Seule alors reste envisageable l’hypothèse d’une démarche onusienne visant à obtenir de l’Afrique du sud une neutralité bienveillante ou, mieux encore, à s’assurer de son soutien à une solution politique.

Cela suppose que cette solution a été agréée par les parties directement concernées, y compris l’Algérie. Cela signifie, aussi, que Pretoria a réussi à s’immiscer dans le différend.

S’adresser à l’Afrique du sud, plutôt qu’à un autre Etat, ne se justifie que parce que ce pays est, après l’Algérie, le deuxième adversaire le plus acharné de l’intégrité territoriale du Maroc et le plus actif dans les enceintes internationales.

Cela étant, l’ONU n’est-elle pas en train de donner à l’Afrique du sud plus d’importance qu’elle n’en a réellement ? La diplomatie sud-africaine, certes, a montré qu’elle a une certaine capacité de nuisance mais la réalité a aussi montré les limites de l’activisme de Pretoria, qui n’a jamais réussi à mettre le Maroc en difficultés ni à New York, ni à Genève, ni à Addis-Abeba.

La sagesse commande, chaque fois que c’est possible, de neutraliser les contestations possibles, de rechercher le consensus et de ménager la susceptibilité de toutes les parties. C’est, apparemment, la méthode de de Mistura et grand bien lui fasse pour autant que les paramètres qui ont été fixés par le Conseil de sécurité soient scrupuleusement respectés.

La même sagesse commande aussi la plus grande méfiance vis-à-vis de l’entrée en lice d’un pays éminemment hostile, dont le Maroc ne peut attendre aucun cadeau. 

mardi 14 novembre 2023

 Il n’y a rien à attendre de Pretoria

 

Nous avons déjà écrit ailleurs que parmi les 19 pays africains qui reconnaissent la « rasd », on peut considérer que 9 seulement constituent le « noyau dur » des partisans inconditionnels de la « république ».  Il s’agit des pays qui ont pris la parole en janvier 2017 à Addis-Abeba pour s’opposer au retour du Maroc à l’Union africaine : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Ouganda,  Zimbabwe. Dans ce groupe, deux pays ne se contentent pas d’observer une position de principe, mais déploient un activisme démesuré qui traduit une mobilisation et un engagement militant visant l’intégrité territoriale du Maroc. Dans ce cadre, si l’Algérie se prévaut de son statut de voisin-observateur « inquiet » et invoque des préoccupations d’ordre sécuritaire, quelles sont les motivations de l’Afrique du Sud, dont nous séparent quelques 11.000 kilomètres ? 

La mésentente avec Pretoria, rappelons-le, a surgi en 2004, après l’annonce par le président sud-africain d’alors, Thabo M'Beki, de la mise à exécution de la décision de reconnaitre la « rasd ». Cette décision avait été prise du temps du président Nelson Mandela, mais avait été différée à la demande de feu Hassan II, qui avait fait valoir que la question était prise en charge par les Nations Unies et qu’une reconnaissance de la « rasd » aurait été contreproductive.

Depuis lors, les relations bilatérales n’ont cessé de se dégrader.

Tout récemment, la ministre sud-africaine des relations internationales et de la coopération, Naledi Pandor, s’en est violemment prise au Maroc dans une allocution improvisée prononcée à Johannesburg le 15 octobre 2023 devant des syndicalistes (!). Après avoir raconté comment elle s’était opposée à l’admission d’Israël comme pays observateur auprès de l’Union africaine, en 2021, Pandor s’est désolée du fait qu’elle n’avait réussi à s’assurer l’appui que de trois pays, y compris parmi ceux de la SADC. Trois pays « sur 54 », a-t-elle indiqué.

« Ce que j'ai découvert, a dit la ministre Pandor, c'est que les pays qui sont des oppresseurs et des occupants coloniaux, utilisent leur puissance financière pour accorder une aide aux pays africains et obtenir leur soutien dépolitisé. Parmi eux, Israël et le Maroc. Ils jouent un rôle très négatif en Afrique ».

