mardi 14 novembre 2023

 Il n’y a rien à attendre de Pretoria

 

Nous avons déjà écrit ailleurs que parmi les 19 pays africains qui reconnaissent la « rasd », on peut considérer que 9 seulement constituent le « noyau dur » des partisans inconditionnels de la « république ».  Il s’agit des pays qui ont pris la parole en janvier 2017 à Addis-Abeba pour s’opposer au retour du Maroc à l’Union africaine : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Ouganda,  Zimbabwe. Dans ce groupe, deux pays ne se contentent pas d’observer une position de principe, mais déploient un activisme démesuré qui traduit une mobilisation et un engagement militant visant l’intégrité territoriale du Maroc. Dans ce cadre, si l’Algérie se prévaut de son statut de voisin-observateur « inquiet » et invoque des préoccupations d’ordre sécuritaire, quelles sont les motivations de l’Afrique du Sud, dont nous séparent quelques 11.000 kilomètres ? 

La mésentente avec Pretoria, rappelons-le, a surgi en 2004, après l’annonce par le président sud-africain d’alors, Thabo M'Beki, de la mise à exécution de la décision de reconnaitre la « rasd ». Cette décision avait été prise du temps du président Nelson Mandela, mais avait été différée à la demande de feu Hassan II, qui avait fait valoir que la question était prise en charge par les Nations Unies et qu’une reconnaissance de la « rasd » aurait été contreproductive.

Depuis lors, les relations bilatérales n’ont cessé de se dégrader.

Tout récemment, la ministre sud-africaine des relations internationales et de la coopération, Naledi Pandor, s’en est violemment prise au Maroc dans une allocution improvisée prononcée à Johannesburg le 15 octobre 2023 devant des syndicalistes (!). Après avoir raconté comment elle s’était opposée à l’admission d’Israël comme pays observateur auprès de l’Union africaine, en 2021, Pandor s’est désolée du fait qu’elle n’avait réussi à s’assurer l’appui que de trois pays, y compris parmi ceux de la SADC. Trois pays « sur 54 », a-t-elle indiqué.

« Ce que j'ai découvert, a dit la ministre Pandor, c'est que les pays qui sont des oppresseurs et des occupants coloniaux, utilisent leur puissance financière pour accorder une aide aux pays africains et obtenir leur soutien dépolitisé. Parmi eux, Israël et le Maroc. Ils jouent un rôle très négatif en Afrique ».

Ainsi, comme l’Algérie, la ministre sud-africaine qualifie le Maroc de « pays colonial » et d’« oppresseur », au même titre qu’Israël. C’est une grave agression verbale, peu importe le lieu et le contexte dans lesquels les propos ont été tenus.

Ce n’est que la dernière manifestation d’une longue série d’actes et de propos sud-africains anti marocains (Voir Maroc-Afrique du sud, Une brouille tenace).

Par ailleurs, c’est Pretoria qui a été à l’origine de l’introduction de la question du Sahara dans l’ordre du jour des BRICS (Voir Brics, L’Afrique du sud Etat hostile).

En mars 2023, la mission permanente du Maroc auprès de l’ONU a dénoncé, dans deux lettres adressées respectivement au Secrétaire général de l’ONU et au président et membres du Conseil de Sécurité, la complicité de l’Afrique du Sud avec le polisario. La mission permanente de l’Afrique du Sud joue en effet le rôle de factotum de l’Algérie et de facteur du polisario dont elle se charge de diffuser à l’ONU des lettres qui dénigrent parfois l’action du Conseil de Sécurité.

Les actes de l’Afrique du sud, de par leur constance et leur caractère répétitif, trahissent une nette volonté de nuire au Maroc.

Etrangement, notre pays entretient ou a entretenu des relations diplomatiques au niveau d’ambassadeurs résidents avec trois parmi les neuf Etats africains faisant partie du « noyau dur » hostile au Maroc : Alger, Luanda, Pretoria. Avec l’Algérie, la situation a été tirée au clair depuis la rupture des relations diplomatiques.

En laissant de côté le cas spécial de l’Angola, reste Pretoria.

