mercredi 5 mai 2021

Faux et usage de faux

Le gouvernement espagnol a donné "les explications opportunes" au Maroc sur les circonstances qui l'ont conduit à accueillir Brahim Ghali en Espagne, a déclaré la ministre des affaires étrangères Arancha Gonzalez Laya, faisant allusion aux "raisons humanitaires" qu'elle a invoquées dès la révélation de la présence sur le sol espagnol du chef des séparatistes. Elle a ajouté que Ghali "quittera, évidemment, l'Espagne" quand ces raisons prendront fin. La ministre a également énoncé une évidence en déclarant que si la justice entend faire comparaître Brahim Ghali, ce dernier obtempérera. "Ce n’est pas au gouvernement espagnol d'interférer dans le fonctionnement indépendant de la justice", a-t-elle précisé.

Mais le gouvernement de Madrid est-il exempt de tout reproche dans cette affaire ? Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas agi dans la transparence.

Son argumentaire, entièrement basé sur les "raisons humanitaires", est singulièrement fragilisé par les circonstances dans lesquelles le chef du polisario a été admis en Espagne. Si, comme il a été dit, l'hospitalisation de Ghali en Espagne a été négociée au plus haut niveau entre les autorités espagnoles et algériennes et si les mots ont un sens, il sera difficile, en l'occurrence, de se défausser, comme il est d'usage en pareilles circonstances, sur un fonctionnaire subalterne. Le gouvernement espagnol, en tout cas, au minimum, les ministres des affaires étrangères et de l'Intérieur ainsi que le président du gouvernement étaient au courant et ont approuvé le transfert du malade en Espagne. Savaient-ils que Ghali voyagerait sous une fausse identité ? On ne peut pas exclure que les services algériens, spécialistes des coups fourrés, aient tenu ce "détail" secret, pour mettre leurs homologues espagnols devant le fait accompli. A l'atterrissage, les accompagnateurs algériens ont présenté au contrôle le passeport, algérien et diplomatique, biométrique ou pas, du voyageur malade. L'agent de la police des frontières ne pouvait pas ne pas se rendre compte immédiatement de la supercherie. On peut gager que seule la photographie figurant dans le passeport était celle de Ghali, tout le reste était factice, à commencer par le nom, "Mohamed Benbatouche". Il n'y a que deux possibilités :

- Soit les autorités espagnoles ont été prises au dépourvu et elles ont choisi de fermer les yeux, ce qui les rend complices par omission ;

- Soit elles étaient au courant du tour de passe-passe et elles sont, à tout le moins, complices agissantes dans un délit de faux et usage de faux.

Dans les deux cas, il peut être reproché au gouvernement espagnol d’avoir délibérément dissimulé l’identité d’un individu pour le soustraire à la justice espagnole.

Le code pénal espagnol distingue deux délits : la falsification des documents d'identité et leur utilisation.

Aux termes de l'article 392, 2è alinéa, est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans celui qui, sans être intervenu dans la falsification, trafique de quelque manière que ce soit avec une fausse pièce d'identité.

Une peine de prison de six mois à un an est infligée à quiconque utilise sciemment une fausse pièce d'identité.

Brahim Ghali, qui a été admis en Espagne sous le nom fictif de "Mohamed Benbatouche", tombe sous le coup de la loi.

Ghali/Benbatouche ne peut, a priori, être accusé de falsification de document d'identité dès lors que le passeport qui lui a servi pour entrer en Espagne est un document authentique établi par des autorités étatiques. Cependant, l'identité du titulaire de ce vrai-faux titre de voyage n'est pas celle de son porteur. Le délit d'utilisation d'une fausse pièce d'identité est avéré.

La loi espagnole précise que l'article 392.2 est applicable même lorsque le faux document d'identité appartient à un autre État ou a été falsifié ou acquis dans un autre État.

En fin de compte, Ghali doit répondre non seulement des graves crimes qui lui sont imputés, mais également du délit d'utilisation d'une fausse pièce d'identité.

Le personnage ne peut même pas se prévaloir d'une quelconque immunité diplomatique, dès lors que la jurisprudence ne reconnait cette immunité qu'aux agents diplomatiques étrangers dûment accrédités et uniquement dans leur pays d'accréditation. Il ne peut pas non plus invoquer un prétendu statut de chef d'Etat, puisque, d'une part, l'Espagne ne reconnait pas la "rasd", d'autre part, le malade hospitalisé à Logroño est entré en Espagne sous une fausse identité (*).

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(*) (Humour) A moins que ce patronyme très peu sahraoui-marocain ne soit le sien, le vrai, qui figure dans ses papiers d'identité, ce qui serait à la fois un coup de théâtre stupéfiant et une fumisterie de plus dans cette vaste pantalonnade. Après tout, Houari Boumediene ne s'appelait pas Houari Boumediene et on n'a jamais pu savoir si Chadli était le prénom et Bendjedid le nom - ou l'inverse...

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