jeudi 18 juin 2020

La nationalité de l’ambassadeur


En 2019, un quotidien français (Le Monde, 6 avril 2019) se demandait si on pouvait être ambassadeur de France après l’avoir été pour le Bénin. La question se posait à l’occasion de la nomination d’un franco-béninois, Jules-Armand Aniambossou, au poste d’ambassadeur de France en Ouganda, alors qu’il avait été ambassadeur du Bénin en France entre 2013 et 2016. Ancien condisciple d’Emmanuel Macron à l’ENA, Aniambossou était depuis août 2017 le coordinateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique, « une structure restée en bonne part une coquille vide » selon le journal. 
Cette nomination, inédite en France, avait fait grincer des dents au Quai d’Orsay, et ouvert un débat « à la fois juridique mais aussi sécuritaire ».
Au regard du droit, « un ambassadeur est l’incarnation de la souveraineté de son pays à l’extérieur » rappelait Le Monde, qui soulignait : « Et la souveraineté ne se partage pas ».  
La France non seulement autorise la double nationalité mais n'exige pas des hauts responsables qu'ils renoncent à leur autre nationalité. Le cas le plus emblématique est celui de Manuel Valls, ce franco-espagnol qui a été ministre de l’Intérieur puis Premier ministre en France, avant de briguer, sans succès, la mairie de Barcelone pour retourner de nouveau en France.
Dans quelques pays, les diplomates binationaux ne sont pas nommés dans le pays dont ils possèdent la nationalité.  
Au Maroc, bien que la naturalisation étrangère soit considérée comme une « décision individuelle » n’ayant aucun effet juridique au Maroc, la règle est stricte : « L'acquisition par l'agent diplomatique et consulaire d'une nationalité étrangère entraîne sa révocation des cadres du ministère des affaires étrangères et de la coopération » (Article 58 du décret n° 2-04-534 du 29 décembre 2004 portant statut particulier du personnel du ministère des affaires étrangères et de la coopération, Bulletin officiel n° 5281 du 10/01/2005).
Qu’en est-il de l’ambassadeur ? Ce dernier n’est pas un agent diplomatique au sens du statut de 2004, qui distingue cinq cadres : Chancelier, Attaché, Secrétaire, Conseiller, Ministre plénipotentiaire.
Dans l'ancien statut particulier des agents diplomatiques et consulaires (décret royal n°1182-66 du 9 mars 1967), outre les cinq cadres déjà mentionnés, un sixième cadre était celui de « l'emploi supérieur d'Ambassadeur ».
L'article 14 de ce même texte énonçait: « La dignité d'Ambassadeur est conférée suivant les dispositions de l'article 6 du dahir n° 1-58-008 du 4 Chaâbane 1377 (24 février 1958) portant statut général de la fonction publique ».
Dans le décret de 2004, il n’est plus question d’« emploi supérieur » ou de « dignité ». Le texte ne donne pas de définition des fonctions de l’ambassadeur, se bornant à indiquer « Les ambassadeurs sont nommés par Sa Majesté le Roi » (article 27). Il est précisé, cependant, que dans l’exercice de ses fonctions, l’ambassadeur est soumis aux dispositions du statut (article 28).
Cette dernière disposition est contestable.
Les ambassadeurs ne sont pas des fonctionnaires. Certains ne sont pas des diplomates de carrière et n’ont pas exercé dans l’administration publique. Les fonctions d’ambassadeur n’ouvrent pas voie à titularisation et sont essentiellement révocables. L’ambassadeur est dit en mission (temporaire) et ses fonctions ne peuvent être comparées à celles d’un cadre de la fonction publique, quel que soit son rang. Certains sont, certes, des fonctionnaires, en particulier les cadres du ministère des affaires étrangères, mais l’ambassadeur, dès le moment où il est nommé, n’est plus soumis au statut général de la fonction publique, ni au statut particulier du personnel du ministère des affaires étrangères. Ces deux textes contiennent en effet des dispositions incompatibles avec les fonctions qui sont celles de l’ambassadeur. C’est dire qu’il y a une lacune dans les textes, qui n’ont rien prévu au sujet des ambassadeurs, à l’exception de leur rémunération (Décret du 19.09.1985, BO 3808-ar) et des deux articles précités du statut des agents diplomatiques et consulaires.
Comment a-t-on pu imaginer de faire soumettre les ambassadeurs à un statut particulier ? Ce dernier énonce des règles de discipline, des droits et des devoirs qui s’appliquent à des agents se trouvant « vis-à-vis de l’administration dans une situation statutaire et réglementaire » (article 3 du statut général de la fonction publique, SGFP). Le fonctionnaire étant, comme on le sait, une personne nommée dans un emploi permanent et titularisée dans un grade de la hiérarchie des cadres de l’administration de l’Etat (article 2 du SGFP). Comment, par exemple, rendre applicable aux ambassadeurs une disposition comme celle de l’article 60, qui fait obligation aux agents diplomatiques et consulaires de demander une autorisation avant de contracter mariage ? A quelle instance disciplinaire soumettre un ambassadeur appelé à répondre d’une faute grave commise dans l’exercice de ses fonctions ?
Mariage des agents diplomatiques et consulaires (Article 60 à 62)
Le mariage des agents diplomatiques et consulaires est subordonné à l'autorisation préalable du ministère des affaires étrangères.
Si le conjoint est de nationalité étrangère, la demande est soumise à une commission, qui émet une recommandation en tenant comte des circonstances exceptionnelles. La décision finale relève du ministre, qui peut ne pas suivre l’avis de la commission.
L’inobservation de ces règles constitue une faute grave et entraîne la comparution de l'agent concerné devant le conseil de discipline.
En général, les autorisations de mariage sont accordées sans difficultés majeures. Le ministre des affaires étrangères qui a exercé entre 1977 à 1983, mû par des convictions personnelles, n’a autorisé aucun mariage « mixte », mettant les couples concernés dans un grand embarras à la fois social et financier (les frais des conjoints étrangers n’étant pas pris en charge).
Un autre ministre, probablement pour les mêmes raisons, avait déjà interdit la délivrance de passeports diplomatiques aux « épouses étrangères » (Circulaire n° 1-1280 SG/1 du 13.08.1973). Cette mesure n’a pas fait long feu, tant étaient nombreux les hauts cadres du ministère qui étaient mariés à des non Marocaines. C’est par ce biais, dit-on, que quelques-uns ont pu obtenir une nationalité étrangère. 