En 2019, pariant sur l’avenir et mû par le souci de maintenir avec les autorités de Pretoria un canal de dialogue, le Maroc a décidé d’élever le niveau de sa représentation diplomatique en Afrique du Sud au rang d’ambassadeur résident. Cependant, quatre ans après, force est de constater qu’aucun progrès n’a été accompli dans le cadre bilatéral. Les relations politiques sont inexistantes et les thèses marocaines n’ont pas trouvé d’écho auprès des décideurs sud-africains. Pire encore, le discours marocain reste inaudible auprès des médias et n’a pas réalisé de percée auprès de l’ANC.

L’Afrique du sud est devenue un auxiliaire de l’Algérie dans une œuvre malfaisante dirigée contre le Maroc et elle ne semble pas prête à changer d’attitude.

A ce stade, il n’y a rien à attendre du régime sud-africain. 

Dans ces conditions, si le « prisme » devait trouver une mise en œuvre concrète, c’est bien à l’égard de Pretoria et ce tant que sa diplomatie déploie avec autant d’acharnement son énergie contre les intérêts du Maroc.  

mardi 31 octobre 2023

Un crime contre le Maroc ?

 Rapport du Secrétaire général des Nations unies 2023

Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Antonio Guterres, a-t-il commis ou est-il sur le point  de commettre un crime contre le Maroc ? Est-il partial dans la question du Sahara marocain ? Son dernier rapport (S/2023/729 - 3 octobre 2023) est-il plein de pièges et totalement en défaveur du Maroc ?

Toutes ces affirmations et bien d’autres ont été récemment prononcées sur des supports vidéo et écrites sur des sites électroniques (dont Belpresse) par Me Sabri Louh, qui s’étonne que personne avant lui n’ait évoqué le sujet. Il est un avocat à Meknès, « Expert en droit international, questions migratoires et conflit du Sahara, Président de l'Académie de la Pensée Stratégique Draa Tafilalet ».

M. Louh ajoute qu’aucun diplomate marocain ne s'est rendu compte de la gravité du contenu du rapport onusien.

Voyons ce qu’il en est.

L’auteur a émis plusieurs remarques. Nous allons les examiner une par une :

1- A propos du paragraphe 89 du rapport 

Ce paragraphe énonce :

« … j’appelle toutes les parties concernées à s’efforcer de changer de cap sans délai, avec l’aide de l’ONU et l’appui de l’ensemble de la communauté internationale ».

Question en débat : L’objectif de cette recommandation serait vague, sans  précision du cap que le Secrétaire général envisage. Cela signifie-t-il  un changement dans l’approche politique de la solution ? Ou dans la manière et comment gérer le dossier ? La question nécessite des explications et des éclaircissements de la part du Secrétaire général car cet appel constitue un avertissement au Maroc, qui est la partie qui bénéficie de la direction actuelle.

Pour ma part, je ne vois ni danger ni avertissement dans ce paragraphe. Lisons l’ensemble du paragraphe 89 :

« Je reste vivement préoccupé par l’évolution de la situation au Sahara occidental. Je suis parvenu à des conclusions analogues dans mes deux précédents rapports au Conseil de sécurité sur la situation concernant le Sahara occidental (S/2021/843 et S/2022/733), ce qui montre bien que l’état délétère de la situation s’est enraciné. Cet état de fait doit être infléchi de toute urgence, notamment pour éviter toute nouvelle escalade. C’est pourquoi j’appelle toutes les parties concernées à s’efforcer de changer de cap sans délai, avec l’aide de l’ONU et l’appui de l’ensemble de la communauté internationale  ».

L’appel est lancé « à toutes les parties » et invite ces dernières à « changer de cap sans délai » et cela « pour éviter toute nouvelle escalade ». Le changement de cap que Guterres appelle de ses vœux vise uniquement à assurer un apaisement de la situation, qu’il qualifie de « délétère ».