Ainsi, comme l’Algérie, la ministre sud-africaine qualifie le Maroc de « pays colonial » et d’« oppresseur », au même titre qu’Israël. C’est une grave agression verbale, peu importe le lieu et le contexte dans lesquels les propos ont été tenus.

Ce n’est que la dernière manifestation d’une longue série d’actes et de propos sud-africains anti marocains (Voir Maroc-Afrique du sud, Une brouille tenace).

Par ailleurs, c’est Pretoria qui a été à l’origine de l’introduction de la question du Sahara dans l’ordre du jour des BRICS (Voir Brics, L’Afrique du sud Etat hostile).

En mars 2023, la mission permanente du Maroc auprès de l’ONU a dénoncé, dans deux lettres adressées respectivement au Secrétaire général de l’ONU et au président et membres du Conseil de Sécurité, la complicité de l’Afrique du Sud avec le polisario. La mission permanente de l’Afrique du Sud joue en effet le rôle de factotum de l’Algérie et de facteur du polisario dont elle se charge de diffuser à l’ONU des lettres qui dénigrent parfois l’action du Conseil de Sécurité.

Les actes de l’Afrique du sud, de par leur constance et leur caractère répétitif, trahissent une nette volonté de nuire au Maroc.

Etrangement, notre pays entretient ou a entretenu des relations diplomatiques au niveau d’ambassadeurs résidents avec trois parmi les neuf Etats africains faisant partie du « noyau dur » hostile au Maroc : Alger, Luanda, Pretoria. Avec l’Algérie, la situation a été tirée au clair depuis la rupture des relations diplomatiques.

En laissant de côté le cas spécial de l’Angola, reste Pretoria.

En 2019, pariant sur l’avenir et mû par le souci de maintenir avec les autorités de Pretoria un canal de dialogue, le Maroc a décidé d’élever le niveau de sa représentation diplomatique en Afrique du Sud au rang d’ambassadeur résident. Cependant, quatre ans après, force est de constater qu’aucun progrès n’a été accompli dans le cadre bilatéral. Les relations politiques sont inexistantes et les thèses marocaines n’ont pas trouvé d’écho auprès des décideurs sud-africains. Pire encore, le discours marocain reste inaudible auprès des médias et n’a pas réalisé de percée auprès de l’ANC.

L’Afrique du sud est devenue un auxiliaire de l’Algérie dans une œuvre malfaisante dirigée contre le Maroc et elle ne semble pas prête à changer d’attitude.

A ce stade, il n’y a rien à attendre du régime sud-africain. 

Dans ces conditions, si le « prisme » devait trouver une mise en œuvre concrète, c’est bien à l’égard de Pretoria et ce tant que sa diplomatie déploie avec autant d’acharnement son énergie contre les intérêts du Maroc.  

mardi 31 octobre 2023

Un crime contre le Maroc ?

 Rapport du Secrétaire général des Nations unies 2023

Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Antonio Guterres, a-t-il commis ou est-il sur le point  de commettre un crime contre le Maroc ? Est-il partial dans la question du Sahara marocain ? Son dernier rapport (S/2023/729 - 3 octobre 2023) est-il plein de pièges et totalement en défaveur du Maroc ?

Toutes ces affirmations et bien d’autres ont été récemment prononcées sur des supports vidéo et écrites sur des sites électroniques (dont Belpresse) par Me Sabri Louh, qui s’étonne que personne avant lui n’ait évoqué le sujet. Il est un avocat à Meknès, « Expert en droit international, questions migratoires et conflit du Sahara, Président de l'Académie de la Pensée Stratégique Draa Tafilalet ».

M. Louh ajoute qu’aucun diplomate marocain ne s'est rendu compte de la gravité du contenu du rapport onusien.

Voyons ce qu’il en est.

L’auteur a émis plusieurs remarques. Nous allons les examiner une par une :

1- A propos du paragraphe 89 du rapport 

Ce paragraphe énonce :

« … j’appelle toutes les parties concernées à s’efforcer de changer de cap sans délai, avec l’aide de l’ONU et l’appui de l’ensemble de la communauté internationale ».

Question en débat : L’objectif de cette recommandation serait vague, sans  précision du cap que le Secrétaire général envisage. Cela signifie-t-il  un changement dans l’approche politique de la solution ? Ou dans la manière et comment gérer le dossier ? La question nécessite des explications et des éclaircissements de la part du Secrétaire général car cet appel constitue un avertissement au Maroc, qui est la partie qui bénéficie de la direction actuelle.

Pour ma part, je ne vois ni danger ni avertissement dans ce paragraphe. Lisons l’ensemble du paragraphe 89 :

« Je reste vivement préoccupé par l’évolution de la situation au Sahara occidental. Je suis parvenu à des conclusions analogues dans mes deux précédents rapports au Conseil de sécurité sur la situation concernant le Sahara occidental (S/2021/843 et S/2022/733), ce qui montre bien que l’état délétère de la situation s’est enraciné. Cet état de fait doit être infléchi de toute urgence, notamment pour éviter toute nouvelle escalade. C’est pourquoi j’appelle toutes les parties concernées à s’efforcer de changer de cap sans délai, avec l’aide de l’ONU et l’appui de l’ensemble de la communauté internationale  ».

L’appel est lancé « à toutes les parties » et invite ces dernières à « changer de cap sans délai » et cela « pour éviter toute nouvelle escalade ». Le changement de cap que Guterres appelle de ses vœux vise uniquement à assurer un apaisement de la situation, qu’il qualifie de « délétère ».

De toute évidence, dans ce texte, il n’y a ni arrière-pensées ni objectif caché et encore moins un avertissement destiné au Maroc. Il s’agit plus simplement d’un signal d’alarme et un encouragement « à toutes les parties » à calmer les choses et faire preuve de prudence. Rappelons que la formule « toutes les parties » englobe aussi bien le Maroc que l’Algérie, la Mauritanie et le polisario. C’est habituellement la formule qui est utilisée par les fonctionnaires des Nations unies pour s’adresser à l’Algérie sans la nommer. Car, aux Nations unies, on nomme rarement les choses par leur nom.

2- A propos du paragraphe 90

Question en débat: Il est reproché au Secrétaire général de placer le polisario sur un pied d'égalité avec le Maroc, en évoquant la poursuite des hostilités entre eux. Comment le Secrétaire général se permet-il cette approche du rétablissement du cessez-le-feu donnant à croire que l'accord a été conclu entre les deux parties le Maroc et le polisario ?

Voyons le texte du paragraphe 90 :

« La poursuite des hostilités et l’absence de cessez-le-feu entre le Maroc et le Front polisario marquent un net recul dans la recherche d’une solution politique à ce différend de longue date. Les incursions quotidiennes dans la zone tampon attenante au mur de sable et les hostilités entre les parties dans ce secteur sont contraires à son statut de zone démilitarisée et menacent encore davantage la stabilité de la région, et un risque d’escalade existe tant que persistent les hostilités. Les frappes aériennes et les tirs de part et d’autre du mur de sable n’ont cessé de contribuer à la montée des tensions. Dans ce contexte, il est primordial de rétablir un cessez-le-feu. »

En réalité, Guterres sait parfaitement que les accords de cessez-le-feu ont été signés, comme le rappelle l’auteur, entre chaque partie séparément et les Nations Unies. Le secrétaire général sait aussi qui a violé ce cessez-le-feu et qui émet régulièrement des communiqués militaires (900 à ce jour) faisant état d’attaques contre le mur de sécurité. Il écrit dans son rapport, au paragraphe 90 : « Les frappes aériennes et les tirs de part et d’autre du mur de sable n’ont cessé de contribuer à la montée des tensions ». Il évoque également des « incursions quotidiennes dans la zone tampon attenante au mur de sable » sans préciser par qui, ni mettre en cause une partie plutôt que l’autre, ce qui est conforme à la doctrine des Nations unies.