Un diplomate est un soldat. Il doit défendre sans réserve les intérêts de son pays. S’il a une double nationalité, il aura fatalement une double allégeance. Son engagement ne sera pas total et il pourra même, éventuellement, être amené à faire un choix. C’est ce qu’exprimait à sa manière feu le roi Hassan II lorsqu’il s’élevait contre l’intégration des émigrés marocains en Europe :
« Pourquoi lui demander, 30 ans après ou 60 ans après, d'aller comme un Français ou comme un Allemand, le drapeau national sur l'épaule, se faire tuer pour l'Allemagne, pour la France ou pour l'Italie ? À mon avis, c'est même immoral, on ne peut pas avoir deux drapeaux, car on ne peut pas oublier l’ancien et on n'a pas tout à fait acquis le nouveau. Il vaut mieux laisser chacun chez soi, mais prôner la fraternité humaine, l'égalité humaine et les droits de l'homme, cela oui, mais l'intégration n'est bonne ni pour l'intégré, ni pour celui qui intègre. »
Conférence de presse, Marrakech, 7 mars 1986
L’accès aux fonctions d’ambassadeur et, en général, à toutes les hautes fonctions, doit être réservé aux seuls nationaux. En 2008, un membre du gouvernement fut déchargé de ses fonctions au motif qu’il s’était vu accorder la nationalité espagnole. La loyauté des hauts commis de l’Etat ne doit pas être sujette à caution. Or elle ne peut pas ne pas l’être dans le cas d’une personne qui a juré ou promis de respecter la constitution d’un autre Etat. Dans certains pays, qui appliquent des règles strictes, un diplomate dont le conjoint est étranger ne pourra pas être ambassadeur. D’autres, moins pointilleux, non seulement autorisent ces nominations, mais vont jusqu’à accréditer l’ambassadeur dans le pays dont son conjoint est originaire.   
Un statut des ambassadeurs est nécessaire. Il s’agira de préciser les attributions de l’ambassadeur et de définir des règles et des mesures pouvant s’appliquer à tous les ambassadeurs, dans la diversité de leur statut ou situation d’origine. La première de ces règles devrait être l’interdiction absolue de la possession d’une autre nationalité.

mercredi 10 juin 2020

La nationalité marocaine peut-elle se perdre ?