De toute évidence, dans ce texte, il n’y a ni arrière-pensées ni objectif caché et encore moins un avertissement destiné au Maroc. Il s’agit plus simplement d’un signal d’alarme et un encouragement « à toutes les parties » à calmer les choses et faire preuve de prudence. Rappelons que la formule « toutes les parties » englobe aussi bien le Maroc que l’Algérie, la Mauritanie et le polisario. C’est habituellement la formule qui est utilisée par les fonctionnaires des Nations unies pour s’adresser à l’Algérie sans la nommer. Car, aux Nations unies, on nomme rarement les choses par leur nom.

2- A propos du paragraphe 90

Question en débat: Il est reproché au Secrétaire général de placer le polisario sur un pied d'égalité avec le Maroc, en évoquant la poursuite des hostilités entre eux. Comment le Secrétaire général se permet-il cette approche du rétablissement du cessez-le-feu donnant à croire que l'accord a été conclu entre les deux parties le Maroc et le polisario ?

Voyons le texte du paragraphe 90 :

« La poursuite des hostilités et l’absence de cessez-le-feu entre le Maroc et le Front polisario marquent un net recul dans la recherche d’une solution politique à ce différend de longue date. Les incursions quotidiennes dans la zone tampon attenante au mur de sable et les hostilités entre les parties dans ce secteur sont contraires à son statut de zone démilitarisée et menacent encore davantage la stabilité de la région, et un risque d’escalade existe tant que persistent les hostilités. Les frappes aériennes et les tirs de part et d’autre du mur de sable n’ont cessé de contribuer à la montée des tensions. Dans ce contexte, il est primordial de rétablir un cessez-le-feu. »

En réalité, Guterres sait parfaitement que les accords de cessez-le-feu ont été signés, comme le rappelle l’auteur, entre chaque partie séparément et les Nations Unies. Le secrétaire général sait aussi qui a violé ce cessez-le-feu et qui émet régulièrement des communiqués militaires (900 à ce jour) faisant état d’attaques contre le mur de sécurité. Il écrit dans son rapport, au paragraphe 90 : « Les frappes aériennes et les tirs de part et d’autre du mur de sable n’ont cessé de contribuer à la montée des tensions ». Il évoque également des « incursions quotidiennes dans la zone tampon attenante au mur de sable » sans préciser par qui, ni mettre en cause une partie plutôt que l’autre, ce qui est conforme à la doctrine des Nations unies.

Déjà en 2021, dans son rapport S/2021/843 (1er octobre 2021), le secrétaire général se disait « profondément préoccupé » par « les incursions quotidiennes » dans la zone démilitarisée. Il appelait donc « les parties à désamorcer la situation et à cesser  immédiatement les hostilités ».

Cependant, dans le rapport 2023, on peut lire au paragraphe 2 : « La situation au Sahara occidental a continué à se caractériser par des tensions et des hostilités de faible intensité » entre le Maroc et le polisario.

Il s’agit bien d’« hostilités de faible intensité », mais dont le secrétaire général craint qu’elles ne dégénèrent. Car, avec les voisins dont nous sommes affligés, on ne sait jamais.

3- A propos du paragraphe 91

Question en débat: le Secrétaire général a exprimé sa conviction dans la possibilité de parvenir à « une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination » des populations du Sahara, alors que le Conseil de sécurité plaide pour une solution de consensus, de réalisme et de praticité depuis la date de la première utilisation de l'expression « solution politique juste » dans la Résolution 1175/2006. Est-ce un retour en arrière ou un revirement ? le secrétaire général cherche-t-il à saper les efforts qui sont déployés par le conseil de sécurité depuis 17 ans sachant que le mot « réalisme » a été farouchement combattu par l’Algérie.

