Après la signature des Accords de Madrid et la récupération par le Maroc de son Sahara, le président Houari Boumediene, furieux, a déclaré que le retour du Sahara au Maroc était une « menace pour la révolution algérienne » (!). Il a alors juré de s’opposer à cette rétrocession. Ses successeurs perpétuent cet engagement, de la même manière que des milieux espagnols revanchards invoquent encore le « testament d’Isabelle la Catholique », la reine d’Espagne qui appelait les princes ses fils à « ne jamais abandonner la conquête » du Maroc.
> Pour son malheur, le Maroc doit affronter les exécuteurs de deux testaments qui ont en commun de l’avoir mis dans la ligne de mire.
La diplomatie marocaine a, en général, toujours pris soin de ménager l’Algérie. Avec son voisin, le Maroc a tout essayé, de la rupture des relations diplomatiques à la main tendue, en vain. Le Maroc a eu toutes les raisons du monde d’émettre des communiqués incendiaires, de rappeler son ambassadeur, de rompre les relations diplomatiques. Rabat était fondé à frapper sur la table et à dire Basta. Il n’en a rien fait, et à raison.
La constance algérienne dans son animosité à l’égard du Maroc, d’aucuns diront l’acharnement, sont remarquables. Dans une inversion perverse de rôles, Alger se présente aujourd’hui comme une victime de prétendues « actions hostiles, inamicales et malveillantes » menées par le voisin marocain. C’est une illustration parfaite de l’adage marocain bien connu de l’agresseur qui se dépêche d’aller se plaindre.
En réalité, c’est toujours le régime algérien qui a ouvert le premier les hostilités. Le Maroc n’a fait que répondre aux provocations et il l’a fait sans tambours ni trompettes, sans bavardages inutiles.
> Alger rompt les relations diplomatiques, le lendemain la Sierra Leone ouvre un consulat à Dakhla.
Il n’y a pas longtemps, c’était le gouvernement algérien qui voulait exclure la question du Sahara des contentieux bilatéraux. Il était demandé aux Marocains de ne pas évoquer la question dans les réunions bilatérales et de « respecter le point de vue algérien », pour ouvrir la voie à l’instauration de relations normales et apaisées.
Aujourd’hui, on assiste à un retournement de situation. C’est Alger, toujours « observateur neutre », qui mentionne la question du Sahara parmi ses griefs contre le Maroc. Ramtane Laamamra a reproché au Maroc, notamment, d’avoir « renié » ses engagements et de vouloir « imposer » une solution au différend. Ce n’est pas le langage d’un « observateur neutre ». Devant la tournure récente des événements, le gouvernement algérien est-il tenté d’agir au grand jour et d’assumer enfin ses responsabilités ? Alger a de plus en plus de difficultés à concilier publiquement sa thèse du pays voisin « concerné mais neutre » avec l’activisme forcené de sa diplomatie et de ses médias sur la question du Sahara. Cette attitude inconfortable devenait intenable. Les derniers développements ont peut-être poussé Alger à opérer ce revirement brutal dont la manifestation la plus récente est la nomination d’un ambassadeur chargé, entre autres, du Sahara marocain. On peut deviner à quelles saines activités diplomatiques cet émissaire spécial emploiera son temps.
La diplomatie algérienne continuera à dire que la question du Sahara est entre les mains de l’ONU, en ajoutant, à tout hasard, « et de l’Union africaine », mais elle agira à visage de plus en plus découvert pour essayer de donner un coup de pouce à un processus qui s’avère trop long à son goût. Visiblement, le régime algérien entend être une partie active et suppléer à la carence de ses protégés, ce qui, à tout le moins, clarifierait considérablement la situation et permettrait de redistribuer les cartes et les rôles.
Le régime algérien est de plus en plus fébrile, comme pressé d’en finir avec la question du Sahara, qu’il traîne comme un boulet depuis 1975 sans résultat aucun. Alger semble avoir perdu tout sens des réalités, au point d’« offrir », en dépit du bon sens et aussi incroyable que cela puisse paraître, d’accueillir en Algérie une rencontre entre le Maroc et les séparatistes afin ... « de trouver une solution à ce conflit »!