Nationalité marocaine et citoyenneté multiple

Théoriquement, la nationalité marocaine peut se perdre. La loi (Dahir du 6 septembre 1958 portant code de la nationalité, BO n° 2394, 12 Septembre, 1958, pp. 1492-1496) prévoit la perte par renonciation et la déchéance.
La perte-déchéance est une sanction. Elle ne concerne que les Marocains naturalisés.
La perte-renonciation, qui nous intéresse dans cette réflexion, est quant à elle volontaire.
Elle se manifeste dans cinq cas : Acquisition volontaire d’une nationalité étrangère, double nationalité, renonciation des enfants âgés de 16 ans au moins lors de la naturalisation de leur auteur, cas de la femme marocaine qui épouse un étranger, emploi dans un service public étranger.
1)      Acquisition volontaire d’une nationalité étrangère
Ce cas concerne les Marocains d’origine. Plusieurs conditions doivent être réunies :
a) Il faut que l’acquisition de la nationalité étrangère ait lieu à l’étranger ; 
b) L’acquisition de la nationalité étrangère ne doit pas être imposée, mais résulter d’un acte volontaire ;
c) Il faut que le Marocain naturalisé soit majeur (âgé de 21 ans au moins) ;
e) L’intéressé doit exprimer sa volonté de renoncer à la nationalité marocaine et demander l’autorisation au ministère de la justice ;
f) Il doit être autorisé par décret à renoncer à la nationalité marocaine
La perte de la nationalité étend ses effets aux enfants mineurs, non mariés, de l’intéressé qui demeurent avec lui.

2)      Double nationalité
Peut perdre sa nationalité marocaine la personne qui a une nationalité étrangère d’origine.  La nationalité étrangère ne doit pas être acquise, mais résulter du lien jure sanguinis ou jure soli, par voie paternelle ou maternelle. Il peut s’agir d’un Marocain d'origine ou naturalisé.
L’intéressé doit souscrire un acte de renonciation et être autorisé par décret à renoncer à la nationalité marocaine.  
La perte de la nationalité étend ses effets aux enfants mineurs, non mariés, de l’intéressé qui demeurent avec lui.

3)      Cas de la femme marocaine qui épouse un étranger
La femme marocaine, qui épouse valablement un étranger et qui, de ce fait, peut obtenir la nationalité de ce dernier, peut perdre sa nationalité d’origine aux conditions suivantes:
a)      La femme doit, avant son mariage, souscrire une déclaration de renonciation adressée au ministre de la justice ;
b)      Elle doit avoir été autorisée par décret à renoncer à sa nationalité marocaine ;
La perte de la nationalité prend effet à compter de la conclusion du mariage.
N’est pas prévu le cas de l’homme marocain obtenant une autre nationalité du fait de son mariage avec une étrangère.

4)      Emploi dans un service public étranger
Le Marocain, même d’origine, peut perdre sa nationalité
      -          s’il occupe un emploi dans un service public d’un Etat étranger ou dans une armée étrangère. 
      -          s’il ne donne pas suite, dans un délai de six mois, à un ordre du gouvernement marocain lui enjoignant de résigner l’emploi.


La perte de la nationalité marocaine de l’intéressé fait l’objet d’un décret.
La perte s’étend aux enfants mineurs non mariés de l’intéressé, qui demeurent collectivement avec lui, si le décret le prévoit expressément, donc, pour eux, pas de perte de plein droit par communication.

5)      Renonciation des enfants mineurs
La naturalisation marocaine ne s’étend pas de plein droit aux enfants. L'acte de naturalisation peut cependant accorder la nationalité marocaine aux enfants mineurs non mariés de l’étranger naturalisé.
Les enfants mineurs, âgés de 16 ans au moins au moment de la naturalisation de leur père, ont la faculté de renoncer à la nationalité marocaine.
Ils doivent, pour ce faire, renoncer à la nationalité marocaine entre leur 18è et 21è année. Aucune autorisation n’est nécessaire.
***
Avant 1958, il n’y avait pas de loi sur la nationalité.
A la conférence de Madrid de 1880, la question de la nationalité marocaine et de  la naturalisation des Marocains fut l’objet de débats intenses. Le souci principal du Makhzen était de mettre fin aux comportements abusifs de certains naturalisés/ protégés qui, de retour au Maroc, sûrs de l’impunité, défiaient ouvertement l’autorité.