Relisons le paragraphe 91 :

«  Ce contexte difficile rend la négociation d’une solution politique à la question du Sahara occidental plus urgente que jamais, près de cinq décennies après le début du conflit. Sous réserve que toutes les personnes concernées se mobilisent de bonne foi et pourvu qu’il y ait une forte volonté politique et un soutien constant de la communauté internationale, je demeure convaincu qu’il est possible de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara, conformément aux résolutions 2440 (2018), 2468 (2019), 2494 (2019), 2548 (2020), 2602 (2021) et 2654 (2022) du Conseil de sécurité. »

Ainsi qu’il ressort de la partie du paragraphe qui est soulignée par nos soins, la solution à laquelle se réfère le secrétaire général est celle qui est prévue  dans les résolutions du conseil de sécurité qu’il énumère. Or toutes ces résolutions disent ce qui suit :

Réaffirmant sa volonté d’aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable

2. Souligne qu’il convient de faire des progrès dans la recherche d’une solution politique réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara occidental, qui repose sur le compromis,

Rappelons que le réalisme a été introduit pour la première fois dans le rapport du secrétaire général daté du 14 avril 2008 (S/2008/251). Ban Ki-moon y écrivait : « je pense … que l’élan ainsi donné ne pourra être maintenu que si les deux parties s’efforcent de trouver un moyen de sortir de l’impasse politique actuelle en faisant preuve de réalisme et d’un esprit de compromis. »

Il faut par ailleurs noter que la formule « solution politique » est apparue pour la première fois  dans la Résolution 1429 en 2002 (30.07.2002) et non en 2006. Cette résolution dit :

. Soulignant qu’étant donné l’absence de progrès dans le règlement du différend au sujet du Sahara occidental, la recherche d’une solution politique est indispensable,

. Réaffirmant sa volonté d’aider les parties à parvenir à un règlement politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui soit avantageux pour la région du Maghreb,

. Déterminé à assurer une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable assurant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d’arrangements compatibles avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies,

4-A propos du paragraphe 92

Question en débat : le secrétaire général appelle les acteurs concernés par la question du Sahara à participer aux négociations sur une solution politique juste dans le cadre d'une réunion unifiée pour rechercher une solution politique en tenant compte des précédents établis par les précédents envoyés personnels dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité. Mais, « le secrétaire général, une fois de plus, a délibérément utilisé une expression ambiguë, car l'obligation qui est imposée par le Conseil de sécurité au Secrétaire et à son Envoyé personnel est une seule et unique, c'est de s’en tenir aux progrès réalisés et à l'accumulation qui est portée par les décisions du conseil de sécurité ».  

Que dit le paragraphe 92 ?

« L’Organisation des Nations Unies reste disposée à réunir tous ceux que la question du Sahara occidental intéresse dans un effort commun visant à rechercher une solution pacifique. Je les invite à aborder le processus politique l’esprit ouvert, à ne pas poser de conditions préalables et à saisir l’occasion qu’offrent la facilitation et les efforts de mon Envoyé personnel. Pour orienter la ligne de conduite actuelle et future, il convient de tenir dûment compte des précédents établis par mes anciens envoyés personnels dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité. »

Selon notre lecture :

-          Le secrétaire général invite « tous ceux que la question du Sahara occidental intéresse » à joindre leurs efforts pour rechercher une solution pacifique en tenant compte des progrès et des précédents qui ont été accomplis par les précédents envoyés personnels, dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité.

-          L’appel du secrétaire général s’adresse en premier lieu à l’Algérie dès lors que ce pays non seulement est une « partie intéressée », mais, comme ne cesse de le répéter le Maroc, une « partie prenante ». Et c’est à l’Algérie qu’il est demandé de ne pas poser de conditions préalables puisque ce pays refuse de prendre part aux tables rondes et s’accroche au référendum comme unique solution au différend.

Le texte est donc sans ambigüités et, faut-il le signaler, il n’y est fait nulle part mention d’une « réunion unifiée ».

5-A propos du paragraphe 93

Question en débat: le secrétaire général relie le manque de confiance à des mesures unilatérales et à des initiatives symboliques, qu'il décrit comme une source de tension permanente et un impact négatif sur la situation , est un constat qui constitue un danger pour les droits du Maroc, et est une source d'inquiétude et une menace réelle pour le travail sérieux que fait le Maroc, malgré le caractère général qui entoure le propos.

