mercredi 4 décembre 2019

Un ambassadeur qui parle


Bienvenue au club
Il y a des diplomates qui communiquent beaucoup et d'autres peu ou pas du tout. Thomas Reilly, ambassadeur du Royaume Uni, fait clairement partie de la première catégorie. Présent non seulement sur les réseaux sociaux, mais également dans les médias, l'ambassadeur s'exprime beaucoup. De Twitter aux radios privées, des quotidiens aux hebdomadaires, T. Reilly raconte, partage, informe, explique, constate, déplore, dénonce, opine. En un mot, il fait, jusqu'à un certain point, son métier, - et il le fait bien, aidé par ses qualités professionnelles, son expérience dans les pays arabes, un tempérament apparemment sociable et une bonne connaissance de la langue française.
Un journaliste relève dans le langage direct de T. Reilly "une franchise détonante pour un diplomate". La conception de la "franchise" est-elle la même chez les diplomates et chez les journalistes ? La sincérité, si tant est qu'elle existe chez les diplomates dans l'exercice de leurs fonctions, est à géométrie variable. L'exercice est malaisé, et requiert une habileté exceptionnelle car les limites peuvent vite être franchies.
Ce n'est pas la même chose de décrire avec un humour très british le "glorieux chaos" de la circulation automobile que d'émettre un avis sur des questions sensibles de politique intérieure. On ne peut pas à la fois plaider pour une "relation d'égal à égal", loin de la condescendance de "grand frère" à "petit frère" et distribuer des bonnes (ou des mauvaises) notes. Ce n'est pas le rôle d'un diplomate étranger, quels que soient par ailleurs sa bonne foi, son souhait de bien faire et le bienfondé de son appréciation. Ce n'est pas son débat. Question de principe.
Un diplomate qui parle intéresse évidemment les journalistes. Si, en plus, il dit "son amour du Maroc", il sera hautement apprécié. Si, en outre, il ne s'embarrasse pas outre mesure de circonlocutions, les médias vont se l'arracher. Gageons que les entretiens et interviews de M. Reilly vont se multiplier.  
L'ambassadeur britannique fait des révélations. Londres, nous dit-il, compte faire du Maroc sa porte d’entrée vers l’Afrique francophone. J'aimerais personnellement bien savoir comment. Pour tout dire, cette histoire de "gateway" et de "hub" m'intrigue.
Sa remarque sur l'inconfort des vols de la compagnie aérienne nationale a attiré l'attention et semble même avoir été unanimement saluée. La situation étant ce qu'elle est, la critique de Thomas Reilly est d'autant plus remarquable qu'aucun responsable marocain n'a jamais écrit chose pareille, même si tout le monde n'en pense pas moins. La direction de la compagnie en question étant dans le déni, ou la désinvolture, la critique venant d'un étranger a toujours plus de poids dans un pays obsédé par l'image. Au passage, je doute qu'une observation d'un ambassadeur du Maroc, à Londres ou ailleurs en Occident, sur les sièges des avions d'une compagnie aérienne suscite le même intérêt. La remarque vaut également pour la conduite automobile, "rapide et furieuse; souvent effrayante" et pour la prolifération des sacs en plastique et les ordures en tout genre. L'ambassadeur confie que s'il pouvait "changer deux choses au Maroc", ce serait la conduite automobile et la gestion des ordures. Bienvenue au club, cher collègue, nous sommes nombreux à en rêver aussi. Ce serait un bon commencement.

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