« On peut diviser en deux classes les gens réduits à solliciter les bienfaits des riches : les pauvres valides et les pauvres invalides. Donnez du travail aux uns et du soulagement aux autres, il n'y aura plus de mendiants. Hors de ces deux classes, tout homme qui mendierait, serait nécessairement un fainéant ou un vagabond, et alors, pour la même raison que l'humanité réclame en faveur des premiers, la justice doit s'élever contre les autres ».
Mémoire sur la mendicité, M. Bannefroy, Paris, 1791.
Un message appelant au « boycott » des mendiants professionnels circule sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas la première fois – et ce ne sera sûrement pas la dernière.
Le phénomène de la mendicité ne cesse de prendre de l’ampleur. Les mendiants sont partout : dans la rue, dans les souks, les moussems, les stations d’autocars et de bus, à l’entrée des supermarchés, des saints, des mosquées, des cimetières, aux feux de circulation, etc. Sur l’avenue Mohammed V à Rabat, on peut compter une dizaine de « malvoyants ». Nationaux ou étrangers, hommes ou femmes, jeunes ou moins jeunes, aveugles ou borgnes, cul-de-jatte ou manchots, avec ou sans bébé, parfois correctement habillés et avec un téléphone portable dans la poche, ils (elles) demandent l’aumône. Individuellement ou en groupes, chacun a sa technique : qui psalmodie le Coran, qui récite une prière, qui joue d’un instrument, qui chante, qui se contente de répéter à l’infini un mot ou une expression, qui ne dit rien. Certains exhibent un moignon ou une blessure hideuse, voire un visage défiguré. D’autres étalent des ordonnances et des boites de médicaments. Quelques-uns pratiquent une mendicité déguisée en vendant des articles dont en général personne ne veut. Il s’en trouve même qui n’hésitent pas à sonner aux portes, avec insistance, pour demander la charité. Dernière trouvaille: des inconnus vous appellent sur votre téléphone portable pour solliciter une aide « après avoir appris que vous êtes une personne qui fait du bien» ! Sans compter ceux qui s’affublent d’un gilet jaune et font semblant de garder les voitures.
La mendicité rapporte, à en juger par la multiplication des quémandeurs. L’avertissement selon lequel « En donnant l’aumône, vous encouragez la mendicité » ne semble pas avoir de prise, les gens donnent. Soit par compassion, soit pour s’acquitter d’un devoir religieux ou simplement pour avoir bonne conscience. Les histoires de « faux mendiants » ayant accumulé des fortunes, rapportées régulièrement par la presse, ne découragent pas les bienfaiteurs.
Parler de « faux mendiants », signifie a contrario qu’il y a des « vrais ». Comme si d’une profession il s’agissait. Qu’est-ce qu’un « vrai » mendiant ? Faudra-t-il bientôt les badger ?
Pourquoi, en fait, y a-t-il des mendiants ?
Personne ne devrait avoir à mendier pour vivre.
Certains, tablant sur la bonté naturelle de leurs semblables, n’éprouvent aucune gêne à demander l’aumône et tendent la main avec une facilité déconcertante. Ils sollicitent la charité sans états d’âme, alors que nombre de personnes, qui sont vraiment dans le besoin, répugnent à pratiquer la mendicité et essaient de gagner leur vie dignement.
Les escrocs doivent être sanctionnés, comme le prévoit la loi (article 326 du code pénal). Les personnes incapables de subvenir à leurs besoins devraient pouvoir être admises dans des hospices ou des centres de bienfaisance.
L’Etat n’a pas les moyens, dira-t-on. Pourtant, c’est à l’Etat de veiller au bien-être de la population et de préserver sa dignité. Il peut exceptionnellement être fait appel à la solidarité nationale, Dieu merci dans notre pays la solidarité et l’empathie ne sont pas de vains mots, les mouhcinine ne manquent pas.
Une ONG se mobilise contre la mendicité infantile et l’utilisation des enfants. Voilà une initiative à encourager. Au moins, là, on saura où va l’obole.
C’est à ce prix que la mendicité sera éradiquée, tout au moins en grande partie. Sinon, hélas, c'est un combat perdu d'avance, comme celui du « boycott » des « gardiens de voitures »...
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