Déjà en 2021, dans son rapport S/2021/843 (1er octobre 2021), le secrétaire général se disait « profondément préoccupé » par « les incursions quotidiennes » dans la zone démilitarisée. Il appelait donc « les parties à désamorcer la situation et à cesser  immédiatement les hostilités ».

Cependant, dans le rapport 2023, on peut lire au paragraphe 2 : « La situation au Sahara occidental a continué à se caractériser par des tensions et des hostilités de faible intensité » entre le Maroc et le polisario.

Il s’agit bien d’« hostilités de faible intensité », mais dont le secrétaire général craint qu’elles ne dégénèrent. Car, avec les voisins dont nous sommes affligés, on ne sait jamais.

3- A propos du paragraphe 91

Question en débat: le Secrétaire général a exprimé sa conviction dans la possibilité de parvenir à « une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination » des populations du Sahara, alors que le Conseil de sécurité plaide pour une solution de consensus, de réalisme et de praticité depuis la date de la première utilisation de l'expression « solution politique juste » dans la Résolution 1175/2006. Est-ce un retour en arrière ou un revirement ? le secrétaire général cherche-t-il à saper les efforts qui sont déployés par le conseil de sécurité depuis 17 ans sachant que le mot « réalisme » a été farouchement combattu par l’Algérie.

Relisons le paragraphe 91 :

«  Ce contexte difficile rend la négociation d’une solution politique à la question du Sahara occidental plus urgente que jamais, près de cinq décennies après le début du conflit. Sous réserve que toutes les personnes concernées se mobilisent de bonne foi et pourvu qu’il y ait une forte volonté politique et un soutien constant de la communauté internationale, je demeure convaincu qu’il est possible de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara, conformément aux résolutions 2440 (2018), 2468 (2019), 2494 (2019), 2548 (2020), 2602 (2021) et 2654 (2022) du Conseil de sécurité. »

Ainsi qu’il ressort de la partie du paragraphe qui est soulignée par nos soins, la solution à laquelle se réfère le secrétaire général est celle qui est prévue  dans les résolutions du conseil de sécurité qu’il énumère. Or toutes ces résolutions disent ce qui suit :

Réaffirmant sa volonté d’aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable

2. Souligne qu’il convient de faire des progrès dans la recherche d’une solution politique réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara occidental, qui repose sur le compromis,

Rappelons que le réalisme a été introduit pour la première fois dans le rapport du secrétaire général daté du 14 avril 2008 (S/2008/251). Ban Ki-moon y écrivait : « je pense … que l’élan ainsi donné ne pourra être maintenu que si les deux parties s’efforcent de trouver un moyen de sortir de l’impasse politique actuelle en faisant preuve de réalisme et d’un esprit de compromis. »

Il faut par ailleurs noter que la formule « solution politique » est apparue pour la première fois  dans la Résolution 1429 en 2002 (30.07.2002) et non en 2006. Cette résolution dit :

. Soulignant qu’étant donné l’absence de progrès dans le règlement du différend au sujet du Sahara occidental, la recherche d’une solution politique est indispensable,

. Réaffirmant sa volonté d’aider les parties à parvenir à un règlement politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui soit avantageux pour la région du Maghreb,

. Déterminé à assurer une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable assurant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d’arrangements compatibles avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies,

4-A propos du paragraphe 92

Question en débat : le secrétaire général appelle les acteurs concernés par la question du Sahara à participer aux négociations sur une solution politique juste dans le cadre d'une réunion unifiée pour rechercher une solution politique en tenant compte des précédents établis par les précédents envoyés personnels dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité. Mais, « le secrétaire général, une fois de plus, a délibérément utilisé une expression ambiguë, car l'obligation qui est imposée par le Conseil de sécurité au Secrétaire et à son Envoyé personnel est une seule et unique, c'est de s’en tenir aux progrès réalisés et à l'accumulation qui est portée par les décisions du conseil de sécurité ».  

