mardi 31 octobre 2023

Un crime contre le Maroc ?

 Rapport du Secrétaire général des Nations unies 2023

Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Antonio Guterres, a-t-il commis ou est-il sur le point  de commettre un crime contre le Maroc ? Est-il partial dans la question du Sahara marocain ? Son dernier rapport (S/2023/729 - 3 octobre 2023) est-il plein de pièges et totalement en défaveur du Maroc ?

Toutes ces affirmations et bien d’autres ont été récemment prononcées sur des supports vidéo et écrites sur des sites électroniques (dont Belpresse) par Me Sabri Louh, qui s’étonne que personne avant lui n’ait évoqué le sujet. Il est un avocat à Meknès, « Expert en droit international, questions migratoires et conflit du Sahara, Président de l'Académie de la Pensée Stratégique Draa Tafilalet ».

M. Louh ajoute qu’aucun diplomate marocain ne s'est rendu compte de la gravité du contenu du rapport onusien.

Voyons ce qu’il en est.

L’auteur a émis plusieurs remarques. Nous allons les examiner une par une :

1- A propos du paragraphe 89 du rapport 

Ce paragraphe énonce :

« … j’appelle toutes les parties concernées à s’efforcer de changer de cap sans délai, avec l’aide de l’ONU et l’appui de l’ensemble de la communauté internationale ».

Question en débat : L’objectif de cette recommandation serait vague, sans  précision du cap que le Secrétaire général envisage. Cela signifie-t-il  un changement dans l’approche politique de la solution ? Ou dans la manière et comment gérer le dossier ? La question nécessite des explications et des éclaircissements de la part du Secrétaire général car cet appel constitue un avertissement au Maroc, qui est la partie qui bénéficie de la direction actuelle.

Pour ma part, je ne vois ni danger ni avertissement dans ce paragraphe. Lisons l’ensemble du paragraphe 89 :

« Je reste vivement préoccupé par l’évolution de la situation au Sahara occidental. Je suis parvenu à des conclusions analogues dans mes deux précédents rapports au Conseil de sécurité sur la situation concernant le Sahara occidental (S/2021/843 et S/2022/733), ce qui montre bien que l’état délétère de la situation s’est enraciné. Cet état de fait doit être infléchi de toute urgence, notamment pour éviter toute nouvelle escalade. C’est pourquoi j’appelle toutes les parties concernées à s’efforcer de changer de cap sans délai, avec l’aide de l’ONU et l’appui de l’ensemble de la communauté internationale  ».

L’appel est lancé « à toutes les parties » et invite ces dernières à « changer de cap sans délai » et cela « pour éviter toute nouvelle escalade ». Le changement de cap que Guterres appelle de ses vœux vise uniquement à assurer un apaisement de la situation, qu’il qualifie de « délétère ».

De toute évidence, dans ce texte, il n’y a ni arrière-pensées ni objectif caché et encore moins un avertissement destiné au Maroc. Il s’agit plus simplement d’un signal d’alarme et un encouragement « à toutes les parties » à calmer les choses et faire preuve de prudence. Rappelons que la formule « toutes les parties » englobe aussi bien le Maroc que l’Algérie, la Mauritanie et le polisario. C’est habituellement la formule qui est utilisée par les fonctionnaires des Nations unies pour s’adresser à l’Algérie sans la nommer. Car, aux Nations unies, on nomme rarement les choses par leur nom.

2- A propos du paragraphe 90

Question en débat: Il est reproché au Secrétaire général de placer le polisario sur un pied d'égalité avec le Maroc, en évoquant la poursuite des hostilités entre eux. Comment le Secrétaire général se permet-il cette approche du rétablissement du cessez-le-feu donnant à croire que l'accord a été conclu entre les deux parties le Maroc et le polisario ?

Voyons le texte du paragraphe 90 :

« La poursuite des hostilités et l’absence de cessez-le-feu entre le Maroc et le Front polisario marquent un net recul dans la recherche d’une solution politique à ce différend de longue date. Les incursions quotidiennes dans la zone tampon attenante au mur de sable et les hostilités entre les parties dans ce secteur sont contraires à son statut de zone démilitarisée et menacent encore davantage la stabilité de la région, et un risque d’escalade existe tant que persistent les hostilités. Les frappes aériennes et les tirs de part et d’autre du mur de sable n’ont cessé de contribuer à la montée des tensions. Dans ce contexte, il est primordial de rétablir un cessez-le-feu. »

En réalité, Guterres sait parfaitement que les accords de cessez-le-feu ont été signés, comme le rappelle l’auteur, entre chaque partie séparément et les Nations Unies. Le secrétaire général sait aussi qui a violé ce cessez-le-feu et qui émet régulièrement des communiqués militaires (900 à ce jour) faisant état d’attaques contre le mur de sécurité. Il écrit dans son rapport, au paragraphe 90 : « Les frappes aériennes et les tirs de part et d’autre du mur de sable n’ont cessé de contribuer à la montée des tensions ». Il évoque également des « incursions quotidiennes dans la zone tampon attenante au mur de sable » sans préciser par qui, ni mettre en cause une partie plutôt que l’autre, ce qui est conforme à la doctrine des Nations unies.

