Le Ministre algérien des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur du Maroc pour « le confronter » (!) aux propos qui ont été tenus devant le consulat du Maroc à Oran.
L’ambassadeur s’est entendu dire que « la qualification par le Consul général du Maroc à Oran, si elle venait à être établie, de l’Algérie de "pays ennemi" est une violation grave des us et coutumes diplomatiques, qui ne saurait être tolérée. »
Oui, une telle déclaration (si elle était confirmée), faite en public, n’est rien moins que malheureuse et très peu diplomatique.
ennemi Personne qui veut du mal à quelqu'un, qui cherche à lui nuire, qui lui est très hostile |
Jusque-là, le communiqué, mis à part le ton inapproprié, reste dans les normes généralement admises dans les textes de ce genre. Il aurait dû s’arrêter là. Il poursuit :
« C’est également une atteinte à la nature des relations entre deux pays voisins et deux peuples frères, ce qui requiert des autorités marocaines la prise des mesures appropriées pour éviter les répercussions de cet incident sur les relations bilatérales ».
Oui, le Maroc et l’Algérie sont « deux pays voisins et deux peuples frères ».
Pour le reste, il y a matière à débat.
Affirmer que les propos incriminés seraient « une atteinte à la nature (sic) des relations » entre le Maroc et l’Algérie n'aurait de sens que si les relations bilatérales baignaient dans la félicité. Quelle est au juste la « nature » de ces relations et comment peut-on les qualifier ? Excellentes, très bonnes, bonnes ? Sereines? Paisibles ? Ou plutôt médiocres, exécrables, sinistrées ?
Il faut, dit le même ministre, « éviter les répercussions de cet incident sur les relations bilatérales ». Au point où en est la situation, on ne sait trop à quelles répercussions pourrait bien songer le ministre.
La diplomatie est tout sauf les gesticulations, les menaces, les insultes. Le dialogue est indispensable. Encore faut-il qu’il y ait bonne foi de tous les côtés et respect mutuel.
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer une interrogation dans un livre, je la remets sur le tapis:
« … Nos délégués respectifs s’étripent tous les jours dans les conférences et les réunions internationales, mais nous faisons comme si de rien n’était. Nous faisons ainsi le jeu du pouvoir algérien, qui affirme que la question du Sahara doit être dissociée des relations bilatérales. Attentifs à la bienséance et soucieux du bon voisinage, les Marocains serrent les dents. A Alger, on ne prend pas de gants et on ne s’embarrasse pas outre mesure de figures de style. Pour être cohérents avec nous-mêmes, reconnaissons qu’il y a, au minimum, un état d’hostilité, non déclaré mais réel, et adaptons notre attitude en conséquence. » (Ali Achour, Sahara marocain, 20 questions pour comprendre, 2è éd., 2018) |
Les propos maladroits, d’où qu’ils viennent, ne sont pas tolérables, on peut en donner acte d’autant plus volontiers qu’en cette rubrique, le Maroc est largement surpassé. Tout aussi intolérable, sinon davantage, est le fait pour un Etat de ne pas assumer publiquement ses actes.