samedi 26 août 2023

BRICS: Afrique du sud, Etat hostile


 

Rabat a soigneusement choisi le moment pour divulguer calmement l’information. Le 19 août 2023, une source autorisée a annoncé que le Maroc n’a jamais formellement fait acte de candidature pour rejoindre les BRICS[1]. La dépêche de l’agence MAP a apporté un démenti cinglant aux propos de la ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération, Naledi Pandor, qui, lors d'une conférence de presse, avait cité le Maroc parmi 23 pays, candidats selon elle, à l’adhésion aux BRICS.

La source diplomatique citée par MAP a indiqué, au sujet des relations futures du Maroc avec ce groupe, qu’elles « s’inscriront dans le cadre général et les orientations stratégiques de la politique étrangère du Royaume, tels que définis par Sa Majesté le Roi Mohammed VI ».

En précisant que le Maroc a écarté, dès le départ, toute suite favorable à l’invitation sud-africaine, la source a noté « qu’encore une fois, la diplomatie sud-africaine s’est arrogée le droit de parler du Maroc et de sa relation avec les BRICS, sans consultation préalable ».

La diplomatie marocaine a souligné  par la même occasion qu’« il n’a jamais été question de répondre positivement à l’invitation à la réunion « BRICS/Afrique » prévue en Afrique du Sud en marge du 15ème sommet des BRICS  [qui s’est tenu du 22 au 24 août 2023 à Johannesburg], ou de participer à cette réunion à quelque niveau que ce soit ». Cette réunion a été une initiative du gouvernement sud-africain, qui a envoyé des invitations dans ce sens, ainsi que l’a confirmé un communiqué indien. Le Maroc a soupçonné clairement Pretoria de vouloir « détourner cet événement de sa nature et de son objectif, pour servir un agenda inavoué ».

Le Maroc ne s’est pas trompé, comme la suite des événements l’a montré, sur les buts cachés de l’initiative sud-africaine. Le gouvernement sud-africain a invité le chef des milices du polisario à cette réunion, dans le but probable d’obliger la délégation marocaine à se retirer sous l’œil des caméras. 

Plus grave encore, c’est Pretoria qui a été à l’origine de l’introduction de la question du Sahara dans l’ordre du jour des BRICS.

En effet, lors de la neuvième réunion des vice-ministres des Affaires étrangères et des envoyés spéciaux des BRICS pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA) tenue au Cap le 26 avril 2023, la vice-ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération, Candith Mashego-Dlamini, a déclaré « nous devons soutenir la nécessité de parvenir à une solution politique durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies. En conséquence, nous devons exprimer notre soutien à la pleine mise en œuvre du mandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO), qui permettra en fin de compte de résoudre l'un des problèmes de décolonisation restants sur le continent africain ».

Dans la Déclaration commune qui a été rendue publique à l’issue de la réunion, un paragraphe est pour la première fois dans l’histoire des BRICS consacré au Sahara marocain :

13. Ils ont souligné la nécessité de parvenir à une solution politique durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ils ont exprimé leur plein soutien à la mise en œuvre de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Ils ont par ailleurs exprimé leur plein soutien à l’Envoyé personnel du SGNU pour le Sahara occidental et à ses efforts visant à faire avancer le processus politique qui aboutira à la reprise du dialogue entre les parties concernées.

Deux mois plus tard, après une réunion au Cap, le 1er juin 2023, les ministres des Affaires étrangères et des Relations internationales des BRICS, ont exprimé dans une Déclaration conjointe « leur vive préoccupation face à la poursuite des conflits dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) et ont approuvé la déclaration commune des vice-ministres des Affaires étrangères et des envoyés spéciaux des BRICS lors de leur réunion du 26 avril 2023 ».

A leur tour, les chefs d’Etat, à l’issue de la XVème réunion au sommet des BRICS ont adopté la « Déclaration de Johannesburg II » dans laquelle le dernier paragraphe du point 16 énonce:

Nous soulignons la nécessité de parvenir à une solution politique durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies et dans l'accomplissement du mandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO). 

