jeudi 22 décembre 2022

France-Maroc: Vision au sud de la Méditerranée, visas au-delà



La visite à Rabat le 14 décembre dernier de Mme Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères, laisse une impression mitigée. Cette visite a eu au moins le mérite de rendre publiques les positions des deux parties sur plusieurs sujets.

Les visites ministérielles, habituellement, se préparent soigneusement en amont, au niveau des  « experts ». On se met d'accord sur l'ordre du jour et sur le communiqué commun ou les déclarations finales. S’agissant de la visite de Mme Colonna, tout donne à penser que la procédure n’a pas été respectée. Est-ce parce que, côté français, on a voulu forcer la main au partenaire marocain ? Pour avoir été mêlé à quelques épisodes similaires, je peux témoigner que les « visites surprises » visant à forcer le destin produisent rarement les effets escomptés, tout au plus peuvent-elles servir à rétablir le contact et réinstaurer un canal de dialogue après une rupture passagère.

Catherine Colonna a considéré comme un « atout » de voir que le Maroc « s’est profondément transformé », « continue de se transformer » et « joue un rôle majeur, aujourd’hui, en Méditerranée et en Afrique » pour préciser que la France « elle aussi se réforme, s’adapte, se transforme », « elle aussi a changé profondément ». On serait tenté de déceler dans les propos de la ministre une invitation au Maroc à s’adapter à une nouvelle France, et non l’inverse. E. Macron ne s’est-il pas exclamé récemment à propos de la question des visas et de la réadmission : « La France a le droit d'être susceptible aussi » ?

Entre le Maroc et la France,  il n'y a pas crise, nous dit-on. « Le Maroc et la France sont à l’unisson » a dit Mme Colonna, qui a aussi évoqué « le partenariat d’exception, fraternel et moderne » ainsi que le caractère « exemplaire » et la « singularité » de la relation entre les deux pays, unique au monde, a-t-elle souligné.

Mais il y a indéniablement une fâcherie. Côté marocain, on ne cache pas son dépit, ce que la partie française affecte de ne pas comprendre et semble vouloir ignorer. C’était visible et palpable lors de la conférence de presse. Malgré le ton enjoué de la ministre et ses sourires (crispés), les regards qu’elle jetait à son collègue marocain comme autant de bouteilles à la mer pour avoir son approbation, en vain, en disent long sur le courroux marocain. Elle était à la peine, Catherine Colonna.

Ce ne sont pas encore les grandes retrouvailles, cela manque à la fois de chaleur et de conviction, certains regards en biais, des non-dits et quelques piques le montrent: il y a encore du travail à faire.

Pourtant, la partie française savait parfaitement ce que l’on attendait de la ministre à Rabat. Pourquoi avoir fait le déplacement si Paris campe sur ses positions ? Lorsqu’elle affirme que la position de la France sur le Sahara, « claire et constante », « est favorable au Maroc…et donc nous ne changeons pas», la ministre va assurément dans le sens souhaité par Rabat, mais, à bien y regarder, ne donne-t-elle pas aussi à penser, a contrario et en termes moins diplomatiques, que la France n'ira pas plus loin ?  Par ailleurs, sa référence à « quelques entorses au cessez-le-feu » laisse perplexe.

Pour autant, Madame Colonna n’est pas venue à Rabat avec la besace vide. En annonçant la restauration d’une relation consulaire complète entre les deux pays, entendez la levée des restrictions sur les visas, elle s’attendait selon toute vraisemblance à  des remerciements, à tout le moins à un hochement de tête approbateur. Elle a eu droit à une indifférence polie : le Maroc prend acte, sans plus.

Dialogue de sourds

La France parle visas lorsque le Maroc parle vision. Les mots magiques sont : « prisme », « zone de confort », « évolution », « adaptation », « rénovation », « type de solution ».