Déjà en 2021, dans son rapport S/2021/843 (1er octobre 2021), le secrétaire général se disait « profondément préoccupé » par « les incursions quotidiennes » dans la zone démilitarisée. Il appelait donc « les parties à désamorcer la situation et à cesser  immédiatement les hostilités ».

Cependant, dans le rapport 2023, on peut lire au paragraphe 2 : « La situation au Sahara occidental a continué à se caractériser par des tensions et des hostilités de faible intensité » entre le Maroc et le polisario.

Il s’agit bien d’« hostilités de faible intensité », mais dont le secrétaire général craint qu’elles ne dégénèrent. Car, avec les voisins dont nous sommes affligés, on ne sait jamais.

3- A propos du paragraphe 91

Question en débat: le Secrétaire général a exprimé sa conviction dans la possibilité de parvenir à « une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination » des populations du Sahara, alors que le Conseil de sécurité plaide pour une solution de consensus, de réalisme et de praticité depuis la date de la première utilisation de l'expression « solution politique juste » dans la Résolution 1175/2006. Est-ce un retour en arrière ou un revirement ? le secrétaire général cherche-t-il à saper les efforts qui sont déployés par le conseil de sécurité depuis 17 ans sachant que le mot « réalisme » a été farouchement combattu par l’Algérie.

Relisons le paragraphe 91 :

«  Ce contexte difficile rend la négociation d’une solution politique à la question du Sahara occidental plus urgente que jamais, près de cinq décennies après le début du conflit. Sous réserve que toutes les personnes concernées se mobilisent de bonne foi et pourvu qu’il y ait une forte volonté politique et un soutien constant de la communauté internationale, je demeure convaincu qu’il est possible de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara, conformément aux résolutions 2440 (2018), 2468 (2019), 2494 (2019), 2548 (2020), 2602 (2021) et 2654 (2022) du Conseil de sécurité. »

Ainsi qu’il ressort de la partie du paragraphe qui est soulignée par nos soins, la solution à laquelle se réfère le secrétaire général est celle qui est prévue  dans les résolutions du conseil de sécurité qu’il énumère. Or toutes ces résolutions disent ce qui suit :

Réaffirmant sa volonté d’aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable

2. Souligne qu’il convient de faire des progrès dans la recherche d’une solution politique réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara occidental, qui repose sur le compromis,

Rappelons que le réalisme a été introduit pour la première fois dans le rapport du secrétaire général daté du 14 avril 2008 (S/2008/251). Ban Ki-moon y écrivait : « je pense … que l’élan ainsi donné ne pourra être maintenu que si les deux parties s’efforcent de trouver un moyen de sortir de l’impasse politique actuelle en faisant preuve de réalisme et d’un esprit de compromis. »

Il faut par ailleurs noter que la formule « solution politique » est apparue pour la première fois  dans la Résolution 1429 en 2002 (30.07.2002) et non en 2006. Cette résolution dit :

. Soulignant qu’étant donné l’absence de progrès dans le règlement du différend au sujet du Sahara occidental, la recherche d’une solution politique est indispensable,

. Réaffirmant sa volonté d’aider les parties à parvenir à un règlement politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui soit avantageux pour la région du Maghreb,

. Déterminé à assurer une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable assurant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d’arrangements compatibles avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies,

4-A propos du paragraphe 92

Question en débat : le secrétaire général appelle les acteurs concernés par la question du Sahara à participer aux négociations sur une solution politique juste dans le cadre d'une réunion unifiée pour rechercher une solution politique en tenant compte des précédents établis par les précédents envoyés personnels dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité. Mais, « le secrétaire général, une fois de plus, a délibérément utilisé une expression ambiguë, car l'obligation qui est imposée par le Conseil de sécurité au Secrétaire et à son Envoyé personnel est une seule et unique, c'est de s’en tenir aux progrès réalisés et à l'accumulation qui est portée par les décisions du conseil de sécurité ».  

Que dit le paragraphe 92 ?