L’objectif du gouvernement sud-africain est clair : inscrire durablement la question du Sahara dans l’agenda des BRICS et bâtir progressivement sur des acquis en commençant par le rappel sournois du mandat de la MINURSO et sa raison d’être, à savoir l’organisation d’un referendum.

À Addis-Abeba en janvier 2017, neuf pays avaient pris la parole pour s’opposer au retour du Maroc à l’Union africaine. Ils constituent ce qu’on peut considérer comme le noyau dur des partisans inconditionnels du polisario. Parmi eux, l’Afrique du Sud est, avec l’Algérie, la plus ouvertement hostile au Maroc.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, dans un discours sur la diplomatie de son pays, le 20 août 2023, a déclaré « nous continuerons à soutenir les luttes des peuples de Palestine et du Sahara occidental ».

En 2022, recevant Brahim Ghali à Pretoria, Ramaphosa lui avait assuré que le gouvernement sud-africain soutenait « sans état d’âme » la « rasd». Rabat avait alors dénoncé les «gesticulations et agitations » de l’Afrique du Sud, qui reflètent son « incapacité à agir sur le dossier » et démontrent son manque de crédibilité.

L’Afrique du sud affirme défendre des principes et ne nourrir aucune hostilité à l’égard du Maroc. Ce n’est pas l’avis de Rabat, qui estime que Pretoria a adopté une attitude inamicale et anachronique qui ne va pas dans le sens des efforts de la communauté internationale et ne favorise pas la recherche d’une solution.

Peut-on avoir des relations saines avec des gouvernements qui ne respectent pas les usages et les règles de bonne conduite dans leurs relations internationales ?   


[1] A l’origine, le groupe a été créé en 2009 sous le nom de BRIC, acronyme formé par les initiales des quatre pays fondateurs: Brésil, Russie, Inde, Chine. BRICS lui a succédé en 2011 avec l’adhésion de l’Afrique du Sud.

jeudi 17 août 2023

Fous furieux à la pelle

 Déchainés contre le Maroc 

 

Comme chaque année, le gouvernement algérien a organisé une « université d'été » à l’intention des cadres du polisario. Au cours de ce rassemblement, en territoire algérien, plus précisément à Boumerdès, le chef des miliciens-renégats, Brahim Ghali, a annoncé avoir déclenché une « guerre totale, terrestre, aérienne et maritime » contre le Maroc, précisant qu’il comptait poursuivre cette « guerre » « quelle qu’en soit la durée ».  

De son côté, un historien algérien, Mohamed Lahcen Zghidi, a incité le polisario à «prendre les armes pour expulser le Maroc du Sahara » car, a-t-il ajouté, ce n’est pas à l'Algérie de le faire.

Ce n’est pas la première fois que des appels à des actions armées, voire au terrorisme contre le Maroc sont lancés depuis le territoire algérien.

- En 2021, un officier de l’armée algérienne à la retraite, Mokhtar Saïd Mediouni, a appelé le polisario à mener des attaques sur le territoire marocain. Sur le plateau d’une émission qu’il anime pour une chaine de télévision algérienne, l’ancien colonel s’est écrié : «Sahraouis, mourez et sacrifiez-vous en martyrs pour votre pays. Faites passer la guerre au cœur du territoire marocain», incitant à des actes «subversifs visant la sûreté de l’État marocain, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions nationales». Mediouni a appelé les milices du polisario à attaquer tout le territoire marocain et de cibler les grandes villes comme Casablanca ou Marrakech. «Laissez la guerre s’étendre sur le territoire marocain dans le but de créer la terreur dans la société marocaine» a-t-il lancé.