Dit autrement, le Maroc pose la question de savoir quelle est la finalité du processus politique onusien? Quel est le terminus? Qu’entend-on au juste, à  ce stade, par « solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies » ? La France, a dit la ministre, soutient le cessez-le-feu et les efforts de l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, ce qui, il faut bien le dire, est le moins qu’on puisse attendre de n'importe quel Etat aimant la paix.  La France soutient la proposition marocaine d’autonomie et Mme Colonna a raison de rappeler que son pays a longtemps fait cavalier seul sur ce point. Le Maroc le reconnait volontiers. Mais, aujourd’hui, Paris est quelque peu à la traine par rapport aux Etats-Unis et plusieurs pays européens, dont l’Espagne voisine. Le temps n'est-il pas venu de penser à une mise à jour ? La formule présentant le plan d’autonomie marocain comme une « base de discussions sérieuse et crédible » gagnerait à être rénovée et explicitée. A défaut, le conseil de sécurité va tourner en rond pendant longtemps.

Et si la France suivait l’exemple de l'Espagne, qui a pris une décision courageuse à la fois pour aider à mettre fin à un différend dont tout le monde s'accorde à dire qu'il n'a que trop duré et, par la même occasion, sauvegarder ses intérêts dans la région ? La réaction algérienne, certes brutale et maladroite, n'a pas ébranlé le gouvernement espagnol.

L’Espagne et la France ont en commun de connaitre parfaitement l’histoire de la région, de par leur passé de puissances protectrices ou colonisatrices respectivement du Maroc et de l’Algérie. Elles détiennent à cet égard des dossiers anciens et connaissent toutes deux le dessous des cartes.

La France pourrait-elle faire preuve de détermination face au chef d’Etat-Major algérien ? Elle le peut, sans aucun doute, car elle ne manque pas d'arguments dissuasifs.

La France a tout intérêt à  faire bouger les lignes rouges qu'elle semble s'être imposé dans la question de l'intégrité territoriale du Maroc. C’est seulement à ce prix que ce grand pays pourra continuer à jouer un rôle au Maghreb, rôle  qui va en s’amenuisant si personne n'y met le holà.

D’aucuns expliquent la valse hésitation de la diplomatie française par son souci de ménager à la fois la chèvre et le chou. On parle d’équilibrisme, d'où la visite concomitante du ministre français de l'Intérieur, Gérard Darmanin en Algérie. Je ne le crois pas. Je ne crois pas que les autorités françaises se préoccupent de la réaction algérienne.

Après tout, si l'Algérie dit et crie sur tous les toits en dépit du bon sens qu’elle n'est pas partie dans le différend concernant le Sahara, la France, après d’autres Etats, peut la prendre au mot et lui retourner l’argument.

G. Darmanin s’est rendu à Alger le même jour dans le seul but d’annoncer au gouvernement algérien la « bonne nouvelle » concernant les visas, pour qu’il ne soit pas dit que l’information est venue de Rabat.

Le président Macron, quand il le veut, ne s'embarrasse pas de figures de styles excessives et sait ne pas mâcher ses mots. Il n'a pas hésité à  bousculer la présidence algérienne et sa hiérarchie militaire lorsqu'il a accusé, en octobre 2021, le « système politico-militaire » algérien de réécrire l’histoire officielle afin d'entretenir sur le dos de la France une « rente mémorielle ». Le président français a ajouté, à propos de Tebboune : « il est pris dans un système qui est très dur » et s’est demandé s’il y a eu une nation algérienne avant la colonisation française. Propos durs s’il en est. Le pouvoir algérien, après des protestations de pure forme, est vite rentré dans les rangs. C’est dire que l’épouvantail algérien brandi par certains à Paris pour justifier la pusillanimité française cache mal d’autres raisons, qui restent pour le moment peu claires.

Certes, la France est un des 5P (les membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU) et, à ce titre, elle a une responsabilité globale. Les Etats-Unis en ont autant, sinon plus.

Certes la France a des intérêts à sauvegarder aussi bien au Maroc qu'en Algérie. C'est valable pour tous les pays, à commencer par l'Espagne, qui considèrent le plan d'autonomie marocain comme la solution la meilleure, la plus crédible et la plus réaliste. En un mot, la seule solution, les autres voies étant obsolètes ou impraticables.

Pour l’heure, les perspectives d’une fin de bouderie semblent encore incertaines. Les semaines à venir, avant la visite d’Etat projetée du président français, verront peut-être des avancées dans la voie de la rénovation et de l’adaptation que les uns et les autres appellent de leurs vœux.