« L’Organisation des Nations Unies reste disposée à réunir tous ceux que la question du Sahara occidental intéresse dans un effort commun visant à rechercher une solution pacifique. Je les invite à aborder le processus politique l’esprit ouvert, à ne pas poser de conditions préalables et à saisir l’occasion qu’offrent la facilitation et les efforts de mon Envoyé personnel. Pour orienter la ligne de conduite actuelle et future, il convient de tenir dûment compte des précédents établis par mes anciens envoyés personnels dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité. »

Selon notre lecture :

-          Le secrétaire général invite « tous ceux que la question du Sahara occidental intéresse » à joindre leurs efforts pour rechercher une solution pacifique en tenant compte des progrès et des précédents qui ont été accomplis par les précédents envoyés personnels, dans le cadre des résolutions existantes du Conseil de sécurité.

-          L’appel du secrétaire général s’adresse en premier lieu à l’Algérie dès lors que ce pays non seulement est une « partie intéressée », mais, comme ne cesse de le répéter le Maroc, une « partie prenante ». Et c’est à l’Algérie qu’il est demandé de ne pas poser de conditions préalables puisque ce pays refuse de prendre part aux tables rondes et s’accroche au référendum comme unique solution au différend.

Le texte est donc sans ambigüités et, faut-il le signaler, il n’y est fait nulle part mention d’une « réunion unifiée ».

5-A propos du paragraphe 93

Question en débat: le secrétaire général relie le manque de confiance à des mesures unilatérales et à des initiatives symboliques, qu'il décrit comme une source de tension permanente et un impact négatif sur la situation , est un constat qui constitue un danger pour les droits du Maroc, et est une source d'inquiétude et une menace réelle pour le travail sérieux que fait le Maroc, malgré le caractère général qui entoure le propos.

Examinons le paragraphe 93 :

 « Je constate avec regret que la méfiance continue de s’insinuer dans la région. Dans le territoire, les actes unilatéraux de revendication et les gestes symboliques qui persistent continuent d’être source de tensions constantes et aggravent la situation. J’encourage les parties à porter leur attention sur les intérêts qu’elles partagent et je les invite instamment à éviter une nouvelle escalade par leurs discours et leurs actes. »

Le secrétaire général est dans son rôle lorsqu’il tire la sonnette d’alarme à propos de tout ce qui peut menacer la paix. Il lui est déjà arrivé dans de précédents rapports d’évoquer, pour les désapprouver, ce qu’il appelle des « actes unilatéraux de revendication » ou des « des actes d’affirmation » et des « gestes symboliques ».

6-A propos du paragraphe 94

Question en débat : Ce paragraphe révèle, pour la première fois, la tenue de « consultations bilatérales informelles » sous les auspices de l’envoyé personnel du secrétaire général. Et de se demander ce que signifie la formule employée : est-ce entre chaque partie séparément avec l’envoyé personnel ou entre les parties dans un format bilatéral sous les auspices de l’envoyé personnel. Quoi qu'il en soit, le Secrétaire général appelle à l'adoption de cette méthode comme un autre moyen et outil qui démontrera son efficacité, comme il l'a dit, et il a demandé son adoption comme un cadre supplémentaire sur lequel on peut compter et adopter, sans l’indiquer.

Texte du paragraphe 94

Dans ce contexte, je me félicite des consultations bilatérales informelles qui se sont tenues sous les auspices de mon Envoyé personnel à New York en mars 2023. Il est encourageant que le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie, la Mauritanie et les membres du Groupe d’Amis aient accepté son invitation et que le format retenu ait été largement accepté. Il semble émerger un nouveau cadre supplémentaire sur lequel s’appuyer. Il est maintenant essentiel que toutes les parties concernées développent plus avant leurs positions afin de progresser vers une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, comme l’a demandé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2654 (2022).

Il s’agit, sans nul doute possible, de consultations bilatérales de l’envoyé personnel du secrétaire général séparément avec chacune des parties. Rappelons que cette formule est ancienne, l’ancien Envoyé personnel du secrétaire général, Peter van Walsum, ayant tenu lui aussi des « consultations bilatérales approfondies » séparément avec les parties au début de l’année 2018. En effet, on peut lire dans le rapport du secrétaire général S/2018/277 (29 mars 2018) :

27. Le 14 décembre, dans des lettres identiques sur le fond, mon Envoyé personnel  a invité les parties au conflit et les États voisins à tenir des consultations bilatérales approfondies.

