jeudi 7 septembre 2023

L’Algérie, colonie ou territoire français?

 Statut de "l’Algérie française"

 

Sur le site des Nations unies, à la rubrique Décolonisation, une liste recense tous les pays/territoires anciennement colonisés ou sous protectorat. Cependant, l’Algérie ne figure pas parmi les territoires ayant été soumis à la domination française.

La question est posée de savoir pourquoi.

            

Pour répondre à cette question, il est nécessaire de remonter plus haut dans l’histoire, jusqu’à la période de « l’Algérie française ».

Quatre ans après la conquête française de la Régence d’Alger, l'ordonnance royale du 22 juillet 1834 qui a organisé « le Gouvernement général et la haute administration des possessions françaises dans le nord de l’Afrique », a consacré l'annexion du territoire par la France. A sa tête était nommé un Gouverneur général.

Ce territoire « a été désigné dans les communications officielles soit sous le nom de possession française dans le nord de l’Afrique, soit sous celui d’ancienne régence d’Alger, soit enfin sous le nom d’Algérie », comme l’a noté le ministre, secrétaire d’Etat de la Guerre, Antoine Virgile Schneider. Dans une lettre au Maréchal Sylvain-Charles Valée, Gouverneur général de l’Algérie, en date du 14 octobre 1839, le ministre l’a invité à « substituer le mot Algérie aux dénominations précédemment en usage ».

Après lui avoir donné un nom officiel, il a fallu mettre en place un découpage territorial et une  organisation administrative de l’Algérie française. Trois départements y on été créés par l’ordonnance royale du 15 avril 1845 : Alger, Oran et Constantine. Les régions sécurisées étaient dites « civiles », mais la majeure partie de l’Algérie se trouvait sous juridiction militaire. Le rattachement juridique de l’Algérie à la France sera confirmé par la constitution de 1848, dont l’article 109 énonçait : l'« Algérie est terre française ».

Le 20 septembre 1947, l'Algérie a été dotée d’un statut spécifique et définie comme « un groupe de départements dotés de la personnalité civile, de l'autonomie financière, et d'une organisation particulière ».

En 1957, deux départements ont été créés dans le Sahara, celui de la Saoura (Colomb-Béchar) et celui des Oasis (Ouargla). Au total, en 1959, l’Algérie comprenait 15 départements.

Statut de la population autochtone

Les autochtones étaient soumis à la loi du 28 juin 1881, ou code de l’indigénat. Les « indigènes » n’étaient pas des citoyens et le terme « Algérien »  n’était pas utilisé dans les textes officiels (Le statut de l’Algérie et de ses habitants, Jean Sprecher). Les Européens d’origine espagnole, italienne, maltaise ou autre, étaient considérés comme Français.

Alors que les Juifs algériens ont obtenu collectivement la nationalité française grâce au décret du 24 octobre 1870, dit décret Crémieux,  les indigènes musulmans étaient exclus de la citoyenneté. En 1946, la loi du 7 mai a reconnu la citoyenneté française à « tous les ressortissants des territoires d’outre-mer (Algérie comprise) », mais elle ne sera pas appliquée.

Il a fallu attendre 1958 pour que les anciens « indigènes musulmans » ou « Français musulmans d'Algérie » (FMA) deviennent pleinement citoyens français, jouissant de tous les droits attachés à la nationalité. Mais la naturalisation des Algériens a été un échec. À l'indépendance du pays, en 1962, seuls quelques 10 000 « musulmans » jouissaient de la nationalité française.

Algérie française

Lors de sa toute première réunion, l'Assemblée générale des Nations unies a approuvé, le 9 février 1946, une résolution relative aux populations non autonomes, invitant le Secrétaire général à inclure dans son rapport annuel sur l'activité de l'Organisation « une déclaration résumant les renseignements qui lui auraient été transmis par les Membres des Nations Unies en application de l'Article 73e de la Charte et relatifs aux conditions économiques, sociales et de l'instruction dans les territoires dont ils sont responsables, autres que ceux auxquels s'appliquent les chapitres XII et XIII ». En application de cette résolution, la France a transmis des renseignements sur la situation de l'Afrique-Occidentale Française, l'Afrique-Equatoriale Française, la Côte Française des Somalis, Madagascar et dépendances, les Etablissements Français de l‘Océanie, l'Indochine, les Etablissements Français de l'Inde, la Nouvelle-Calédonie et dépendances, Saint-Pierre et Miquelon, le Maroc, la Tunisie, les Nouvelles-Hébrides sous condominium franco-britannique, la Martinique, la Guadeloupe et dépendances, la Guyane française et la Réunion (66 (I), 14 décembre 1946).

L’Algérie ne figurait pas dans cette liste car, pour la France, l’Algérie n’était pas un territoire non autonome, mais faisait partie intégrante du territoire national depuis 1830. Le combat des Algériens pour l’indépendance était pour les autorités françaises une simple affaire interne, une « rébellion », un problème de « maintien de l'ordre ». Il n’y avait pas de « guerre » en Algérie, mais des « événements ».

C’est pourquoi la France a dénié à l’ONU le droit d’intervenir dans une affaire qui relève essentiellement de la compétence nationale française (article 2 paragraphe 7 de la charte de l’ONU). La France, membre du Conseil de sécurité et de l’OTAN, a menacé de se retirer des deux organisations dans le cas où la « questionne algérienne » serait inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale.

A l’appui de cette position, la France et ses amis ont invoqué des arguments à la fois juridiques, politiques et historiques :

·         Le caractère français de l’Algérie est affirmé dans la Constitution française,

·         Cette situation a été reconnue par d’autres États et par des organisations internationales 

·         Le principe d’uti possidetis juris (intangibilité des frontières).

·         Jamais un État algérien n’avait existé auparavant,

·         Seule la France était à même d’assurer l’ordre en Algérie et « empêcher le surgissement d’une guerre civile, de l’anarchie, de la pauvreté ou d’un régime communiste ».

·         En faisant droit aux revendications des « insurgés » algériens, l’ONU « encouragerait les groupes sécessionnistes du monde à recourir à la force pour atteindre leur but ».  

Cependant, la fiction de l’ « Algérie française » n’a pas tardé à voler en éclats.

En l’absence de la France, qui s’est retirée de facto, une résolution a été adoptée le 19 décembre 1960 par l’Assemblée générale, reconnaissant « le droit du peuple algérien à la libre détermination et à l’indépendance ».

Le général de Gaulle, malgré l’écrasante victoire de l’armée française sur le FLN suite à l’offensive générale contre l’ALN dans le cadre du plan Challe, savait que l’indépendance algérienne était inéluctable. Il a tenu cependant à garder le « Sahara français » et proposé une partition du territoire algérien. Un plan de partage a été soumis en 1961 par Alain Peyrefitte, attribuant l’ouest de l’Algérie et la région d’Alger aux Européens, tandis que les Algériens auraient leur État à l’est, de la Kabylie à la Tunisie. Le général a également essayé de garder le Sahara pour la France en laissant le nord aux Algériens. Finalement, l’Algérie n’a pas été démembrée et le Sahara est resté algérien, mais la France a pu, grâce à des garanties secrètes, garder provisoirement ses « installations spéciales » où elle a développé son programme spatial et ses essais nucléaires. Ces essais ont continué jusqu’en 1966. Pour sa part, la base B2 Namous a continué de fonctionner jusqu’en 1978, avant d’être confiée à la Sodeteg, société française privée, qui la fermera définitivement en 1982 (Atlas Historique de l’Algérie, 2002).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire