« Nous savons tous que la République sahraouie ce sont 40 tentes en territoire algérien. Elle n'est pas reconnue par les Nations unies et elle n'est reconnue que par un seul des 24 pays arabes »
María del Carmen Alva, présidente de la commission des relations extérieures, Pérou.
26 septembre 2022En 1976, l’Algérie a créé dans les environs de Tindouf des camps dans lesquels elle a installé une communauté de personnes d’origines diverses, dont une minorité de Marocains provenant de Saguia el hamra et Oued Eddahab.
- La « rasd » est une fiction
Peu après le départ des Espagnols du Sahara marocain en 1976, Alger a créé une « république » dans les camps de Tindouf. Cette initiative a privé le polisario du statut de mouvement de libération qu’il avait demandé auprès du comité de libération de l’Organisation de l’unité africaine, qui siégeait à Darussalam, en Tanzanie. L’OUA a en effet estimé « qu'il ne saurait être question de reconnaître le polisario comme mouvement de libération du Sahara occidental », tant il est vrai, a-t-elle ajouté en toute logique, qu’« il n’y a pas de mouvement de libération dans un territoire indépendant ». La décision de proclamer la « rasd » en renonçant du même coup à obtenir pour le polisario le statut de mouvement de libération était délibérée. Alger n’ignorait pas qu’un « mouvement de libération » installé hors du territoire ne pouvait avoir aucune crédibilité. Il fallait donc créer à la hâte une « république » pour pouvoir prétendre qu’il y a un « Etat » qui « lutte » pour « libérer » une partie de son territoire qui a été « occupé » par un pays voisin. D’où les affabulations au sujet de prétendus « territoires libérés ». D’où également les « communiqués militaires » qui sont prétendument datés de Bir Lehlou, et attribués non pas au polisario mais à « l'Armée populaire de libération ». Toutes ces manœuvres visent à donner de la consistance et de la visibilité à la « rasd » et donner de la substance à la thèse fallacieuse d’un conflit entre le Maroc et la « république ».
Ainsi, dans les camps de Tindouf, il y a, à la fois, des bandes armées, à savoir le « front polisario » et de l’autre, une soi-disant « république » autoproclamée. En réalité, les dirigeants sont les mêmes, et la soi-disant « armée sahraoui » est constituée par les miliciens du polisario. Cet échafaudage souffre cependant d’un défaut majeur : le polisario comme la « rasd » sont hébergés en Algérie. La « rasd » n’est rien d’autre qu’une fiction juridique.
- La « rasd », facteur de zizanie
A l’origine, la « rasd » a été reconnue par des pays, africains et autres, mais la liste s’est considérablement amenuisée depuis que nombre d’entre eux ont retiré ou gelé leur reconnaissance, sans compter les pays qui n’ont jamais reconnu la « république ».
Il est remarquable de noter que, sur les 193 pays membres des Nations Unies, 84% ne reconnaissent pas la pseudo « rasd », soit les deux tiers des pays africains, 68% des pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, 96% des pays asiatiques et 100% des pays européens et nord-américains (communiqué officiel, 18 août 2022).
Malgré des épiphénomènes ou des rechutes ici ou là, il y a nettement un phénomène de dégradation de l’image internationale de la « rasd ».
La diplomatie marocaine ne ménage aucun effort depuis 1976 pour démontrer que la « rasd » n’est pas un Etat souverain et indépendant et que c’est un facteur de zizanie et de déstabilisation en Afrique. Les Etats africains le savent parfaitement, comme ils savent que c’est l’Algérie le vrai protagoniste dans ce litige, mais ils ne sont pas près à en tirer les conclusions qui s’imposent par peur de faire éclater l’Union africaine. C’est un travail lent et délicat, qui requiert de la patience.
La sortie de la « rasd » de l’Union africaine n’est pas impossible, elle peut se produire de deux façons : politique ou juridique.
Voie politique
La « rasd » peut se retirer volontairement de l’Union africaine, mais il va de soi qu’elle ne le fera que si elle y est obligée. Cette décision ne peut se produire que si les pays qui soutiennent la « rasd », au premier rang desquels l’Algérie, se voient acculés à accepter cette issue. L’article 31 de l’acte constitutif de l’Union africaine énonce : « Cessation de la qualité de membre. 1. Tout Etat qui désire se retirer de l’Union en notifie par écrit le Président de la Commission qui en informe les Etats membres. »
Voie juridique
Il faut rappeler que le statut de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) prévoyait une condition essentielle pour l’admission à l’organisation, à savoir la nécessité d’être un « Etat africain indépendant et souverain » (Articles 4 et 28).