Van Walsum avait ainsi rencontré le chef des renégats à Berlin, puis  il a tenu des consultations avec le ministre marocain des affaires étrangères et de la  coopération internationale à Lisbonne. L’Envoyé personnel a rencontré, à Berlin, le ministre  mauritanien des affaires étrangères et de la coopération et enfin, toujours à Berlin, van Walsum s’est réuni avec le ministre des affaires étrangères et de la coopération  internationale algérien.

7- Enregistrement des « réfugiés »

Question en débat : Le secrétaire général n’a pas évoqué la question de l’enregistrement des « réfugiés » retenus à Tindouf, en territoire algérien.

Depuis 2018, pour des raisons inconnues, la question n’est plus évoquée dans les rapports du secrétaire général des nations unies.

8- Rôle de la France

Question en débat : « derrière le rapport du secrétaire général des Nations unies se cache une France vaincue et rancunière expulsée des pays du Sahel. Elle se venge et révèle sa réalité coloniale qu’elle a longtemps cachée derrière le soutien de l’Algérie au Polisario. Derrière toutes les manœuvres algériennes se cache la France, malgré le fait que cette dernière ait réussi à préserver les apparences par crainte de la réaction du Maroc ».

Cette opinion et l’accusation qui en découle ne sont étayées par aucun élément de preuve concret. C’est pourquoi, je resterais quant à moi circonspect. En l’absence d’informations crédibles et n’étant pas en possession de suffisamment d’éléments du dossier, je dirais seulement qu’à mon avis, la France ne cherche ni à nuire au Maroc ni à se venger de lui. La France a été une pionnière dans l’appui au Maroc dans la question de son intégrité territoriale et le soutien français a été constant. On le vérifiera d’ailleurs dans quelques jours, lorsque le conseil de sécurité sera appelé à se prononcer sur une nouvelle résolution concernant la question du Sahara marocain. A plus ou moins longue échéance, il parait inéluctable que l’Etat français, pour aller dans le sens de l’histoire, oriente sa position dans un sens encore plus favorable au Maroc.

Conclusion

Le rapport du secrétaire général de l’ONU au titre de 2023 n’est pas hostile au Maroc. En tout état de cause, ce rapport est bien plus équilibré que certains rapports du temps de l’ancien secrétaire général Ban Ki-moon, qui étaient franchement anti marocains, certainement sous l’influence de l’ancien envoyé personnel Christopher Ross.

Les formules qui peuvent susciter des interrogations sont habituelles dans les rapports du secrétaire général.

Quant à rechercher une solution hors du cadre des Nations Unies, cette voie pourrait paraitre séduisante, mais elle est difficile, pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre dans la réalité. Le canal des Nations unies est incontournable comme l’a déclaré feu le roi Hassan II  au journal français « Le Monde » le 2 septembre 1992: « Je veux que notre acte de propriété du Sahara occidental soit déposé à la conservation foncière des Nations unies afin d’éliminer à jamais toute contestation ».

jeudi 19 octobre 2023

Quatrième commission de l’ONU, 2023 : On tourne en rond

Sans surprise, comme les années précédentes, les débats de la « Com-mission des Questions politiques spéciales et de la décolonisation » (Quatrième commission) sur la « question du Sahara occidental » ont pris fin le 11 octobre 2023 par l’adoption sans vote d’une résolution qui sera prochainement entérinée par l’assemblée générale.

Pas de surprise non plus dans la résolution, qui reprend en le mettant à jour le texte de 2022 :
  • Appui du processus de négociation lancé par la résolution 1754 (2007) et d’autres résolutions du Conseil de sécurité
  • Eloge des efforts déployés par le Secrétaire général et son Envoyé personnel.
  • Félicitation de l’engagement des parties.
  • Invitation des parties à coopérer avec le Comité international de la Croix-Rouge et à s’acquitter de leurs obligations au regard du droit international humanitaire.  

Auparavant, de nombreux pétitionnaires se sont exprimés (Un pétitionnaire est une personne qui, agissant en son nom propre ou en représentation d’une organisation, a été autorisée à faire une communication devant la Quatrième commission). Dans les rangs marocains, la performance de nos compatriotes originaires des provinces du sud a été dans l’ensemble remarquable, avec une mention spéciale à l’élément féminin, en particulier les députées Hayat Laariche (USFP) et Leila Dahi (RNI). On ne s’exprime jamais mieux que dans sa langue maternelle ou, à défaut, dans la langue que l’on maitrise le plus.

Au cours du débat, les représentants des quelques pays qui reconnaissent la « rasd » ont été modérés dans leurs propos. Il s’agit de Cuba, de la Bolivie, de l’Angola, du Mexique, de l’Iran, de l’Éthiopie, du Botswana.

