Bienvenue au club
Il y a des diplomates qui
communiquent beaucoup et d'autres peu ou pas du tout. Thomas Reilly,
ambassadeur du Royaume Uni, fait clairement partie de la première catégorie.
Présent non seulement sur les réseaux sociaux, mais également dans les médias,
l'ambassadeur s'exprime beaucoup. De Twitter aux radios privées, des quotidiens
aux hebdomadaires, T. Reilly raconte, partage, informe, explique, constate,
déplore, dénonce, opine. En un mot, il fait, jusqu'à un certain point, son
métier, - et il le fait bien, aidé par ses qualités professionnelles, son
expérience dans les pays arabes, un tempérament apparemment sociable et une
bonne connaissance de la langue française.
Un journaliste relève
dans le langage direct de T. Reilly "une franchise détonante pour un
diplomate". La conception de la "franchise" est-elle la même
chez les diplomates et chez les journalistes ? La sincérité, si tant est
qu'elle existe chez les diplomates dans l'exercice de leurs fonctions, est à
géométrie variable. L'exercice est malaisé, et requiert une habileté
exceptionnelle car les limites peuvent vite être franchies.
Ce n'est pas la même
chose de décrire avec un humour très british le "glorieux chaos" de
la circulation automobile que d'émettre un avis sur des questions sensibles de politique intérieure. On
ne peut pas à la fois plaider pour une "relation d'égal à égal", loin
de la condescendance de "grand frère" à "petit frère" et distribuer
des bonnes (ou des mauvaises) notes. Ce n'est pas le rôle d'un diplomate étranger, quels que soient par ailleurs sa bonne foi, son souhait de bien faire et le bienfondé de son appréciation. Ce n'est pas son débat. Question de principe.
Un diplomate qui parle
intéresse évidemment les journalistes. Si, en plus, il dit "son amour du
Maroc", il sera hautement apprécié. Si, en outre, il ne s'embarrasse pas outre
mesure de circonlocutions, les médias vont se l'arracher. Gageons que les
entretiens et interviews de M. Reilly vont se multiplier.
L'ambassadeur britannique
fait des révélations. Londres, nous dit-il, compte faire du Maroc sa porte
d’entrée vers l’Afrique francophone. J'aimerais personnellement bien savoir
comment. Pour tout dire, cette histoire de "gateway" et de
"hub" m'intrigue.
Sa remarque sur
l'inconfort des vols de la compagnie aérienne nationale a attiré l'attention et
semble même avoir été unanimement saluée. La situation étant ce qu'elle est, la
critique de Thomas Reilly est d'autant plus remarquable qu'aucun responsable
marocain n'a jamais écrit chose pareille, même si tout le monde n'en pense pas
moins. La direction de la compagnie en question étant dans le déni, ou la
désinvolture, la critique venant d'un étranger a toujours plus de poids dans un
pays obsédé par l'image. Au passage, je doute qu'une observation d'un
ambassadeur du Maroc, à Londres ou ailleurs en Occident, sur les sièges des
avions d'une compagnie aérienne suscite le même intérêt. La remarque vaut
également pour la conduite automobile, "rapide et furieuse; souvent effrayante"
et pour la prolifération des sacs en plastique et les ordures en tout genre.
L'ambassadeur confie que s'il pouvait "changer deux choses au Maroc",
ce serait la conduite automobile et la gestion des ordures. Bienvenue au club,
cher collègue, nous sommes nombreux à en rêver aussi. Ce serait un bon
commencement.
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