Que dit le paragraphe 92 ?

« L’Organisation des Nations Unies reste disposée à réunir tous ceux que la question du Sahara occidental intéresse dans un effort commun visant à rechercher une solution pacifique. Je les invite à aborder le processus politique l’esprit ouvert, à ne pas poser de conditions préalables et à saisir l’occasion qu’offrent la facilitation et les efforts de mon Envoyé personnel. Pour orienter la ligne de conduite actuelle et future, il convient de tenir dûment compte des précédents établis par mes anciens envoyés personnels dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité. »

Selon notre lecture :

-          Le secrétaire général invite « tous ceux que la question du Sahara occidental intéresse » à joindre leurs efforts pour rechercher une solution pacifique en tenant compte des progrès et des précédents qui ont été accomplis par les précédents envoyés personnels, dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité.

-          L’appel du secrétaire général s’adresse en premier lieu à l’Algérie dès lors que ce pays non seulement est une « partie intéressée », mais, comme ne cesse de le répéter le Maroc, une « partie prenante ». Et c’est à l’Algérie qu’il est demandé de ne pas poser de conditions préalables puisque ce pays refuse de prendre part aux tables rondes et s’accroche au référendum comme unique solution au différend.

Le texte est donc sans ambigüités et, faut-il le signaler, il n’y est fait nulle part mention d’une « réunion unifiée ».

5-A propos du paragraphe 93

Question en débat: le secrétaire général relie le manque de confiance à des mesures unilatérales et à des initiatives symboliques, qu'il décrit comme une source de tension permanente et un impact négatif sur la situation , est un constat qui constitue un danger pour les droits du Maroc, et est une source d'inquiétude et une menace réelle pour le travail sérieux que fait le Maroc, malgré le caractère général qui entoure le propos.

Examinons le paragraphe 93 :

 « Je constate avec regret que la méfiance continue de s’insinuer dans la région. Dans le territoire, les actes unilatéraux de revendication et les gestes symboliques qui persistent continuent d’être source de tensions constantes et aggravent la situation. J’encourage les parties à porter leur attention sur les intérêts qu’elles partagent et je les invite instamment à éviter une nouvelle escalade par leurs discours et leurs actes. »

Le secrétaire général est dans son rôle lorsqu’il tire la sonnette d’alarme à propos de tout ce qui peut menacer la paix. Il lui est déjà arrivé dans de précédents rapports d’évoquer, pour les désapprouver, ce qu’il appelle des « actes unilatéraux de revendication » ou des « des actes d’affirmation » et des « gestes symboliques ».

6-A propos du paragraphe 94

Question en débat : Ce paragraphe révèle, pour la première fois, la tenue de « consultations bilatérales informelles » sous les auspices de l’envoyé personnel du secrétaire général. Et de se demander ce que signifie la formule employée : est-ce entre chaque partie séparément avec l’envoyé personnel ou entre les parties dans un format bilatéral sous les auspices de l’envoyé personnel. Quoi qu'il en soit, le Secrétaire général appelle à l'adoption de cette méthode comme un autre moyen et outil qui démontrera son efficacité, comme il l'a dit, et il a demandé son adoption comme un cadre supplémentaire sur lequel on peut compter et adopter, sans l’indiquer.