Examinons le paragraphe 93 :

 « Je constate avec regret que la méfiance continue de s’insinuer dans la région. Dans le territoire, les actes unilatéraux de revendication et les gestes symboliques qui persistent continuent d’être source de tensions constantes et aggravent la situation. J’encourage les parties à porter leur attention sur les intérêts qu’elles partagent et je les invite instamment à éviter une nouvelle escalade par leurs discours et leurs actes. »

Le secrétaire général est dans son rôle lorsqu’il tire la sonnette d’alarme à propos de tout ce qui peut menacer la paix. Il lui est déjà arrivé dans de précédents rapports d’évoquer, pour les désapprouver, ce qu’il appelle des « actes unilatéraux de revendication » ou des « des actes d’affirmation » et des « gestes symboliques ».

6-A propos du paragraphe 94

Question en débat : Ce paragraphe révèle, pour la première fois, la tenue de « consultations bilatérales informelles » sous les auspices de l’envoyé personnel du secrétaire général. Et de se demander ce que signifie la formule employée : est-ce entre chaque partie séparément avec l’envoyé personnel ou entre les parties dans un format bilatéral sous les auspices de l’envoyé personnel. Quoi qu'il en soit, le Secrétaire général appelle à l'adoption de cette méthode comme un autre moyen et outil qui démontrera son efficacité, comme il l'a dit, et il a demandé son adoption comme un cadre supplémentaire sur lequel on peut compter et adopter, sans l’indiquer.

Texte du paragraphe 94

Dans ce contexte, je me félicite des consultations bilatérales informelles qui se sont tenues sous les auspices de mon Envoyé personnel à New York en mars 2023. Il est encourageant que le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie, la Mauritanie et les membres du Groupe d’Amis aient accepté son invitation et que le format retenu ait été largement accepté. Il semble émerger un nouveau cadre supplémentaire sur lequel s’appuyer. Il est maintenant essentiel que toutes les parties concernées développent plus avant leurs positions afin de progresser vers une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, comme l’a demandé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2654 (2022).

Il s’agit, sans nul doute possible, de consultations bilatérales de l’envoyé personnel du secrétaire général séparément avec chacune des parties. Rappelons que cette formule est ancienne, l’ancien Envoyé personnel du secrétaire général, Peter van Walsum, ayant tenu lui aussi des « consultations bilatérales approfondies » séparément avec les parties au début de l’année 2018. En effet, on peut lire dans le rapport du secrétaire général S/2018/277 (29 mars 2018) :

27. Le 14 décembre, dans des lettres identiques sur le fond, mon Envoyé personnel  a invité les parties au conflit et les États voisins à tenir des consultations bilatérales approfondies.

Van Walsum avait ainsi rencontré le chef des renégats à Berlin, puis  il a tenu des consultations avec le ministre marocain des affaires étrangères et de la  coopération internationale à Lisbonne. L’Envoyé personnel a rencontré, à Berlin, le ministre  mauritanien des affaires étrangères et de la coopération et enfin, toujours à Berlin, van Walsum s’est réuni avec le ministre des affaires étrangères et de la coopération  internationale algérien.

7- Enregistrement des « réfugiés »

Question en débat : Le secrétaire général n’a pas évoqué la question de l’enregistrement des « réfugiés » retenus à Tindouf, en territoire algérien.

Depuis 2018, pour des raisons inconnues, la question n’est plus évoquée dans les rapports du secrétaire général des nations unies.

8- Rôle de la France

Question en débat : « derrière le rapport du secrétaire général des Nations unies se cache une France vaincue et rancunière expulsée des pays du Sahel. Elle se venge et révèle sa réalité coloniale qu’elle a longtemps cachée derrière le soutien de l’Algérie au Polisario. Derrière toutes les manœuvres algériennes se cache la France, malgré le fait que cette dernière ait réussi à préserver les apparences par crainte de la réaction du Maroc ».

Cette opinion et l’accusation qui en découle ne sont étayées par aucun élément de preuve concret. C’est pourquoi, je resterais quant à moi circonspect. En l’absence d’informations crédibles et n’étant pas en possession de suffisamment d’éléments du dossier, je dirais seulement qu’à mon avis, la France ne cherche ni à nuire au Maroc ni à se venger de lui. La France a été une pionnière dans l’appui au Maroc dans la question de son intégrité territoriale et le soutien français a été constant. On le vérifiera d’ailleurs dans quelques jours, lorsque le conseil de sécurité sera appelé à se prononcer sur une nouvelle résolution concernant la question du Sahara marocain. A plus ou moins longue échéance, il parait inéluctable que l’Etat français, pour aller dans le sens de l’histoire, oriente sa position dans un sens encore plus favorable au Maroc.