Les délégués de Timor-Leste, de l’Afrique du sud, du Nicaragua, de la Namibie, du Mozambique, du Lesotho, du Zimbabwe ont évoqué d’une manière ou d’une autre le référendum.

Aucun Etat membre permanent du conseil de sécurité ne s’est exprimé sur la question, pas plus que des pays qui appuient généralement l’autre camp, comme Guyana,  la Colombie, l’Ouganda, l’Uruguay, le Ghana.

La séance ne s’est animée que lorsque le moment tant attendu, le « clou du spectacle » est arrivé. Comme chaque année, la passe d’armes entre le représentant permanent du Maroc et celui de l’Algérie a secoué la torpeur dans une salle où les discours atones et monotones se suivent et se ressemblent. Pourquoi est-ce toujours avec l’Algérie et aucun autre Etat que le représentant permanent marocain doit croiser le fer, voilà une question à laquelle l’Algérie refuse de répondre. C’est le représentant de ce pays, Amar Bendjama, qui a ouvert le feu en instruisant à charge. Lui répondant, l’ambassadeur marocain a fait justice de ce qu’il a appelé les « sept mensonges fondateurs » de l’action pernicieuse de l’Algérie, à commencer par la soi-disant « défense » du droit à l’autodétermination, qui n’est qu’un paravent masquant les visées hégémoniques du régime militaire algérien. Pour preuve, Alger n’a jamais fait preuve d’autant d’activisme sur les autres questions portées devant la Quatrième Commission. 

A noter l’intervention du délégué des États-Unis, qui a annoncé son intention de voter contre cinq projets de résolution et demandé un vote enregistré.  « La délégation américaine est fière d’appuyer le droit à l’autodétermination des peuples, a affirmé le représentant américain, mais ces résolutions accordent trop d’importance à l’indépendance comme seule option pour les territoires non autonomes, aux dépens du principe de libre association ». 

La représentante de l’Espagne, parlant au nom de l’Union européenne, a souligné la nécessité d’enregistrer les personnes qui vivent dans les camps près de Tindouf, en Algérie. Ce passage, pourtant de grande importance, a été omis dans la version en français du compte-rendu de la réunion qui a été publiée sur le site de l’ONU par son département de presse.

Après l’adoption du projet de résolution, le représentant de l’Algérie a demandé la parole pour se livrer à une attaque en règle contre le Maroc sur des questions sans lien avec l’affaire en débat. Dans une attitude trahissant un grand désarroi, l’ambassadeur algérien, sans arguments, n’a rien trouvé de mieux que d’évoquer le cannabis et Pegasus, dans une vaine tentative de mettre en cause le Maroc, avec un cynisme et une perfidie affligeants. Cette sortie de route est intervenue au lendemain de l’intervention tonitruante et vulgaire de l’adjoint de l’ambassadeur algérien, qui, tout en appelant à la bienséance, a tenu des propos  inconvenants en comparant son collègue marocain à un « percussionniste » s’exhibant à Jamaa el Fna (!). L’attaque ad hominem et l’invective grossière semblent être devenues une spécialité de la diplomatie algérienne.       

Recentrant le débat, l’ambassadeur du Maroc a mis au défi l’Algérie d’enregistrer la population des camps de Tindouf. Il a souligné la responsabilité de l’Algérie dans la poursuite de ce conflit artificiel, bien qu’elle s’obstine à se présenter comme un observateur. Un observateur particulièrement actif, que le secrétaire général des Nations unies qualifie dans son dernier rapport (S/2023/729) de « très préoccupé ». Voilà maintenant que l’Algérie est un « observateur préoccupé » ! La liste des divers statuts de l’Algérie s’allonge et les déclinaisons se multiplient. Une Algérie qui se dit « préoccupée », c’est le pyromane qui crie au feu. En d’autres mots, Alger arme et abrite la milice du polisario, pour ensuite se « préoccuper ». S’il y a un vrai observateur dans cette querelle qui peut, à raison, se dire inquiet, c’est la Mauritanie et aucun autre pays. Depuis bientôt 50 ans, l’Algérie sème la zizanie dans sa région sans que personne n’y trouve rien à redire. Elle arrive, grâce au soutien de ses amis au conseil de sécurité, à se faire passer pour ce qu’elle n’est pas. Dans son dernier rapport, António Guterres continue à tourner autour du pot. Usant de périphrases, il écrit « la détérioration des relations entre l’Algérie et le Maroc reste préoccupante. Je regrette que l’occasion n’ait pas encore pu être saisie d’aplanir les divergences entre les deux pays et je les encourage à renouer le dialogue pour rétablir la concorde et à renouveler les efforts visant la coopération régionale, y compris en vue d’établir un environnement propice à la paix et à la sécurité. » Un long passage pour dire que l’Algérie est la source de tous les maux du Grand Maghreb, car les « divergences » dont parle le secrétaire général ne peuvent être que celles qui portent sur le Sahara marocain. « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde », a écrit Albert Camus.

