Une « conférence internationale » pour régler « la question du Sahara occidental », c’est, en substance, l’idée d’un « collectif » mené par Khadija Mohsen-Finan et Jean-Pierre Sereni. Ils proposent Paris pour accueillir cette réunion à laquelle ils assignent l’ambitieux objectif « de trouver une sortie de crise ».
D’emblée, la finalité de l’appel et l’identité de certains de ses signataires rendent la démarche suspecte. Il ne s’agit ni plus ni moins en effet que de créer un nouveau processus, parallèle à celui des Nations unies. Par la même occasion, la réunion servira à remettre le polisario en selle et à lui donner à la fois une visibilité et une audience sur le plan international. La présence d’autre part parmi les signataires de personnes qui ne font pas mystère de leurs opinions hostiles au Maroc ne peut qu’inciter à la prudence. Si certains peuvent être crédités de bonnes intentions et de bonne foi - non dénuée de naïveté, les motivations des autres en revanche soulèvent des interrogations. Que peut-on en effet espérer d’un journaliste qui a fait de l’hostilité au Maroc son gagne-pain ?
Dans leur appel, les signataires s’inquiètent des risques de conflit armé dans la région et appellent de leurs vœux une implication plus grande de l’Europe. Selon eux, « les Marocains … attendent, malgré leurs succès diplomatiques, une reconnaissance internationale qui ne vient pas ». Rien de plus inexact. La reconnaissance internationale est une réalité et elle s’amplifie sans cesse.
Le « collectif » estime d’autre part, que « pour les Algériens – qui soutiennent la cause sahraouie –, l’entretien d’une enclave indépendantiste en plein désert coûte cher ». Mettons les mots justes sur les choses : Il ne s’agit pas d’une « enclave indépendantiste », mais d’une soi-disant « république » hors-la-loi née dans les camps de Tindouf. La population des camps est, tour à tour, au gré des circonstances, présentée comme des « citoyens » de la « république » ou des « réfugiés » - étroitement encadrés et contrôlés par des milices armées. Un Etat dans l’Etat.
Contrairement à ce qu’avance le « collectif », la reconnaissance par l’ancien président américain Donald Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara en décembre 2020 n’a pas « relancé la crise régionale », mais a constitué un pas vers la solution politique, comme l’a été plus tard la reconnaissance par le gouvernement espagnol de la prééminence de la proposition marocaine d’autonomie. Ce sont des actes de cette nature qui provoquent les réactions salutaires.
Les auteurs de l’appel évoquent le « tête-à-tête entre Marocains et Algériens » mais à aucun moment ils ne posent une question essentielle : En quoi l’Algérie est-elle concernée, mises à part ses préoccupations sécuritaires ?
Quant au souhait de voir la France « tenter de convaincre les acteurs de ce conflit de la nécessité d’abandonner leur détermination à vaincre », qu’il nous soit permis d’être sceptique. D’autres s’y sont essayés, parmi lesquels des « poids lourds » comme James Baker ou Horst Köhler, sans succès jusqu’à présent.
A qui profite la conférence ?
Posons-nous la question classique des enquêtes policières : A qui profiterait la conférence ?
La réponse est évidente : à l’Algérie. On dénombre au reste plusieurs Algériens parmi les signataires, parmi lesquels un enseignant acquis aux thèses de son gouvernement. Agissent-ils sur commande ou ont-ils été manipulés, la question reste posée. On sait que le pouvoir algérien a fait de la question du Sahara une affaire de politique intérieure et l’a érigée en cause prioritaire. L’objectif derrière lequel court d’Alger depuis un demi-siècle est de créer un sixième État en Afrique du Nord, affaiblissant du même coup le Maroc, le coupant de sa profondeur subsaharienne et le réduisant à la portion congrue.
L’Algérie a tout essayé, en vain. Acculée, elle perd pied et patience pour plusieurs raisons :
- Le Maroc conforte peu à peu la marocanité de ses provinces du sud, comme l’avait prédit le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en 2006 : « la communauté internationale s’accoutume inévitablement de plus en plus à l’exercice d’un contrôle du Maroc sur le Sahara » (S/2006/817).
- L’initiative d’autonomie bénéficie d’un appui international croissant. Plusieurs États et non des moindres ont, d’une manière ou d’une autre, reconnu la marocanité du Sahara. En face, que peut aligner le régime algérien ? Quelques pays insignifiants, qui peuvent quitter le navire à tout moment. Alger est seul, désespérément seul. Et les dirigeants algériens le savent.
- La diplomatie marocaine, menée de main de maître par Sa Majesté, a multiplié les succès. L’ouverture de plusieurs consulats à Laayoune et à Dakhla en est une des preuves les plus visibles.
- Contrairement aux prévisions algériennes, la rupture du cessez-le-feu en novembre 2021 et la publication régulière de communiqués militaires surréalistes n’ont pas remis ce « conflit de basse intensité » au-devant de la scène.
- Ni la rupture par Alger des relations diplomatiques ni les multiples mesures de chantage économique n’ont ébranlé le Maroc, qui a ignoré les offenses répétées et les menaces. Le Maroc, bien au contraire, a multiplié les gestes d’apaisement.
En s’opposant à la formule des tables rondes et en annonçant ne pas vouloir y prendre part, l’Algérie a pratiquement torpillé le processus onusien de règlement politique. Contre toute évidence, Alger nie être partie au différend et se cache derrière le polisario. Tout plutôt que de négocier avec le Maroc, qui, de son côté, affirme calmement que sans la présence et la participation active de l’Algérie, les tables rondes n’ont aucune raison d’être et ne serviront à rien. Résultat : la marge de manœuvre de l’envoyé personnel Staffan De Mistura est limitée, pour ne pas dire nulle. Alger est ainsi pris au piège de son double jeu et pâtit d’une impasse qu’il a lui-même contribué à créer.