Conclusion

Le rapport du secrétaire général de l’ONU au titre de 2023 n’est pas hostile au Maroc. En tout état de cause, ce rapport est bien plus équilibré que certains rapports du temps de l’ancien secrétaire général Ban Ki-moon, qui étaient franchement anti marocains, certainement sous l’influence de l’ancien envoyé personnel Christopher Ross.

Les formules qui peuvent susciter des interrogations sont habituelles dans les rapports du secrétaire général.

Quant à rechercher une solution hors du cadre des Nations Unies, cette voie pourrait paraitre séduisante, mais elle est difficile, pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre dans la réalité. Le canal des Nations unies est incontournable comme l’a déclaré feu le roi Hassan II  au journal français « Le Monde » le 2 septembre 1992: « Je veux que notre acte de propriété du Sahara occidental soit déposé à la conservation foncière des Nations unies afin d’éliminer à jamais toute contestation ».

jeudi 19 octobre 2023

Quatrième commission de l’ONU, 2023 : On tourne en rond

Sans surprise, comme les années précédentes, les débats de la « Com-mission des Questions politiques spéciales et de la décolonisation » (Quatrième commission) sur la « question du Sahara occidental » ont pris fin le 11 octobre 2023 par l’adoption sans vote d’une résolution qui sera prochainement entérinée par l’assemblée générale.

Pas de surprise non plus dans la résolution, qui reprend en le mettant à jour le texte de 2022 :
  • Appui du processus de négociation lancé par la résolution 1754 (2007) et d’autres résolutions du Conseil de sécurité
  • Eloge des efforts déployés par le Secrétaire général et son Envoyé personnel.
  • Félicitation de l’engagement des parties.
  • Invitation des parties à coopérer avec le Comité international de la Croix-Rouge et à s’acquitter de leurs obligations au regard du droit international humanitaire.  

Auparavant, de nombreux pétitionnaires se sont exprimés (Un pétitionnaire est une personne qui, agissant en son nom propre ou en représentation d’une organisation, a été autorisée à faire une communication devant la Quatrième commission). Dans les rangs marocains, la performance de nos compatriotes originaires des provinces du sud a été dans l’ensemble remarquable, avec une mention spéciale à l’élément féminin, en particulier les députées Hayat Laariche (USFP) et Leila Dahi (RNI). On ne s’exprime jamais mieux que dans sa langue maternelle ou, à défaut, dans la langue que l’on maitrise le plus.

Au cours du débat, les représentants des quelques pays qui reconnaissent la « rasd » ont été modérés dans leurs propos. Il s’agit de Cuba, de la Bolivie, de l’Angola, du Mexique, de l’Iran, de l’Éthiopie, du Botswana.

Les délégués de Timor-Leste, de l’Afrique du sud, du Nicaragua, de la Namibie, du Mozambique, du Lesotho, du Zimbabwe ont évoqué d’une manière ou d’une autre le référendum.

Aucun Etat membre permanent du conseil de sécurité ne s’est exprimé sur la question, pas plus que des pays qui appuient généralement l’autre camp, comme Guyana,  la Colombie, l’Ouganda, l’Uruguay, le Ghana.

La séance ne s’est animée que lorsque le moment tant attendu, le « clou du spectacle » est arrivé. Comme chaque année, la passe d’armes entre le représentant permanent du Maroc et celui de l’Algérie a secoué la torpeur dans une salle où les discours atones et monotones se suivent et se ressemblent. Pourquoi est-ce toujours avec l’Algérie et aucun autre Etat que le représentant permanent marocain doit croiser le fer, voilà une question à laquelle l’Algérie refuse de répondre. C’est le représentant de ce pays, Amar Bendjama, qui a ouvert le feu en instruisant à charge. Lui répondant, l’ambassadeur marocain a fait justice de ce qu’il a appelé les « sept mensonges fondateurs » de l’action pernicieuse de l’Algérie, à commencer par la soi-disant « défense » du droit à l’autodétermination, qui n’est qu’un paravent masquant les visées hégémoniques du régime militaire algérien. Pour preuve, Alger n’a jamais fait preuve d’autant d’activisme sur les autres questions portées devant la Quatrième Commission. 