Texte du paragraphe 94

Dans ce contexte, je me félicite des consultations bilatérales informelles qui se sont tenues sous les auspices de mon Envoyé personnel à New York en mars 2023. Il est encourageant que le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie, la Mauritanie et les membres du Groupe d’Amis aient accepté son invitation et que le format retenu ait été largement accepté. Il semble émerger un nouveau cadre supplémentaire sur lequel s’appuyer. Il est maintenant essentiel que toutes les parties concernées développent plus avant leurs positions afin de progresser vers une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, comme l’a demandé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2654 (2022).

Il s’agit, sans nul doute possible, de consultations bilatérales de l’envoyé personnel du secrétaire général séparément avec chacune des parties. Rappelons que cette formule est ancienne, l’ancien Envoyé personnel du secrétaire général, Peter van Walsum, ayant tenu lui aussi des « consultations bilatérales approfondies » séparément avec les parties au début de l’année 2018. En effet, on peut lire dans le rapport du secrétaire général S/2018/277 (29 mars 2018) :

27. Le 14 décembre, dans des lettres identiques sur le fond, mon Envoyé personnel  a invité les parties au conflit et les États voisins à tenir des consultations bilatérales approfondies.

Van Walsum avait ainsi rencontré le chef des renégats à Berlin, puis  il a tenu des consultations avec le ministre marocain des affaires étrangères et de la  coopération internationale à Lisbonne. L’Envoyé personnel a rencontré, à Berlin, le ministre  mauritanien des affaires étrangères et de la coopération et enfin, toujours à Berlin, van Walsum s’est réuni avec le ministre des affaires étrangères et de la coopération  internationale algérien.

7- Enregistrement des « réfugiés »

Question en débat : Le secrétaire général n’a pas évoqué la question de l’enregistrement des « réfugiés » retenus à Tindouf, en territoire algérien.

Depuis 2018, pour des raisons inconnues, la question n’est plus évoquée dans les rapports du secrétaire général des nations unies.

8- Rôle de la France

Question en débat : « derrière le rapport du secrétaire général des Nations unies se cache une France vaincue et rancunière expulsée des pays du Sahel. Elle se venge et révèle sa réalité coloniale qu’elle a longtemps cachée derrière le soutien de l’Algérie au Polisario. Derrière toutes les manœuvres algériennes se cache la France, malgré le fait que cette dernière ait réussi à préserver les apparences par crainte de la réaction du Maroc ».

Cette opinion et l’accusation qui en découle ne sont étayées par aucun élément de preuve concret. C’est pourquoi, je resterais quant à moi circonspect. En l’absence d’informations crédibles et n’étant pas en possession de suffisamment d’éléments du dossier, je dirais seulement qu’à mon avis, la France ne cherche ni à nuire au Maroc ni à se venger de lui. La France a été une pionnière dans l’appui au Maroc dans la question de son intégrité territoriale et le soutien français a été constant. On le vérifiera d’ailleurs dans quelques jours, lorsque le conseil de sécurité sera appelé à se prononcer sur une nouvelle résolution concernant la question du Sahara marocain. A plus ou moins longue échéance, il parait inéluctable que l’Etat français, pour aller dans le sens de l’histoire, oriente sa position dans un sens encore plus favorable au Maroc.

Conclusion

Le rapport du secrétaire général de l’ONU au titre de 2023 n’est pas hostile au Maroc. En tout état de cause, ce rapport est bien plus équilibré que certains rapports du temps de l’ancien secrétaire général Ban Ki-moon, qui étaient franchement anti marocains, certainement sous l’influence de l’ancien envoyé personnel Christopher Ross.

Les formules qui peuvent susciter des interrogations sont habituelles dans les rapports du secrétaire général.

Quant à rechercher une solution hors du cadre des Nations Unies, cette voie pourrait paraitre séduisante, mais elle est difficile, pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre dans la réalité. Le canal des Nations unies est incontournable comme l’a déclaré feu le roi Hassan II  au journal français « Le Monde » le 2 septembre 1992: « Je veux que notre acte de propriété du Sahara occidental soit déposé à la conservation foncière des Nations unies afin d’éliminer à jamais toute contestation ».