C’est la base juridique sur laquelle le Maroc s’est appuyé pour contester le dépôt par la « rasd » d’une demande d'admission à l'organisation africaine. Le Maroc, en effet, au cours du XVIIème sommet, qui s'est tenu à Freetown en 1980, a demandé à la Conférence de se prononcer au préalable sur une question préjudicielle, à savoir si la « rasd » remplissait les conditions requises en tant qu'Etat indépendant et souverain. Le vote n’a pas eu lieu et le lendemain, il a été décidé de laisser un Comité ad hoc poursuivre ses bons offices avec les parties concernées. Autrement dit, la conférence de l’OUA n’a jamais répondu à la question marocaine.
Les adversaires et les ennemis du Maroc, dans le but d’éviter la répétition de cette situation, et profitant de l’absence du Maroc qui a quitté l’OUA en 1984, ont supprimé cette disposition dans l’acte constitutif de l’Union africaine qui a été adopté en juillet 2000.
C’est dire que « l’expulsion » de la « rasd » de l’organisation africaine est juridiquement impossible, à moins de modifier l’acte constitutif de l’Union africaine. A ce sujet, il faut noter que les propositions de modification ou d’amendement de l’acte constitutif sont adoptées par « consensus ou, à défaut, à la majorité des deux tiers » (Article 32-4).
Le Maroc doit réunir la majorité suffisante, soit 36 voix, pour pouvoir modifier l’acte constitutif et y inclure une disposition permettant l’expulsion d’un Etat membre de l’Union africaine.
A ce sujet, les rapports de forces au sein de l'organisation africaine sont actuellement comme suit:
Pays africains ne reconnaissant pas la « rasd » (en gras couleur ceux ayant ouvert un consulat dans les provinces du sud) |
Pays africains reconnaissant la « rasd » |
Pays africains favorables à la suspension de la « rasd » de l’Union africaine |
1. Benin 2. Burkina Faso 3. Burundi 4. Cameroun 5. Cap-Vert 6. Comores 7. Côte d’Ivoire 8. Djibouti 9. Egypte 10. Érythrée 11. Eswatini 12. Gabon 13. Gambie 14. Guinée 15. Guinée équatoriale 16. Guinée-Bissau 17. Kenya 18. Liberia 19. Madagascar 20. Malawi 21. Maroc 22. Niger 23. R. Centrafricaine 24. RD du Congo 25. R. du Congo 26. S. Tomé-et-Principe 27. Sénégal 28. Seychelles 29. Sierra Leone 30. Somalie 31. Soudan 32. Soudan du Sud 33. Tchad 34. Togo 35. Tunisie ( ?) 36. Zambie |
1. Afrique du Sud 2. Algérie 3. Angola 4. Botswana 5. Éthiopie 6. Ghana 7. Lesotho 8. Libye 9. Mali 10. Maurice 11. Mauritanie 12. Mozambique 13. Namibie 14. Nigeria 15. Ouganda 16. Rwanda 17. Tanzanie 18. Zimbabwe (+ « rasd ») |
1. Bénin 2. Burkina Faso 3. Burundi 4. Cap-Vert 5. Comores 6. Côte d’Ivoire 7. Djibouti 8. Érythrée 9. Eswatini 10. Gabon 11. Gambie 12. Ghana 13. Guinée 14. Guinée équat 15. Guinée-Bissau 16. Liberia 17. Libye 18. Maroc 19. R. Centrafricaine 20. R. du Congo 21. RD du Congo 22. S.T.-et-Principe 23. Sénégal 24. Seychelles 25. Sierra Leone 26. Somalie 27. Soudan 28. Togo 29. Zambie |
Rappelons que 29 pays avaient signé en 2016 une motion demandant la suspension de la pseudo « république » des activités de l’Union africaine et de tous ses organes.
Parmi les 19 pays qui reconnaissent la « rasd », on peut considérer que 9 seulement constituent, pour le moment, le noyau dur des partisans inconditionnels de la « république ». Il s’agit des pays qui avaient pris la parole en janvier 2017 à Addis-Abeba pour s’opposer au retour du Maroc à l’Union africaine : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Ouganda, Zimbabwe, auxquels s’ajoute la « rasd ». Les neuf autres, dont certains reconnaissent formellement la « rasd » mais sans prendre systématiquement son parti, peuvent changer de camp, comme on l’a vu récemment avec le Kenya. Leurs voix ou celles de quelques-uns parmi eux, ajoutées à celles des 36 (35 ?) pays ne reconnaissant pas la « rasd » pourront offrir une majorité confortable.
A terme, la voie juridique peut permettre de réparer l’erreur qui a été commise par l’OUA en 1984. Cependant il faut espérer que la sagesse prévaudra et que la « rasd » sera convaincue de se retirer volontairement, dans l’intérêt de notre continent. Un précédent existe : En 1983 à Addis-Abeba, la « république » s’est retirée « volontairement » pour permettre la tenue du XIXème sommet de l’OUA.
C’est à ce prix que pourrait s’ouvrir la voie vers une solution définitive et durable du différend maroco-algérien et vers un apaisement entre les deux voisins.
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