Il n’y a pas « crise » dans les relations maroco-françaises, mais le cœur n’y est pas encore. Les deux pays sont à la croisée des chemins et la balle est dans le camp français. La France saura-t-elle prendre la bonne voie ?  

vendredi 16 décembre 2022

La « rasd » et ses soutiens: Un clan sulfureux

                                                         El Observador, Montevideo, 14.12.2022

 

L’Uruguay annonce son intention de geler ses relations diplomatiques avec la « rasd ».

 La décision uruguayenne, si elle se confirme, mettra fin à une anomalie diplomatique et réparera une erreur historique. La reconnaissance de la « rasd » a eu lieu en 2007 sous la présidence du socialiste Tabaré Ramón Vázquez Rosas à la tête d’une alliance de la gauche incluant d'ex-Tupamaros (mouvement politique d'extrême gauche prônant la guérilla urbaine). Cet acte avait fait entrer l’Uruguay, pays démocratique avancé, dans un groupe restreint où il était en douteuse compagnie.

En effet, l’étrange entité qui a été proclamée sur le sol algérien le 27 février 1976 a été reconnue le lendemain par la république malgache, puis, au cours des jours suivants par l’Algérie et par d’autres pays africains.

L'appareil algérien s'est/a dépensé sans compter pour obtenir ces reconnaissances, en puisant généreusement dans ses pétrodollars et en n'hésitant pas à recourir au mensonge et à l'amalgame.   

Cependant, peu à peu la vérité a fini par triompher tant il est vrai qu’on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps, et de nombreux pays ont retiré, gelé ou suspendu leur reconnaissance de la « rasd ».

Sur les trois Etats européens qui s’étaient laissé tenter, deux ont disparu : la Yougoslavie a éclaté tandis que la RDA a été absorbée par la RFA. L’Albanie, pour sa part, a corrigé son erreur en 2004.

En Asie, l’Inde a fini par revenir à de meilleurs sentiments en 2000, mettant ainsi fin à un grand et regrettable malentendu.

Plus récemment, le gouvernement suédois, au terme d'une période marquée par une forte tension dans les relations bilatérales et des démarches intensives, a renoncé, en janvier 2016, à reconnaitre la « rasd ».

Les derniers pays qui maintiennent leur reconnaissance de la « république » sont africains, asiatiques ou caribéens. Dans l’ensemble, on ne peut pas dire de ces pays qu'ils sont des modèles de démocratie et de respect des droits humains. Quelques-uns sont rangés dans la catégorie  d’Etats voyous ou font l’objet de sanctions. De l’Afrique du Sud à la Corée du Nord, en passant par l’Iran, sans oublier Cuba, le Venezuela et le Zimbabwe : régimes souvent corrompus, autoritaires, voire dictatoriaux, à l’image du régime algérien.

Feu le roi Hassan II a dit :

« Nous appartenons, nous les Marocains, à un club. […] Nos adversaires appartiennent à un clan ». (Antenne 2, 8 avril 1980)

Un clan sulfureux, où les généraux algériens et leurs acolytes du polisario sont en bonne compagnie.

lundi 5 décembre 2022

Voisins

 

     Parmi les déclarations de Feu le roi Hassan II qui sont régulièrement partagées à grande échelle sur les réseaux sociaux, celle-ci retient particulièrement l’attention dans le contexte actuel :

"لا ننتظر من العالم أن يعترف بصحرائنا المغربية بل كنا نريد أن يعرف الناس مع من حشرنا الله في الجوار"

Traduction : « Nous n’attendons pas du monde qu’il reconnaisse notre Sahara marocain. Nous voulions plutôt que les gens sachent avec quels voisins Dieu nous a réunis ».

Quand et dans quel contexte ces propos ont-ils été prononcés ?

Nous sommes en 1976,  le dernier soldat espagnol a quitté le Sahara et les relations diplomatiques du Maroc (et de la Mauritanie) avec l’Algérie sont rompues depuis le 7 mars, après la reconnaissance par le gouvernement algérien de la « rasd », qu’il a lui-même fait proclamer en territoire algérien une dizaine de jours auparavant. Les dirigeants algériens, qui sont revenus sur leurs engagements, ne dissimulent plus leur volonté de contrecarrer par tous les moyens la récupération par le Maroc de ses provinces sahariennes.  

Au sommet de Port-Louis, en juillet 1976, l'Organisation de l’Unité africaine décide de tenir un sommet extraordinaire sur la « question du Sahara occidental ».

