mercredi 16 août 2023

En finir avec

L’ère de la médiocrité*

 

                                Houari Boumediene        Abdelaziz Bouteflika

 « Toute nation a le gouvernement qu'elle mérite. »

Le mot de Joseph de Maistre peut sembler injuste. Des humoristes ont inversé la formule : « Tout gouvernement a le peuple qu’il mérite ». Le fait est qu’il n’y a pas de mauvais peuple, il n’y a que des mauvais dirigeants. Des pays se sont trouvés dans des situations dramatiques par la faute de leur (s) dirigeant (s). C’était, autrefois, le cas des Allemands.

Plus près de nous c’est, aujourd’hui, le cas de l’Algérie.

Les Algériens n’ont pas eu les dirigeants qu’ils méritent, ni aujourd’hui, ni hier, ni autrefois. A l’exception notable de l’éphémère Mohamed Boudiaf, le pays a été livré à de pâles personnages qui n’ont pas su ou pu se montrer à la hauteur de leur mission. Il y a eu des militaires, dont la politique n’est pas le métier. Il y a eu des civils qui ont été portés au-devant de la scène par un concours de circonstances.   

On connait le niveau des dirigeants algériens actuels. Ils ont, on le sait, besoin d’un ennemi extérieur, réel ou supposé, pour se maintenir au pouvoir.

Tôt ou tard, cependant, Alger n’aura d’autre choix que de tirer un trait sur le passé et se réconcilier avec ses voisins. C’est ainsi, c’est une évolution historique normale, tant il est vrai qu’en politique et dans les relations internationales, il n’y a ni ami éternel ni ennemi éternel. Un jour, malgré les ressentiments, il faut bien s’arrêter et s’asseoir autour d’une table, car tout finit autour d’une table.

Le Maroc et l’Algérie doivent cesser de se regarder en chiens de faïence. Les deux pays ne sont pas « condamnés » à s’entendre, l’expression a une connotation négative. Ce n’est pas une punition ni une corvée imposée par la géographie, ce devrait être  un comportement naturel et spontané dicté par le voisinage et la lucidité. Il faut être réaliste et le Maroc, pour sa part, s’est, depuis le début, fait une raison : l’Algérie est l’Algérie. Le temps est venu pour que les dirigeants algériens, de leur côté, se rendent à l’évidence : le Maroc est le Maroc. Il ne sert à rien de vouloir changer quoi que ce soit ou rêver du voisin idéal modelé selon ses propres souhaits.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’Algérie a besoin d’un homme (ou d’une femme) d’Etat qui ait suffisamment d’envergure pour rompre avec le système et les pratiques du passé. Ce président doit bénéficier d’une légitimité populaire authentique lui permettant de corriger l’erreur de 1962 et opérer enfin le redressement qui n’a pas eu lieu en 1965. Il doit, surtout, arrêter la spirale infernale de la détérioration des relations avec le Maroc. Un chef d’Etat qui affirme que la rupture avec son voisin a atteint le point de non-retour enfreint la règle d’or qui veut qu’un homme (une femme) politique ne doit jamais dire jamais, ni tenir des propos qu’il/elle pourra regretter par la suite. Un président qui parle à tort et à travers et manque cruellement de discernement n’est pas digne d’occuper les hautes fonctions qui sont les siennes.  

Il faut un président algérien qui puisse refuser la fatalité de l’hostilité, un vrai leader qui aura le courage et la lucidité nécessaires pour faire l’économie de plusieurs décennies de brouille et passer directement à l’étape finale inéluctable, celle de la négociation.

Le Maroc veut aider l’Algérie. Le Maroc ne veut pas que l’Algérie soit humiliée ou déstabilisée, surtout dans un moment difficile et plein d’incertitudes comme celui d’aujourd’hui, avec, dans le voisinage immédiat, un Sahel en ébullition et, à l’intérieur, un hirak en veilleuse qui, il ne faut pas s’y tromper, renaîtra avec plus de vigueur et auquel il ne sera plus possible de répondre par des palliatifs. Les dirigeants ne pourront pas continuer à tout mettre sur le dos de la « bande » précédente. Il ne suffira plus de déclarer le hirak « béni », encore moins de se contenter de mesurettes comme de faire du 22 février un jour férié.

Une Algérie en zone de turbulences signifiera fatalement un impact collatéral, notamment humanitaire, sur ses voisins immédiats. Y aura-t-il bientôt un président providentiel à la tête d’une authentique Algérie Nouvelle ? Quelqu’un ayant de la vision et de l’épaisseur intellectuelle, pas un excité, ni un hargneux, ni un populiste démagogue, encore moins un fonctionnaire sans charisme.

Le plus tôt sera le mieux.

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* Titre emprunté à C.L. Sulzberger, l’ère de la médiocrité, 1974, Albin Michel, Paris.

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