La frilosité onusienne, à la longue, s’avère dangereusement contreproductive.

mardi 3 octobre 2023

Passe d’armes à l’ONU

Réquisitoire contre un agresseur

 

Dans son discours devant l’assemblée générale des Nations Unies, le 19 septembre 2023, le président algérien ne s’est pas fait faute, encore une fois, de sacrifier au rite annuel du rappel de l’antienne favorite d’Alger, la réclamation de l’organisation d’un référendum au Sahara occidental marocain.  

Prenant la parole le 26 septembre, le représentant permanent (RP) du Maroc aux Nations unies à New York, l'ambassadeur Omar Hilale, a souligné que « le Maroc demeure favorable à une solution politique définitive à ce conflit régional artificiel ». Tout en appelant à une  relance de la série de tables rondes, « selon la même formule et avec les mêmes participants, notamment l'Algérie, principale partie à ce conflit », l’ambassadeur a martelé : « L’initiative d’autonomie, dans le cadre de l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc et de sa souveraineté nationale, reste la seule et unique solution », sans alternative.

Le représentant algérien a alors demandé à user de son droit de réponse et une passe d’armes s’en est suivie.

C'est une véritable volée de bois vert que le RP du Maroc a administrée à son collègue algérien, Amar Bendjama, le 26 septembre 2023.

N'en déplaise à la presse algérienne, qui -bien entendu-a soutenu le contraire, le recadrage a été magistral.

La joute oratoire dont la salle de l’assemblée générale des Nations unies a été le théâtre est remarquable à un double titre.

S’ils s’affrontent régulièrement au sein de la Quatrième commission et lors des séminaires du Comité des Vingt-Quatre (Comité spécial de l’ONU sur la décolonisation), il est plus rare que le Maroc et l’Algérie s’écharpent au cours du débat général.

C’est, d’autre part, la première fois qu’un diplomate marocain à l’ONU dit ses quatre vérités à son interlocuteur dans un langage incisif et le met au pied du mur. On ne peut qu’approuver car c’est le seul langage qui sied face à des gens de mauvaise foi.

Les arguments marocains sont connus, je ne les reprendrai pas, sauf éventuellement pour les développer, ou ajouter ce qu’Omar Hilale n’a pas eu le temps d’évoquer. Je m’intéresserai aux propos du RP algérien, Amar Bendjama qui s’est accroché à un argumentaire caduc en l’agrémentant de plusieurs contrevérités.

Condoléances forcées

Son gouvernement l’a dit et Bendjama l’a répété, les condoléances algériennes à la suite du séisme qui a frappé le Haouz sont adressées au « peuple marocain frère ». C’est inélégant et contraire à l’usage. Les chefs d’Etat s’adressent aux chefs d’Etat, les ministres aux ministres. Les peuples s’expriment dans la presse et sur les réseaux sociaux. La manœuvre algérienne est cousue de fil blanc et ne trompe personne. La franchise est une des vertus qui sont revendiquées en Algérie. Le pouvoir algérien aurait dû assumer son attitude haineuse et s’abstenir d’exprimer le moindre signe de sympathie, surtout lorsque celle-ci emprunte des voies tortueuses dans une hypocrisie insoutenable.

Quant à « la disponibilité à apporter une aide humanitaire totalement désintéressée aux populations éprouvées par cette catastrophe naturelle », il est permis de douter de la sincérité de ce sentiment, au regard des multiples actes hostiles dont le Maroc et les Marocains sont la cible tous les jours.

L’Algérie est une partie prenante

L’Algérie clame sur tous les tons son « soutien sans faille » aux peuples qui vivent encore sous domination étrangère. « Mais quand donc, s’est écrié non sans emphase Bendjama, comprendra-t-on que notre soutien à la quête de libération des peuples encore sous domination coloniale tire son origine et sa raison d’être dans notre histoire et dans notre lutte pour la libération nationale ? » Belle envolée lyrique, mais qui est démentie dans les faits. L’Algérie concentre son activisme sur un seul différend, celui qui l’oppose au Maroc et dont elle a fait une priorité absolue et un cheval de bataille. Le seul activisme connu de l’Algérie sur le plan international concerne uniquement et exclusivement et de manière obsessionnelle  l’organisation d’un référendum au Sahara marocain. Alger s’est investi dans cette tâche corps et âme, sans compter et sans reculer devant aucun moyen. Dire, comme l’a prétendu le RP algérien que son pays a choisi « le camp de la justice, celui de la décolonisation, celui de la liberté, celui de l'autodétermination et des droits de l'homme », est un abus de langage et une affabulation.