Un mois plus tard, se tient à Colombo, au Sri Lanka, la 5e conférence des chefs d'État ou de gouvernement du Mouvement des non-alignés (16-19 août). Alors que le thème principal de la réunion était la restructuration du système économique mondial, l’Algérie a tout fait pour faire inscrire la « question du Sahara » à l’ordre du jour et s’est démenée pour essayer de faire adopter une résolution contre le Maroc. Une bataille acharnée s’en est ensuivie dans les coulisses entre partisans et adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc. La délégation marocaine, présidée par Ahmed Osman, a réussi à neutraliser les tentatives algériennes, si bien que c’est une résolution somme toute soft qui a été finalement adoptée par le « sommet » :   

>> La Conférence, prenant note de la décision de l’Organisation de l’Unité Africaine de tenir un sommet extraordinaire sur la question du Sahara occidental et la situation qui a résulté dans la région, a exprimé son espoir que cette réunion aboutisse à une solution juste et durable de cette question.

Le lendemain, 20 août, dans le discours à l’occasion de  la commémoration du 23e  anniversaire de la révolution du roi et du peuple, Feu le roi Hassan II s’est référé aux péripéties de Colombo et aux agissements algériens en ces termes :


Traduction officielle :

« … La délégation du Maroc, présidée par Notre Premier ministre est revenue de Colombo sa mission couronnée de succès. Pourquoi évoquons-Nous Colombo et la conférence des non-alignés ? Nous le rappelons pour une simple raison, non parce que Nous attendions de  cette conférence l’affirmation ou la négation de la marocanité du Sahara, ce qui est indiscutable, mais parce que Nous attendions de Colombo que l’opinion publique connaisse solennellement ceux avec qui Nous cohabitons et partageons les frontières, et leurs véritables intentions.

Nous rendons grâce à Dieu que le voile ait été levé et que chacun soit désormais connu pour sa valeur humaine et politique. C’est le premier gain important que Nous enregistrons de la conférence de Colombo ».

La rupture avec le « voisin » a duré jusqu’en 1988. Une nouvelle rupture est intervenue le 24 août 2021, à l’initiative du gouvernement algérien, tandis que la frontière terrestre a été fermée par Alger en 1994.

Feu Hassan II évoquera peu après, en termes imagés, les nuisances du voisinage :

 Je n'ai donc rien à gagner et tout à perdre à me fâcher avec mon voisin car je ne peux ni changer le Maroc de place, ni changer l'Algérie de place. Nous sommes condamnés à vivre ensemble, donc à négocier constamment. C'est comme lorsqu'on habite dans un immeuble à côté de voisins turbulents et qu'on ne peut pas trouver un autre appartement, eh bien on négocie.

RTL, 21 novembre 1976

Voisins pas commodes, les dirigeants algériens ont fait une fixation sur le Maroc et le Sahara marocain. Leur acharnement n’a d’égal que leur aveuglement.

 

lundi 3 octobre 2022

La « rasd », une « république » en Algérie

« Nous savons tous que la République sahraouie ce sont 40 tentes en territoire algérien. Elle n'est pas reconnue par les Nations unies et elle n'est reconnue que par un seul des 24 pays arabes »

   María del Carmen Alva, présidente de la commission des relations extérieures, Pérou.

                                                                                                                  26 septembre 2022
 

En 1976, l’Algérie a créé dans les environs de Tindouf des camps dans lesquels elle a installé une communauté de personnes d’origines diverses, dont une minorité de Marocains provenant de Saguia el hamra et Oued Eddahab.

  •     La « rasd » est une fiction

Peu après le départ des Espagnols du Sahara marocain en 1976, Alger a créé une « république » dans les camps de Tindouf. Cette initiative a privé le polisario du statut de mouvement de libération qu’il avait demandé auprès du comité de libération de l’Organisation de l’unité africaine, qui siégeait à Darussalam, en Tanzanie. L’OUA a en effet estimé « qu'il ne saurait être question de reconnaître le polisario comme mouvement de libération du Sahara occidental », tant il est vrai, a-t-elle ajouté en toute logique, qu’« il n’y a pas de mouvement de libération dans un territoire indépendant ». La décision de proclamer la « rasd » en renonçant du même coup à obtenir pour le polisario le statut de mouvement de libération était délibérée. Alger n’ignorait pas qu’un « mouvement de libération » installé hors du territoire ne pouvait avoir aucune crédibilité. Il fallait donc créer à la hâte une « république » pour pouvoir prétendre qu’il y a un « Etat » qui « lutte » pour « libérer » une partie de son territoire qui a été « occupé » par un pays voisin. D’où les affabulations au sujet de prétendus « territoires libérés ». D’où également les « communiqués militaires » qui sont prétendument datés de Bir Lehlou, et attribués non pas au polisario mais à « l'Armée populaire de libération ».  Toutes ces manœuvres visent à donner de la consistance et de la visibilité à la « rasd » et donner de la substance à la thèse fallacieuse d’un conflit entre le Maroc et la « république ».