Depuis quelques mois, très exactement depuis l'arrivée au pouvoir du président actuel, l'hostilité des autorités algériennes est montée de plusieurs crans. C'est une campagne anti marocaine démentielle, sans retenue et savamment orchestrée qui est menée tous azimuts par le régime algérien. Rien n'y manque, pas même l’injure grossière. Des propos indignes portant atteinte à la dignité du Maroc ont été tenus à de hauts niveaux, en des termes que l’on n’est pas habitué à entendre dans la bouche d’hommes d’Etat qui se respectent. Sans compter les mimiques et la gestuelle propres aux discussions du café du commerce.
> Qu'a répondu le Maroc ? Rien évidemment. Que peut-on répondre ?
Le Maroc continue à vaquer à ses occupations, à se développer, à vacciner sa population, à exporter, à innover. Le Maroc ne bronche pas, tant il est vrai que face à de telles dérives, la meilleure attitude est l'indifférence. Justement, cette indifférence a l'heur d'exaspérer Alger qui, dépité, redouble d'acharnement anti marocain.
Le courroux d’Alger a atteint des sommets après les succès enregistrés par notre pays, en particulier la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur son Sahara et l’ouverture de plusieurs consulats à Laayoune et à Dakhla.
Le régime algérien fait flèche de tout bois pour accabler le Maroc. Ses éditorialistes n'ont pas hésité à convoquer l'histoire, récente et lointaine, au besoin en la travestissant, pour jeter l'opprobre sur le Maroc qui se trouve ainsi accusé de tous les maux, anciens et nouveaux. Cette fixation marocaine est devenue un sujet de moquerie sur les réseaux sociaux.
Outre le torrent d'injures déversé sur le Maroc, le leitmotiv est invariable : « L’Algérie est menacée », « l'Algérie est encerclée », « l'Algérie est ciblée ». Le tout ponctué de slogans et de mises en garde, non dénuées parfois d’une immodestie trahissant un incompréhensible complexe de supériorité.
> L’Algérie « encerclée » !? Par qui ? « Ciblée » par qui ? On ne sait.
Dans ses déclarations à la presse, le 24 août 2021, le ministre algérien Ramtane Laamamra a énuméré neuf griefs contre le Maroc avant d’annoncer la rupture des relations diplomatiques.
Notre diplomatie n’aura aucune difficulté à faire justice de ces allégations, et de toutes les autres. L’argumentaire marocain est imparable car il s’appuie sur des faits vérifiables, depuis le manquement à l’engagement du GPRA jusqu’à l’expulsion de dizaines de milliers de Marocains d’Algérie en 1975.
Expulsion des
Marocains d’Algérie
Quelques jours après la marche verte, en décembre 1975, le président algérien Boumediène, dans un des accès de colère dont il était coutumier, a décrété l’expulsion de dizaine de milliers de Marocains, dans le but évident de déstabiliser le Maroc. En plein hiver, quelques 350 000 personnes ont été conduites à la frontière, sans pitié ni compassion, laissant derrière elles tous leurs biens et, parfois, un conjoint algérien. C’est là un véritable crime contre l’humanité. Le seul tort des victimes était leur nationalité marocaine. Spoliés par un régime qui se disait « tiers-mondiste », « révolutionnaire », et « progressiste », les expulsés d’Algérie sont arrivés à Oujda dans le dénuement le plus total. Ils ont été progressivement réinsérés dans leur pays malgré les difficultés multiples. Aujourd’hui, plus de 45 ans après le drame, ils mènent campagne pour obtenir réparation du préjudice qu’ils ont subi. Les gouvernants algériens ne pourront pas éviter de reconnaitre, tôt ou tard, la responsabilité de leur pays dans cet acte inqualifiable. |
En laissant de côté les questions anciennes qui appartiennent à l’histoire et celles qui relèvent de la seule décision souveraine du Maroc, on dira, à propos de la « guerre médiatique » dont Laamamara prétend qu’elle est menée « contre l’Algérie, son peuple et ses dirigeants », qu’il suffit de comparer la presse des deux pays, télévision comprise. On ne citera, à titre d'exemple, que quelques-unes parmi les nombreuses dérives auxquelles Alger s'est laissé aller :
- déclarations nombreuses du président de la république, aussi bien dans des allocutions que dans des entretiens avec des médias,
- déclarations nombreuses, en Algérie et à l’étranger, de différents chefs de l'armée algérienne, à commencer par son chef d'état-major,
- innombrables émissions spéciales et commentaires dans les journaux télévisés de la chaîne officielle, en arabe comme en français, avec l'utilisation d’images et de termes volontairement blessants,
- diffusion quotidienne, rituelle et monotone de soi-disant « communiqués militaires » de la « rasd » très farfelus et très peu crédibles,
- articles nombreux et éditoriaux de la revue El Djeich, comportant des propos discourtois et des menaces.
etc.