Le pouvoir algérien le sait et nous le savons au Maroc, l’Algérie ne fait pas que « soutenir » un principe, elle est la partie prenante essentielle, zélée et agissante dans un conflit qu’elle a suscité et entretenu depuis 50 ans. Les bandes armées du polisario ne se trouvent pas sur Mars. Elles ne se trouvent pas non plus au Maroc. Elles sont mêlées à une population civile, dans des camps de soi-disant « réfugiés/"citoyens" d’une pseudo république  » délocalisée près de Tindouf. En Algérie. Pour commettre leurs actes d’agression, ou du moins tenter de le faire, les miliciens partent de leur sanctuaire en territoire algérien, avec la bénédiction des autorités algériennes et y retournent - quand ils peuvent. On le voit, l’Algérie ne se contente pas de « soutenir » le polisario, comme le ferait un autre pays hostile comme l’Afrique du sud. Libre à l’Algérie d’avoir une position de principe, de ne pas être neutre, de soutenir une cause ou une idée. Mais rien n’autorise l’Algérie à agresser le Maroc en se servant du polisario, en se cachant derrière le polisario, en envoyant de pauvres bougres à une mort certaine. Nouvelle preuve de l’ambivalence de l’attitude algérienne, de sa duplicité et de sa difficulté à assumer au grand jour ses actes perfides.

Question sui generis

En proclamant que la « question du Sahara occidental » est inscrite à l’ordre du jour à la fois du Conseil de sécurité, de l'assemblée générale et du comité des 24, le RP algérien ne se rend pas compte qu’il se tire en réalité une balle dans le pied et ruine sa démonstration. Cette triple inscription suffit pourtant à elle seule à prouver le caractère inédit de cette question et de l’incertitude qui plane sur sa nature et son statut juridique. C’est, en vérité, un cas sui generis. Ce fut  une question de décolonisation, au reste à l’initiative du Maroc, jusqu’en 1975. Le processus de décolonisation a été mené à bon terme et scellé par les accords de Madrid et le retrait de l’Espagne de l’administration tripartite. Depuis lors, l’Algérie a engagé un bras de fer avec le Maroc. Sauf que le Maroc défend son intégrité territoriale et son unité nationale, tandis que l’Algérie est un agresseur, ni plus ni moins. C’est pourquoi le conseil de sécurité est saisi à titre principal de cette question, au titre du Chapitre VI, et son attitude a évolué au fil du temps, tandis que la Quatrième commission et le comité des 24 débattent épisodiquement de cette réminiscence à titre accessoire et sans réelle avancée.

Terrorisme

Les bandes armées qui sont hébergées en territoire algérien ont un lourd passif en matière de terrorisme. Le polisario a enlevé et assassiné de nombreux ressortissants étrangers, notamment espagnols. Bien qu’il s’en défende, ses liens avec les terroristes du Sahel sont avérés et les allers-retours entre Tindouf et le Sahel sont fréquents. Depuis quelque temps, des individus (algériens) encouragent le polisario à commettre des actes de terrorisme au Maroc. Ces appels semblent trouver quelque écho au sein des bandes armées, dont les chefs menacent régulièrement le Maroc d’actions contre des objectifs civils.

Bendjama a rappelé que « les mouvements de libération ont toujours été accusés de terrorisme ». C’est exact, on est combattant de la liberté pour les uns, terroriste pour les autres. En Algérie, par exemple, le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) a été déclaré mouvement terroriste, sans aucune preuve. Le gouvernement algérien a bien essayé d’impliquer le MAK dans les incendies qui ont ravagé la Kabylie, « avec la complicité du Maroc » ( !), mais sans tromper personne. Quant au polisario, ses fondateurs ou certains d’entre eux ont peut-être été de bonne foi, mais depuis qu’il a été pris en main par les services algériens, c’est devenu un groupe de renégats et de desperados sans idéal dont l’Algérie se sert pour assouvir ses besoins de revanche ou ses pulsions destructrices.

En effet, comme l’a rappelé Omar Hilale, le pouvoir algérien ignore les principes fondamentaux des relations internationales, dont le principe de bon voisinage et celui du règlement pacifique des différends (dont la revue de l’ANP a pourtant récemment fait le sujet de son édito).