Ainsi, dans les camps de Tindouf, il y a, à la fois, des bandes armées, à savoir le « front polisario » et de l’autre, une soi-disant « république » autoproclamée. En réalité, les dirigeants sont les mêmes, et la soi-disant « armée sahraoui » est constituée par les miliciens du polisario. Cet échafaudage souffre cependant d’un défaut majeur : le polisario comme la « rasd » sont hébergés en Algérie. La « rasd » n’est rien d’autre qu’une fiction juridique.

  •  La « rasd », facteur de zizanie

A l’origine, la « rasd » a été reconnue par des pays, africains et autres, mais la liste s’est considérablement amenuisée depuis que nombre d’entre eux ont retiré ou gelé leur reconnaissance, sans compter les pays qui n’ont jamais reconnu la « république ».

Il est remarquable de noter que, sur les 193 pays membres des Nations Unies, 84% ne reconnaissent pas la pseudo « rasd », soit les deux tiers des pays africains, 68% des pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, 96% des pays asiatiques et 100% des pays européens et nord-américains (communiqué officiel, 18 août 2022).

Malgré des épiphénomènes ou des rechutes ici ou là, il y a nettement un phénomène de dégradation de l’image internationale de la « rasd ».

La diplomatie marocaine ne ménage aucun effort depuis 1976 pour démontrer que la « rasd » n’est pas un Etat souverain et indépendant et que c’est un facteur de zizanie et de déstabilisation en Afrique.  Les Etats africains le savent parfaitement, comme ils savent que c’est l’Algérie le vrai protagoniste dans ce litige,  mais ils ne sont pas près à en tirer les conclusions qui s’imposent par peur de faire éclater l’Union africaine. C’est un travail lent et délicat, qui requiert de la patience.

La sortie de la « rasd » de l’Union africaine n’est pas impossible, elle peut se produire de deux façons : politique ou juridique.

Voie politique

La « rasd » peut se retirer volontairement de l’Union africaine, mais il va de soi qu’elle ne le fera que si elle y est obligée. Cette décision ne peut se produire que si les pays qui soutiennent la « rasd », au premier rang desquels l’Algérie, se voient acculés à accepter cette issue. L’article 31 de l’acte constitutif de l’Union africaine énonce : « Cessation de la qualité de membre. 1. Tout Etat qui désire se retirer de l’Union en notifie par écrit le Président de la Commission qui en informe les Etats membres. »

Voie juridique

Il faut rappeler que le statut de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) prévoyait une condition essentielle pour l’admission à l’organisation, à savoir la nécessité d’être un « Etat africain indépendant et souverain » (Articles 4 et 28).

C’est la base juridique sur laquelle le Maroc s’est appuyé pour contester le dépôt par la « rasd » d’une demande d'admission à l'organisation africaine. Le Maroc, en effet, au cours du XVIIème sommet, qui s'est tenu à Freetown en 1980, a demandé à la Conférence de se prononcer au préalable sur une question préjudicielle, à savoir si la « rasd » remplissait les conditions requises en tant qu'Etat indépendant et souverain. Le vote n’a pas eu lieu et le lendemain, il a été décidé de laisser un Comité ad hoc poursuivre ses bons offices avec les parties concernées. Autrement dit, la conférence de l’OUA n’a jamais répondu à la question marocaine.

Les adversaires et les ennemis du Maroc, dans le but d’éviter la répétition de cette situation, et profitant de l’absence du Maroc qui a quitté l’OUA en 1984, ont supprimé cette disposition dans l’acte constitutif de l’Union africaine qui a été adopté en juillet 2000.

