vendredi 21 avril 2023

La nationalité d’une diplomate

Sale temps pour les dirigeants algériens. Les mauvaises nouvelles, de celles qui, selon le mot de Jacques Chirac, « volent en escadrille », se succèdent. En quelques jours, la nébuleuse qui préside aux destinées de l’Algérie a réussi la gageure de se mettre à dos coup sur coup le secrétariat général de l’Union du Maghreb Aarabe (UMA) et la présidence de la commission de l’Union africaine (UA).

Le 13 avril 2023, à Addis-Abeba, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a reçu Amina Selmane qui lui a remis ses lettres de créance en qualité de représentante permanente de l’Union du Maghreb arabe auprès de l’organisation panafricaine. Grand émoi à Alger : Mme Selmane est marocaine. Après avoir temporisé pendant trois jours, la diplomatie algérienne, n’y tenant plus, a craqué et s’est fendue d’un de ces communiqués rageurs dont elle a le secret. Sans tact ni nuances, le ministère algérien des Affaires étrangères a laissé libre cours à sa colère, fustigeant un acte qu’il a qualifié « d’irresponsable » et « d’inadmissible ». Il a exposé ses (nombreux) griefs :

  • Moussa Faki a cédé à une opération de manipulation malsaine, en acceptant une « grossière mise en scène protocolaire ».
  • Sa décision de recevoir les lettres de créances de Mme Selmane est « désinvolte » et « irréfléchie ».
  • La diplomate marocaine a usurpé les fonctions de représentante de l’UMA.
  • L’Algérie n’a pas été consultée au sujet de cette nomination qui s’est faite en dehors des règles prévues par le Traité instituant l'UMA de février 1989.
  • Cette nomination ne relève pas des prérogatives du Secrétaire général de l'UMA, mais exige le vote à l’unanimité des Etats-membres au niveau du Conseil des ministres des affaires étrangères de l’UMA (article 6 du Traité instituant l’UMA, articles 5 et 7 du Statut général fixant les attributions du Secrétaire général de l’UMA et résolution du Conseil de la Présidence du 23 février 1990.
  • Le mandat du Secrétaire général de l'UMA (le Tunisien Taïeb Baccouche) a définitivement pris fin le 1er août 2022, sans possibilité de prorogation.

Le communiqué algérien se termine par une injonction désormais habituelle dans le jargon de la « diplomatie » algérienne : « L’Algérie attend de la Commission de l’UA qu’elle clarifie sa position définitive sur cette violation flagrante et inacceptable des règles protocolaires et juridiques, sans préjudice de mesures éventuelles en fonction de l'évolution de cette affaire ». 

 

L’UMA ne pouvait pas ne pas répondre à cette charge en règle. Son secrétariat général l’a fait avec brio. Les arguments algériens ont été réfutés un par un :

  • La décision de l’accréditation auprès de l’UA était connue de tous et aucun pays membre n’a formulé d’objection ou émis de réserve.
  • Amina Selmane, ancienne directrice des affaires économiques au secrétariat général de l’UMA, a prêté serment, devenant ainsi une diplomate maghrébine.
  • L’Algérie, qui affirme être attachée à l’UMA, est le seul pays membre à n’avoir pas honoré ses engagements financiers vis-à-vis de l’organisation et ce depuis 2016.
  • Alger a retiré tous ses diplomates exerçant à l’UMA, le dernier ayant quitté ses fonctions en juillet 2022.
  • Taïeb Baccouche récuse le titre d’« intérimaire » que le ministère algérien a voulu lui coller. Son mandat a été reconduit tacitement depuis son expiration en aout 2022, comme le prévoient les règles de l’UMA, tant que son successeur n’a pas été nommé.

Le secrétariat général de l’UMA se porte à la défense de Moussa Faki Mahamat, en regrettant l’attaque dont il a fait l’objet et l’usage à son endroit de termes insultants. L’UA, pour sa part, n’a pas réagi à l’attaque algérienne. Il faut rappeler que Moussa Faki Mahamat est un habitué des foudres algériennes. En 2021, Alger lui avait violemment reproché d’avoir reçu les lettres de créance du représentant permanent d’Israël. Depuis, la diplomatie algérienne s’est mobilisée pour obtenir l’exclusion d’Israël en tant que membre observateur de l’UA, sans grand appui parmi les pays africains, mis à part une demi-douzaine.

En définitive, la mise au point du secrétariat général de l’UMA a doublement embarrassé les autorités algériennes en mettant à nu à la fois leurs mensonges et leur haine du Maroc :

  • Ils ne sont nullement attachés à l’UMA ;
  • Ce n’est pas l’ouverture d’une représentation de l’UMA auprès de l’UA qui leur a fait perdre leur sang-froid, mais la nationalité de la représentante.

Un journal algérien arabophone concluait un réquisitoire contre T. Baccouche et le Maroc par une question révélatrice : « N’y a-t-il pas dans le Maghreb arabe et dans les structures de l'Union d'autre employé que la fonctionnaire marocaine ? »

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