Le gouvernement ne voulait pas soumettre la naturalisation des Marocains à son autorisation préalable, mais  seulement que le Marocain revenu au Maroc se soumette à la juridiction locale.
Le délégué du Maroc à la conférence, Mohamed Bargach, Naïb es-Soltane, justifiait en ces termes la demande marocaine :
« Il ne faut point oublier combien diffèrent des citoyens européens ou américains les sujets marocains. Le caractère et l'éducation de ces derniers font qu'à l'abri des privilèges accordés par le Maroc aux étrangers, ils abusent de leurs droits pour susciter des difficultés et donner occasion à des troubles sérieux souvent et toujours nuisibles au prestige des Autorités nationales. Que si l'on ne portait remède à cette situation par l'adoption de mesures qui rendraient à la naturalisation son véritable caractère, -car il est évident qu'aucune Nation ne l'accorde dans l'esprit de créer une difficulté au Gouvernement d'une Puissance amie,- le Maroc, délivré des protégés irréguliers grâce aux dispositions arrêtées par la Conférence, se verrait bientôt envahi par des Marocains naturalisés, et le mal n'aurait disparu que pour prendre une forme plus menaçante encore pour la paix de l'Empire.»
Aussi Bargach proposait-il à la conférence l’article suivant : « Tout sujet marocain naturalisé à l'étranger qui reviendra au Maroc, devra, après un temps de séjour égal à celui qui lui aura été régulièrement nécessaire pour obtenir la naturalisation, opter entre la renonciation à cette naturalisation et l'obligation pour lui, et pour sa famille, de quitter le Maroc. Dans ce dernier cas, le retour au Maroc ne lui sera plus permis, pas plus qu'à sa famille, à moins de soumission entière à l'autorité du Sultan et aux lois du pays. […] Il est entendu que si, pendant son séjour au Maroc, le Marocain naturalisé ou un membre de sa famille venait à intervenir, directement ou indirectement, dans les affaires du pays, à provoquer des troubles, à commettre une action contraire aux lois, ou à manquer au respect dû aux autorités locales, celles-ci s'en plaindront au Consul qui, dès lors et sans attendre l'expiration du délai stipulé, expulsera immédiatement les délinquants du territoire marocain.»
Pour finir, Bargach déclara que le consentement que le sultan pourrait donner à la naturalisation d'un de ses sujets ne le sera que sous forme de firman (dahir) chérifien.
La conférence, sans tenir compte de toutes les demandes marocaines, adopta l'article 15:
«Tout sujet marocain naturalisé à l'étranger, qui reviendra au Maroc, devra, après un temps de séjour égal à celui qui lui aura été régulièrement nécessaire pour obtenir la naturalisation, opter entre sa soumission entière aux lois de l'Empire et l'obligation de quitter le Maroc, à moins qu’il ne soit constaté que la naturalisation étrangère a été obtenue avec l'assentiment du Gouvernement marocain.