La question se pose alors de savoir
- Qui a « sapé, systématiquement et durablement, la base consensuelle sur laquelle les deux pays ont tracé le cap et les contours harmonieux d’une relation bâtie sur la bonne foi, la confiance mutuelle, le bon voisinage et la coopération » ?
- Qui porte « une très lourde responsabilité dans la succession de crises, dont la gravité ne fait que s’accentuer, et qui vouent sans rémission la relation algéro-marocaine à suivre péniblement un chemin étroit côtoyant l’abîme » ?
- Qui « condamne les peuples de la région à la mésentente et à la confrontation » ?
- Qui « hypothèque dangereusement le présent et l’avenir de nos peuples » ?
A propos de la Kabylie, notons que ce n’est pas la première fois que la diplomatie marocaine évoque le droit à l’autodétermination du peuple kabyle. Il s’agit bien d’autodétermination, il faut le rappeler.
La question a été soulevée en juin 2010 au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à Genève, puis à New York aux Nations unies en octobre 2015 et enfin, de nouveau à Genève en juin 2017. Chaque fois, les délégués marocains n’ont fait que réagir à des déclarations provocatrices des diplomates algériens. En 2013, des élus et chefs de tribus du Sahara réunis à Laayoune, ont interpellé Alger au sujet de l’autodétermination de la Kabylie et des Touaregs.
> Une phrase a suffi à déstabiliser le régime algérien et à le mettre dans tous ses états.
Il faut manquer singulièrement de confiance en soi pour réagir avec autant de nervosité au rappel d’un principe qu’Alger a inscrit dans sa constitution et dont il fait son cheval de bataille dans sa croisade contre le Maroc. Cet émoi révèle en réalité la fragilité du pouvoir algérien. En face, le Maroc, pourtant soumis depuis 46 ans à un harcèlement systématique, garde son sang-froid en toute occasion.
En posant la question de l’autodétermination de la Kabylie, la diplomatie marocaine a recentré le débat autour d’un autre principe, tout aussi fondamental, celui de l’intégrité territoriale des Etats.
Quant au « scandale Pegasus », le Maroc a déclaré officiellement qu’il n’a pas utilisé le logiciel de NSO pour la bonne raison qu’il ne le possède pas. Au passage, on notera que les autorités algériennes, en reconnaissant que « des responsables et des citoyens algériens ont été ciblés » avouent du même coup l’incapacité de leurs services de renseignements à se protéger et à protéger les dirigeants du pays contre des écoutes.
En bon pyromane criant au feu, Alger estime avoir fait preuve de patience, de retenue et de sagesse face à un Maroc hostile. « Malgré les blessures béantes laissées par [la guerre des sables], l’Algérie a patiemment bâti des relations d’Etat à Etat avec son voisin marocain », a déclaré Laamamra, qui a passé sous silence l’engagement de militaires algériens à Amgala en 1976.
Lorsqu’il a évoqué le Traité de fraternité signé à Ifrane en 1969, Laamamra a omis de préciser que son régime est le premier à l’avoir violé, au lendemain de la Marche verte.
Au jeu de la mémoire sélective et de la mauvaise foi, certains responsables algériens sont imbattables. En prime, ils voudraient des excuses…
Nous en arrivons à l’essentiel : le Sahara marocain et la normalisation avec Israël.
Dans ces deux questions, Alger semble vouloir imposer ses vues à son voisin. Pour les dirigeants algériens, de toute évidence, le Maroc doit les consulter en toute chose. Ils ne conçoivent aucun changement sans leur accord.
En rappelant qu’en 1976, « le Maroc a rompu les relations diplomatiques avec l’Algérie qui venait, avec quelques autres pays, de reconnaitre la « rasd », Laamamara semble proférer à la fois un reproche et une injonction, sous-entendu : Comment le Maroc a-t-il osé rompre avec l’Algérie ? Rabat doit accepter sans réagir toutes les décisions algériennes, aussi hostiles soient elles.
Pour Alger, le « referendum d’autodétermination au Sahara » est la seule option. Le régime algérien veut voir le Maroc, coûte que coûte, acquiescer au diktat algérien et permettre l’organisation de cette consultation. « Hors du referendum, point de salut », telle est la rengaine d’Alger.