- En mai 2022, depuis les camps de « réfugiés » à Tindouf, le soi-disant chef militaire des milices, Mohamed El Ouali Ekeik, a annoncé que « dans les prochains jours, la guerre va s’étendre à des zones qu’elle a épargnées jusqu’ici ». Appelant à recourir au terrorisme, il a déclaré que les grandes villes du Sahara sont désormais une cible où « des milliers de jeunes Sahraouis sont prêts à mener, avec tous les moyens à leur portée », des actes subversifs de tous genres.

- En décembre 2022, l’appel au terrorisme a été renouvelé par Abderrahman Belayat, ancien député et ancien ministre algérien, membre du parti unique "Front de libération nationale". Belayat, qui s'exprimait lors d'un colloque organisé par le journal islamiste "Al-Hiwar", a appelé le polisario à commettre des actes terroristes au Maroc, à l’instar de la résistance algérienne qui a frappé le colonialisme sur le territoire français.  

Mais, peut-on se demander, quelle mouche a piqué tous ces individus qui semblent grandement remontés contre le Maroc ? Même en faisant la part de l’euphorie du moment dans les réunions militantes ou l’emprise des boissons fortes, qu’est-ce qui vaut au Maroc un tel déchainement de violence verbale, toute cette excitation et tout cet acharnement ?

Les autorités algériennes sont responsables des appels au terrorisme qui sont lancés depuis leur territoire, quel qu’en soit l’auteur, contre un pays voisin. Alger devra répondre de ces violations flagrantes et répétées des chartes et conventions internationales qui prohibent de tels actes. Citons pour l’exemple l’article 15 du Traité constitutif de l’Union du Maghreb Arabe signé le 17 février 1989 : « Les États membres s’engagent à ne permettre sur leurs territoires respectifs aucune activité ni organisation portant atteinte à la sécurité, à l’intégrité territoriale ou au système politique de l’un des États membres ».   

Les dirigeants algériens se sont dits émus par les déclarations d’un ministre étranger au cours d’une visite à Rabat en août 2021. Yair Lapid, ministre israélien des affaires étrangères, lors d’une conférence de presse à Casablanca, avait déclaré : « Nous partageons (avec le Maroc) quelque inquiétude du fait du rôle de l'Algérie dans la région, (ce pays) est devenu plus proche de l'Iran et a lancé une campagne contre l’admission d’Israël à l’Union africaine ».  

Le 26 novembre 2021, lors d’une rencontre avec la presse de son pays, le président algérien Tebboune est revenu sur les déclarations de Lapid, qualifiant l’événement de « honteux et déshonorant ».

C’est le même Tebboune qui, le 4 août dernier, affirmait sans sourciller : «  l’Algérie, depuis son indépendance jusqu’à ce jour, n’a jamais fait couler le sang d’un pays voisin ou d’un pays frère. C’est un principe ! »

Comment le président algérien qualifie-t-il les propos de tous les fous furieux, algériens et autres, qui, s’exprimant en territoire algérien, non seulement profèrent des menaces contre le Maroc mais appellent ouvertement à commettre des actes terroristes dans ce pays ? Inciter des miliciens à tuer des civils innocents, à verser du sang marocain, n’est-ce pas « honteux et déshonorant » ?

mercredi 16 août 2023

En finir avec

L’ère de la médiocrité*

 

                                Houari Boumediene        Abdelaziz Bouteflika

 « Toute nation a le gouvernement qu'elle mérite. »

Le mot de Joseph de Maistre peut sembler injuste. Des humoristes ont inversé la formule : « Tout gouvernement a le peuple qu’il mérite ». Le fait est qu’il n’y a pas de mauvais peuple, il n’y a que des mauvais dirigeants. Des pays se sont trouvés dans des situations dramatiques par la faute de leur (s) dirigeant (s). C’était, autrefois, le cas des Allemands.

Plus près de nous c’est, aujourd’hui, le cas de l’Algérie.