« La naturalisation étrangère acquise jusqu'à ce jour par des sujets marocains suivant les règles établies par les lois de chaque pays, leur est maintenue, pour tous ses effets, sans restriction aucune.»
Le dahir de 1958 n’a pas interdit la naturalisation étrangère, mais             ·        
  • Cette naturalisation n’est pas un motif de perte automatique de la nationalité marocaine et
  • La naturalisation ne produit aucun effet juridique au Maroc à moins d’avoir été autorisée par décret publié au Bulletin officiel. A défaut, le Marocain bi- ou multinational reste, aux yeux de la loi marocaine, un ressortissant marocain.
La loi n’exige pas, comme en 1880, des Marocains naturalisés de répudier leur nationalité étrangère s’ils reviennent au Maroc pour y fixer leur résidence. Cependant, si la possibilité de renoncer à la nationalité marocaine existe en théorie, l’administration répugne à autoriser un tel acte. Dans la pratique, un principe non écrit fait obstacle à l’application de la loi. Le seul cas connu où l’autorisation gouvernementale de renonciation à la nationalité marocaine a été accordée concerne un Marocain né au Venezuela (Décret du 13 juillet 1961, publié au Bulletin officiel du 4 août 1961, p.1104). Depuis lors, le ministère de la Justice a fait marche arrière et ne répond plus aux demandes qui lui parviennent.
Sauf meilleure information, aucun parmi les Marocains tombant dans les cas prévus par la loi n’a été autorisé à renoncer à sa nationalité d’origine (Marocain majeur qui a acquis volontairement à l'étranger une nationalité étrangère ; Marocain, même mineur, ayant une nationalité étrangère d'origine ; Marocain qui remplit une mission ou occupe un emploi dans un service public d'un Etat étranger ou dans une armée étrangère).
Chaque année, de nombreux Marocains obtiennent une nationalité étrangère. En 2018, ils ont été, à en croire l’institut Eurostat, en tête des étrangers hors Union européenne ayant acquis une nationalité européenne: 67 156 naturalisations (10% du total), dont 25 315 en Espagne.
La majorité des Marocains qui demandent une nationalité étrangère le font pour s’affranchir du statut d’émigré et s’assurer pour eux-mêmes et leur famille une sécurité juridique et des bénéfices sociaux. 
Les administrations étrangères, compréhensives, n’exigent plus la preuve de la perte de la nationalité marocaine, une copie de la demande de renonciation leur suffit.
La renonciation à la nationalité marocaine s’analyse comme une rupture du lien personnel qui lie chaque Marocain à son Souverain, selon le principe de l’allégeance perpétuelle. Ce principe est en contradiction avec la Déclaration universelle des droits de l’Homme (10 décembre 1948) dont l’article 15 dispose que « Nul ne peut être arbitrairement privé … du droit de changer de nationalité ».
Auparavant, la convention de La Haye (12 avril 1930), à laquelle le Maroc n’a pas adhéré, avait énoncé que
  •  Il appartient à chaque État de déterminer par sa législation quels sont ses nationaux (Article 1).
  • Un État ne peut exercer sa protection diplomatique au profit d'un de ses nationaux à l'encontre d'un État dont celui-ci est aussi le national (Article 4).
  • Tout individu possédant deux nationalités acquises sans manifestation de volonté de sa part pourra renoncer à l'une d'elles, avec l'autorisation de l'État à la nationalité duquel il entend renoncer (Article 6). C’est le cas des enfants nés à l’étranger de parents d’origine marocaine.
Cette autorisation, précise la convention, ne sera pas refusée à l'individu qui a sa résidence habituelle et principale à l'étranger.
La possession de deux ou plusieurs nationalités pose de nombreux problèmes. Un multinational est soumis aux lois des pays dont il possède la nationalité. Cette allégeance multiple peut être source de conflits de lois.
Arrêt Nottebohm
Dans l’arrêt Nottebohm (6 avril 1955), la Cour internationale de justice a fait du principe de l’effectivité un critère essentiel de la nationalité.
Quelle est la nationalité effective d’une personne qui a sa résidence principale et permanente dans un pays dont elle a acquis volontairement la nationalité, où elle exerce une activité dont elle tire ses ressources et où elle a éventuellement fondé une famille ?   
Longtemps, les pouvoirs publics ont semblé considérer l’émigration marocaine comme un phénomène temporaire devant prendre fin par un retour inéluctable à la mère patrie. Nos compatriotes sont tout juste des « résidents à l’étranger », même si, entretemps, ils ont demandé et obtenu une nationalité étrangère. A l’aéroport, on leur demande la Carte d’identité marocaine. Certains binationaux considèrent qu’ils bénéficient de moins de droits que leurs compatriotes de souche, ou, en tout cas, ne sont pas traités de la même manière. La presse européenne parle de « discrimination » et de « citoyens de seconde zone », comme on l’a vu à l’occasion du rapatriement des binationaux qui sont restés confinés au Maroc à cause de la pandémie Covid 19. L’Etat marocain refuse toute protection diplomatique étrangère au profit d'un Marocain binational se trouvant sur le sol marocain.
La protection a fait des ravages au Maroc et a durablement marqué les esprits. Cependant, cette pratique relève d’une ère révolue et ceux parmi les binationaux qui ne respectent pas la loi au Maroc sont désormais jugés par les tribunaux marocains. Le temps est venu de lancer une réflexion sur une réforme de la législation dans un sens moins restrictif, afin de préserver au mieux les intérêts des « binationaux » ou « multinationaux », qui se voient empêtrés dans une double contradiction :
·              - La double nationalité n’est pas interdite, mais la nationalité étrangère ne produit aucun effet juridique au Maroc ;
·               - La perte de la nationalité marocaine est possible, mais elle n’est pas autorisée.

Ne serait-il pas plus judicieux et plus utile de chercher les voies et moyens permettant d’établir une nouvelle relation avec la diaspora, en vue de bénéficier de cette diversité qui fait la richesse de la société marocaine.
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Références
  • Paul Decroux, Droit privé, tome 2, Droit international privé, Editions La Porte, Rabat, 1963.
  • Delphine Perrin, Identité et transmission du lien national au Maghreb : étude comparée des codes de la nationalité.
  • Convention de Madrid sur la protection au Maroc, 1880.