En définitive, Alger a fixé unilatéralement et comme il lui plait les règles du jeu et voudrait que l’on joue selon ses règles – et ses règles seules. Dans le cas contraire, il rompt les relations.
Le Maroc, il va sans dire, ne reconnaît à l'Algérie aucun droit de regard, aucune prééminence. Le Roi Hassan II l'a clairement affirmé : « l'équilibre géographique ou politique ne se fera pas selon [les] ambitions » algériennes.
Néanmoins l'Algérie est notre voisine et plus encore, comme le rappelait Sa Majesté Mohammed VI : « Le Maroc et l'Algérie sont des pays jumeaux qui se complètent ».
> Quand on est affligé d’un voisin turbulent et instable et qu’on ne peut pas déménager, il faut être patient et essayer de négocier.
Entreprise ardue lorsque l’autre partie ne veut pas entendre raison et se claquemure dans le déni. On leur parle de dialogue, ils répondent que le Maroc doit s’excuser. On leur dit que le moment est venu de tourner la page, ils répondent qu’ils sont « neutres » dans la question du Sahara.
Il n’est point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Pour autant, le Maroc est-il condamné à subir ad vitam aeternam les sautes d’humeur et les dérapages de personnages grossiers et imprévisibles ?
Gardons toujours à l'esprit que nous avons affaire à un régime sui generis à nul autre pareil, opaque et fermé. Le régime algérien fonctionne selon des codes, des paramètres et un système de pensée qui lui sont propres. Feu Hassan II, à propos de la rivalité Est-Ouest parlait d’un « clan » face à un « club ». Dans le club, il y a des gentlemen.
Les gentlemen n’insultent pas leurs voisins à longueur de journée et respectent en toute circonstance le langage et les usages diplomatiques. Le Maroc applique à la lettre le dicton العْداوة ثابتة والصْوابْ إيكون mais il n’est pas payé en retour. Les dirigeants algériens ne répondent ni aux télégrammes protocolaires de félicitations, ni à la main tendue, ni à l’offre de secours contre les incendies. En revanche, ils s’offusquent de ne recevoir aucune réponse à leur demande d’éclaircissements. Encore cet inexplicable complexe de supériorité.
Alger est coutumier des comportements, disons inélégants : A la mort de Boumediene en 1978, une délégation marocaine de haut niveau a pris l’avion pour assister aux obsèques. L'avion marocain a été maintenu en stand-by au-dessus d'Alger pendant une heure, pour finalement se voir notifier le refus de l’autorisation d’atterrissage. |
Dans sa conclusion, Laamamra a énoncé trois « refus » :
- « Refus de subir des comportements et des actes condamnables et que [l’Algérie] condamne énergiquement.
- « Refus des faits accomplis unilatéraux aux conséquences funestes pour les peuples maghrébins.
- « Refus de continuer à entretenir une fausse normalité ayant pour effet de maintenir l’ensemble maghrébin dans une situation de grave précarité, en porte-à- faux par rapport au droit international ».
Cela fait beaucoup de refus.
Alger a-t-il les moyens de sa politique ? Avec une économie sinistrée, rien n’est moins sûr. Un Etat frappé d’incurie, incapable de subvenir aux besoins élémentaires de ses citoyens, doit réviser ses ambitions à la baisse et faire preuve d’humilité.
Un gouvernement algérien raisonnable aurait tendu la main au Maroc pour travailler la main dans la main. Les deux pays peuvent réaliser de belles choses ensemble et le Maroc, pour sa part, aurait rempli loyalement sa part du contrat. Si l’Algérie fait appel aux Marocains, ces derniers peuvent être de bon conseil, ils mettront leur savoir-faire au service des voisins, qui en ont grand besoin.
Mais Alger ne veut pas.
> Que faire alors avec l’Algérie ?
Ce que nous avons toujours fait : Continuer à développer notre pays, aller de l’avant, ne pas insulter l’avenir, voilà la meilleure réponse. En ignorant les propos belliqueux et puérils, sauf lorsqu’ils franchissent les lignes rouges.
Laisser le temps faire son œuvre, tant il est vrai qu’« aussi longtemps que puisse durer la nuit, le jour finit par se lever ».
D’autres actions sont possibles et souhaitables, - il ne fait pas de doute que notre diplomatie y travaille.
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