A noter l’intervention du délégué des États-Unis, qui a annoncé son intention de voter contre cinq projets de résolution et demandé un vote enregistré.  « La délégation américaine est fière d’appuyer le droit à l’autodétermination des peuples, a affirmé le représentant américain, mais ces résolutions accordent trop d’importance à l’indépendance comme seule option pour les territoires non autonomes, aux dépens du principe de libre association ». 

La représentante de l’Espagne, parlant au nom de l’Union européenne, a souligné la nécessité d’enregistrer les personnes qui vivent dans les camps près de Tindouf, en Algérie. Ce passage, pourtant de grande importance, a été omis dans la version en français du compte-rendu de la réunion qui a été publiée sur le site de l’ONU par son département de presse.

Après l’adoption du projet de résolution, le représentant de l’Algérie a demandé la parole pour se livrer à une attaque en règle contre le Maroc sur des questions sans lien avec l’affaire en débat. Dans une attitude trahissant un grand désarroi, l’ambassadeur algérien, sans arguments, n’a rien trouvé de mieux que d’évoquer le cannabis et Pegasus, dans une vaine tentative de mettre en cause le Maroc, avec un cynisme et une perfidie affligeants. Cette sortie de route est intervenue au lendemain de l’intervention tonitruante et vulgaire de l’adjoint de l’ambassadeur algérien, qui, tout en appelant à la bienséance, a tenu des propos  inconvenants en comparant son collègue marocain à un « percussionniste » s’exhibant à Jamaa el Fna (!). L’attaque ad hominem et l’invective grossière semblent être devenues une spécialité de la diplomatie algérienne.       

Recentrant le débat, l’ambassadeur du Maroc a mis au défi l’Algérie d’enregistrer la population des camps de Tindouf. Il a souligné la responsabilité de l’Algérie dans la poursuite de ce conflit artificiel, bien qu’elle s’obstine à se présenter comme un observateur. Un observateur particulièrement actif, que le secrétaire général des Nations unies qualifie dans son dernier rapport (S/2023/729) de « très préoccupé ». Voilà maintenant que l’Algérie est un « observateur préoccupé » ! La liste des divers statuts de l’Algérie s’allonge et les déclinaisons se multiplient. Une Algérie qui se dit « préoccupée », c’est le pyromane qui crie au feu. En d’autres mots, Alger arme et abrite la milice du polisario, pour ensuite se « préoccuper ». S’il y a un vrai observateur dans cette querelle qui peut, à raison, se dire inquiet, c’est la Mauritanie et aucun autre pays. Depuis bientôt 50 ans, l’Algérie sème la zizanie dans sa région sans que personne n’y trouve rien à redire. Elle arrive, grâce au soutien de ses amis au conseil de sécurité, à se faire passer pour ce qu’elle n’est pas. Dans son dernier rapport, António Guterres continue à tourner autour du pot. Usant de périphrases, il écrit « la détérioration des relations entre l’Algérie et le Maroc reste préoccupante. Je regrette que l’occasion n’ait pas encore pu être saisie d’aplanir les divergences entre les deux pays et je les encourage à renouer le dialogue pour rétablir la concorde et à renouveler les efforts visant la coopération régionale, y compris en vue d’établir un environnement propice à la paix et à la sécurité. » Un long passage pour dire que l’Algérie est la source de tous les maux du Grand Maghreb, car les « divergences » dont parle le secrétaire général ne peuvent être que celles qui portent sur le Sahara marocain. « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde », a écrit Albert Camus.

La frilosité onusienne, à la longue, s’avère dangereusement contreproductive.