C’est dire que « l’expulsion » de la « rasd » de l’organisation africaine est juridiquement impossible, à moins de modifier l’acte constitutif de l’Union africaine. A ce sujet, il faut noter que les propositions de modification ou d’amendement de l’acte constitutif sont adoptées par « consensus ou, à défaut,  à la majorité des deux tiers » (Article 32-4).

Le Maroc doit réunir la majorité suffisante, soit 36 voix, pour pouvoir modifier l’acte constitutif et y inclure une disposition permettant  l’expulsion d’un Etat membre de l’Union africaine.

A ce sujet, les rapports de forces au sein de l'organisation africaine sont actuellement comme suit:

 

Pays africains ne reconnaissant pas la « rasd »

(en gras couleur ceux ayant ouvert un consulat dans les provinces du sud)

Pays africains reconnaissant la « rasd »

Pays africains favorables à la suspension de la « rasd » de l’Union africaine

1.          Benin

2.          Burkina Faso

3.          Burundi

4.          Cameroun

5.          Cap-Vert

6.          Comores 

7.          Côte d’Ivoire 

8.          Djibouti 

9.          Egypte

10.      Érythrée

11.      Eswatini

12.      Gabon 

13.      Gambie 

14.      Guinée   

15.      Guinée équatoriale

16.      Guinée-Bissau

17.      Kenya

18.      Liberia

19.      Madagascar

20.      Malawi

21.      Maroc

22.      Niger

23.      R. Centrafricaine  

24.      RD du Congo 

25.      R. du Congo

26.      S. Tomé-et-Principe

27.      Sénégal

28.      Seychelles 

29.      Sierra Leone 

30.      Somalie

31.      Soudan

32.      Soudan du Sud

33.      Tchad

34.      Togo

35.      Tunisie ( ?)

36.      Zambie

1.     Afrique du Sud

2.     Algérie

3.     Angola

4.     Botswana

5.     Éthiopie

6.     Ghana

7.     Lesotho

8.     Libye

9.     Mali

10. Maurice

11. Mauritanie

12. Mozambique

13. Namibie

14. Nigeria

15. Ouganda

16. Rwanda

17. Tanzanie

18. Zimbabwe

(+ « rasd »)

1.     Bénin

2.     Burkina Faso

3.     Burundi

4.     Cap-Vert

5.     Comores 

6.     Côte d’Ivoire 

7.     Djibouti

8.     Érythrée

9.     Eswatini

10. Gabon 

11. Gambie 

12. Ghana

13. Guinée   

14. Guinée équat

15. Guinée-Bissau

16. Liberia

17. Libye

18. Maroc

19. R. Centrafricaine  

20. R. du Congo

21. RD du Congo 

22. S.T.-et-Principe

23. Sénégal

24. Seychelles

25. Sierra Leone 

26. Somalie

27. Soudan

28. Togo

29. Zambie

 

Rappelons que 29 pays avaient signé en 2016 une motion demandant la suspension de la pseudo « république » des activités de l’Union africaine et de tous ses organes.

Parmi les 19 pays qui reconnaissent la « rasd », on peut considérer que 9 seulement constituent, pour le moment, le noyau dur des partisans inconditionnels de la « république ».  Il s’agit des pays qui avaient pris la parole en janvier 2017 à Addis-Abeba pour s’opposer au retour du Maroc à l’Union africaine : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Ouganda,  Zimbabwe, auxquels s’ajoute la « rasd ». Les neuf autres, dont certains reconnaissent formellement la « rasd » mais sans prendre systématiquement son parti, peuvent changer de camp, comme on l’a vu récemment avec le Kenya. Leurs voix ou celles de quelques-uns parmi eux, ajoutées à celles des 36 (35 ?) pays ne reconnaissant pas la « rasd » pourront offrir une majorité confortable.

A terme, la voie juridique peut permettre de réparer l’erreur qui a été commise par l’OUA en 1984. Cependant il faut espérer que la sagesse prévaudra et que la « rasd » sera convaincue de se retirer volontairement, dans l’intérêt de notre continent. Un précédent existe : En 1983 à Addis-Abeba, la « république » s’est retirée « volontairement » pour permettre la tenue du XIXème sommet de l’OUA.

C’est à ce prix que pourrait s’ouvrir la voie vers une solution définitive et durable du différend maroco-algérien et vers un apaisement entre les deux voisins.