Les Algériens n’ont pas eu les dirigeants qu’ils méritent, ni aujourd’hui, ni hier, ni autrefois. A l’exception notable de l’éphémère Mohamed Boudiaf, le pays a été livré à de pâles personnages qui n’ont pas su ou pu se montrer à la hauteur de leur mission. Il y a eu des militaires, dont la politique n’est pas le métier. Il y a eu des civils qui ont été portés au-devant de la scène par un concours de circonstances.   

On connait le niveau des dirigeants algériens actuels. Ils ont, on le sait, besoin d’un ennemi extérieur, réel ou supposé, pour se maintenir au pouvoir.

Tôt ou tard, cependant, Alger n’aura d’autre choix que de tirer un trait sur le passé et se réconcilier avec ses voisins. C’est ainsi, c’est une évolution historique normale, tant il est vrai qu’en politique et dans les relations internationales, il n’y a ni ami éternel ni ennemi éternel. Un jour, malgré les ressentiments, il faut bien s’arrêter et s’asseoir autour d’une table, car tout finit autour d’une table.

Le Maroc et l’Algérie doivent cesser de se regarder en chiens de faïence. Les deux pays ne sont pas « condamnés » à s’entendre, l’expression a une connotation négative. Ce n’est pas une punition ni une corvée imposée par la géographie, ce devrait être  un comportement naturel et spontané dicté par le voisinage et la lucidité. Il faut être réaliste et le Maroc, pour sa part, s’est, depuis le début, fait une raison : l’Algérie est l’Algérie. Le temps est venu pour que les dirigeants algériens, de leur côté, se rendent à l’évidence : le Maroc est le Maroc. Il ne sert à rien de vouloir changer quoi que ce soit ou rêver du voisin idéal modelé selon ses propres souhaits.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’Algérie a besoin d’un homme (ou d’une femme) d’Etat qui ait suffisamment d’envergure pour rompre avec le système et les pratiques du passé. Ce président doit bénéficier d’une légitimité populaire authentique lui permettant de corriger l’erreur de 1962 et opérer enfin le redressement qui n’a pas eu lieu en 1965. Il doit, surtout, arrêter la spirale infernale de la détérioration des relations avec le Maroc. Un chef d’Etat qui affirme que la rupture avec son voisin a atteint le point de non-retour enfreint la règle d’or qui veut qu’un homme (une femme) politique ne doit jamais dire jamais, ni tenir des propos qu’il/elle pourra regretter par la suite. Un président qui parle à tort et à travers et manque cruellement de discernement n’est pas digne d’occuper les hautes fonctions qui sont les siennes.  

Il faut un président algérien qui puisse refuser la fatalité de l’hostilité, un vrai leader qui aura le courage et la lucidité nécessaires pour faire l’économie de plusieurs décennies de brouille et passer directement à l’étape finale inéluctable, celle de la négociation.

Le Maroc veut aider l’Algérie. Le Maroc ne veut pas que l’Algérie soit humiliée ou déstabilisée, surtout dans un moment difficile et plein d’incertitudes comme celui d’aujourd’hui, avec, dans le voisinage immédiat, un Sahel en ébullition et, à l’intérieur, un hirak en veilleuse qui, il ne faut pas s’y tromper, renaîtra avec plus de vigueur et auquel il ne sera plus possible de répondre par des palliatifs. Les dirigeants ne pourront pas continuer à tout mettre sur le dos de la « bande » précédente. Il ne suffira plus de déclarer le hirak « béni », encore moins de se contenter de mesurettes comme de faire du 22 février un jour férié.

Une Algérie en zone de turbulences signifiera fatalement un impact collatéral, notamment humanitaire, sur ses voisins immédiats. Y aura-t-il bientôt un président providentiel à la tête d’une authentique Algérie Nouvelle ? Quelqu’un ayant de la vision et de l’épaisseur intellectuelle, pas un excité, ni un hargneux, ni un populiste démagogue, encore moins un fonctionnaire sans charisme.

Le plus tôt sera le mieux.

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* Titre emprunté à C.L. Sulzberger, l’ère de la médiocrité, 1974, Albin Michel, Paris.