 


 Omar Hilale a posé plusieurs questions à Amar Bendjama. Il lui a demandé, en particulier, « qui êtes-vous ? », autrement dit quel est le rôle que vous attribuez à l'Algérie si, comme vous dites, elle n'est pas partie prenante dans la question du Sahara marocain. La diplomatie algérienne a épuisé toutes les déclinaisons possibles au sujet de son statut, sans nommer les choses par leur nom. C'est ainsi que, comme il a déjà été dit (Sahara marocain, vingt questions pour comprendre, Ali Achour), l'Algérie s'est présentée tour à tour comme un simple "observateur" ou  "observateur officiel ", un "pays voisin" ou "limitrophe", ou encore un "pays intéressé", voire une ''partie concernée'', un ''acteur important'', un "simple membre de l'ONU".

L’Algérie ne pourra pas continuer à pratiquer le déni. A ce stade, le dos au mur, il faudra bien qu'elle finisse par jeter le masque et reconnaître l'évidence.

Questions

Le représentant permanent algérien n'a répondu à aucune des questions concernant son pays. Il s’est empressé, en revanche, de prendre la défense du polisario et le fait est assez significatif pour être souligné. En Algérie, il n'est pas recommandé de critiquer le polisario ou le soutien indéfectible du pouvoir algérien au mouvement séparatiste, sous peine de graves ennuis. Il est même de bon ton de faire l'éloge des miliciens de Tindouf et de leurs jurer fidélité pour entrer dans les bonnes grâces des généraux à Alger. Certains s'y emploient avec un zèle méprisable.

Amar Bendjama n'a pas failli à la règle, il a défendu les protégés, en regrettant au passage qu'ils soient « absents ». Des absents qui peuvent compter sur des avocats fidèles, même si, en l'occurrence, Bendjama a été défaillant. Manque de conviction ou désarroi, le représentant permanent algérien qui, pourtant, a de l'expérience, est apparu hésitant dans sa prise de parole. Il a bafouillé et marqué de longs silences. A-t-il eu des difficultés à déchiffrer les éléments de langages qui lui ont été griffonnés à la hâte par ses collaborateurs, ou a-t-il buté sur des passages qui ne lui ont pas donné satisfaction ?

Quoi qu'il en soit, l'Algérie devra un jour ou l'autre répondre aux questions qui lui ont été posées, et à d'autres :

- Que voulez-vous (vraiment) ? 

- Au nom de quel « principe » le pouvoir algérien se permet-il d'accueillir sur son sol des bandes armées dont il se sert pour agresser le Maroc en violation de la charte des Nations unies et de celle de l'UMA, de la Ligue arabe et de l'Union africaine, entre autres ?

- Pourquoi l'Algérie garde-t-elle en otage sur son territoire, dans des conditions infra humaines, des personnes au statut indéterminé et qui peuvent parfaitement retourner dans leur pays si elles le souhaitent ?

Naufrage en couple

L’acharnement des dirigeants algériens contre le Maroc depuis 1962 ne leur a rien rapporté. Ils vont de déconvenues en dépits. « Quand donc l'Algérie comprendra-t-elle » qu’elle a fait fausse route et que le Maroc n’est pas une proie facile ? On n’arrivera pas à déstabiliser le Maroc.  L’entêtement du régime algérien l’a conduit à se brouiller avec plusieurs pays, voisins et lointains. L’Algérie est aujourd’hui un Etat failli, un pays décrédibilisé, sur la défensive et sans influence. On l’a vu avec son élimination par la CAF et le rejet humiliant de sa candidature aux BRICS. On l’a vu également avec des déclarations rien moins que maladroites ou fantaisistes. C’est le prix de plusieurs décennies d’égarement, de mauvais choix, de mots d’ordre bravaches et de slogans éculés. Le meilleur ennemi de la diplomatie algérienne ? Ce sont les titres qui s’étalent à la une des journaux algériens tous les jours et qui insultent à hue et à dia tout le monde, le nord et le sud, l’orient et l’occident. Le régime algérien a lié son sort à celui du polisario. Il court résolument vers un naufrage dans lequel son « soutien » à une cause perdue l’enfonce inexorablement.

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N.B. Est-il vraiment nécessaire de donner du « cher frère » ou « cher collègue » à un représentant du régime d’Alger ? J’estime qu’il faut rester professionnel, surtout lors d’un échange vif, et laisser de côté ce que l’ancien président algérien Bouteflika appelait les « boussboussates ». Les « gestes » relèvent d’un niveau qui dépasse celui des diplomates, y compris les ambassadeurs. On remarquera que Bendjama, de son côté, s’en est tenu à un très neutre « mon collègue du royaume du Maroc ».