La conférence à laquelle appellent Mme Mohsen-Finan et ses amis n’est selon toute vraisemblance que la dernière trouvaille du régime algérien pour arriver à ses fins. Après les différents types de harcèlement (militaire, droits de l’homme, exploitation des ressources naturelles, judiciaire), après la rupture des relations diplomatiques et la batterie de représailles prises contre le Maroc, voici arrivé le tour de la conférence internationale.
Initiatives sans lendemain
Il y a des précédents :
- Christopher Ross a envisagé en 2011 de tenir « des consultations avec un groupe de représentants respectés du Maghreb sur la question du Sahara occidental ». Il a expliqué qu’il ne s’agissait pas de se substituer aux négociateurs mais plutôt d’encourager le débat, les idées nouvelles, voire des propositions qui pourraient être soumises à l’appréciation des négociateurs.»
- Ban Ki-moon, en 2013, a proposé de « mobiliser un appui international en vue de trouver une nouvelle formule pour faire avancer les négociations et surmonter l’impasse actuelle » (S/2013/220).
- Tebboune a proposé sans rire d’accueillir à Alger une rencontre Maroc-polisario.
Toutes ces initiatives, qui avaient pour unique objectif de mettre la pression sur le Maroc, sont restées sans lendemain. Même le « mécanisme africain » que l’Union africaine a créé en 2018 lors de la 31ème réunion au sommet, à Nouakchott, ne fait pas beaucoup parler de lui.
Le Maroc et les autres parties ne sont d’accord sur rien et, comme l’a indiqué Ross, manifestent « un attachement indéfectible à des positions mutuellement exclusives ». Quels seront les sujets de discussion au cours de la conférence? Si c’est pour échanger des invectives, le registre a largement été épuisé à Manhasset et ailleurs. On ne sait rien sur l’ordre du jour de la réunion ni sur les participants. Seront-ils des représentants gouvernementaux ou des acteurs de la société civile ?
Les auteurs de l’appel voudraient associer à leur initiative l’Union africaine et la Ligue arabe. La première, avec la « rasd » en son sein, est disqualifiée parce que juge et partie ; la Ligue arabe quant à elle, n’a jamais été impliquée dans cette dispute et, de toute façon, n’a jamais rien réglé.
Pour avoir fait l’objet de deux conférences internationales, respectivement en 1888 (Madrid) et en 1905 (Algesiras), toutes deux de funeste mémoire, le Maroc a toutes les raisons de se méfier. Et encore, dans les deux occasions, il s’agissait de réunions de plénipotentiaires, pas de forums où les diatribes peuvent partir dans tous les sens.
L’appel affirme que le Maroc et l’Algérie sont mus par l’obsession de « la victoire totale et définitive sur le voisin ». En 2001, déjà, James Baker invitait les parties à « se défaire de la mentalité selon laquelle le gagnant emporte tout (The winner takes it all)». Ce n’est pas exact du côté marocain. Le Maroc a en effet fait un pas en avant considérable en proposant l’autonomie. C’est une concession de taille et un sacrifice que le Maroc accepte pour en finir avec cette querelle. Le tandem Algérie/polisario ne bouge pas et continue à s’en tenir au même discours fossilisé depuis 50 ans.
De quel côté est l’obstruction ?
Le collectif admet que le différend est bilatéral entre le Maroc et l’Algérie, ce qui est une évidence, mais il met les deux pays dans le même sac. Or, le Maroc n’agresse pas l’Algérie, ne s’ingère pas dans ses affaires intérieures. La presse marocaine n’insulte personne. C’est l’Algérie qui héberge des milices armées, à la fois « réfugiés » en détresse et citoyens ou soldats d’une « république » délocalisée. C’est l’Algérie qui commandite des opérations terroristes contre son voisin, qui a fermé sa frontière terrestre et son espace aérien aux avions marocains, qui a privé l’équipe de football du Maroc d’un championnat. Alger a manqué aux règles élémentaires de l’hospitalité à l’égard de ses hôtes marocains, que ce soit au sommet de la Ligue arabe (Alger, novembre 2022) ou aux rencontres sportives : Jeux méditerranéens (Oran, juillet 2022), Coupe arabe des U17 (septembre 2022), match Kabylie- WAC (février 2023).
« Nous ne lâcherons pas la cause sahraouie, quel qu’en soit le prix », a déclaré le président algérien le 19 décembre 2022 devant les walis.
En écho, le Maroc répète tranquillement que le Sahara est marocain et le restera. Quel qu’en soit le prix.
La question ne sera réglée par aucune conférence internationale.
La solution ne se trouve pas à Paris. Elle est dans la guérison de la maladie
chronique dont souffrent les dirigeants algériens, maladie qui les pousse convulsivement à
créer la zizanie autour d’eux. Le différend bilatéral entre le Maroc et l'Algérie sera tôt ou tard réglé par les principaux intéressés, sans intermédiaire et dans la discrétion requise, pas dans des réunions hyper médiatisées.
Le collectif qui a signé l’appel fait fausse route, comme avant lui Ross et Ban-Ki-moon. On aura beau chercher, on ne trouvera pas meilleure option que celle proposée par le Maroc, à savoir l’autonomie dans le cadre d’un Maroc uni. Elle est là, la solution politique, et il n’y en a pas d’autre. Toute autre « proposition » ne sera pas acceptée par le Maroc, ni maintenant ni jamais, pour la bonne raison que le Maroc a déjà donné.
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