Un partenaire « privilégié » mais traité avec désinvolture
Le gouvernement espagnol savait au sujet de la fausse identité de Brahim Ghali et il a laissé faire. Par ailleurs, il a délibérément choisi de ne pas en informer le Maroc. Aux griefs du Maroc, largement explicités dans le communiqué du 8 mai 2021, la ministre des affaires étrangères, Arancha González Laya, a répondu laconiquement qu’elle n’a rien à ajouter à ce qu’elle a déjà dit. L’affaire est-elle close pour autant ? Rien n’est moins sûr.
De tous les pays de par le vaste monde qui auraient pu recevoir Ghali, il a fallu que ce soit l'Espagne qui accepte, en sachant parfaitement les conséquences que cet acte pouvait avoir et ne pouvait pas ne pas avoir sur les relations avec son voisin du Sud.
« Raisons humanitaires » ? Pourquoi alors et dans quel but le gouvernement espagnol a-t-il choisi d'agir dans le secret, dans une vaine tentative de dissimuler la véritable identité de Ghali, se laissant ainsi embarquer dans une combine de bas étage ? A-t-on été naïf au point de croire que la présence de Ghali en Espagne allait passer inaperçue ?
La déclaration de la ministre des affaires étrangères selon laquelle Ghali quittera, « évidemment » (!), l'Espagne lorsque ces raisons (humanitaires) cesseront d'exister, soulève des interrogations, même si la ministre a tempéré ses propos dans la foulée en ajoutant que le chef des séparatistes répondra à la justice si celle-ci le convoque. Si, comme l'affirment des médias, des « garanties » ont été données par les autorités espagnoles quant à l’impunité de Ghali, cet engagement apparaît pour le moins surprenant. Aurait-on l'intention d’« exfiltrer » le chef des milices du polisario malgré les accusations sérieuses qui pèsent contre lui ? Ce serait le comble.
Enfin, où est l'esprit de dialogue et de loyauté qui devrait présider à la relation avec le Maroc, pays qui par ailleurs est qualifié d’ami et de « partenaire privilégié » ?
Le gouvernement espagnol, apparemment, a fait son choix : il a mis en danger sa bonne relation avec son « voisin et ami » pour recevoir un « chef d’Etat » de pacotille, voyageant avec le passeport d’un pays qui n’est pas le sien et, pire encore, sous une fausse identité. Madrid a montré clairement où se situent ses priorités. Aux yeux du gouvernement espagnol, la bonne entente, la coopération et le bon voisinage avec le Maroc ne pèsent pas lourd face au sort d’un individu visé par une multitude de plaintes devant les tribunaux espagnols. Pourtant c’est avec le Maroc que l’Espagne a signé un traité d'amitié, de coopération et de bon voisinage (en juillet 1991).
Pas avec le polisario…
Cet accord a été superbement ignoré – et ce n'est pas la première fois. En 2002, déjà, le gouvernement espagnol d'alors avait mis son armée sur le pied de guerre et envoyé une armada menaçante face aux côtes marocaines. Objectif : « délivrer » le rocher (marocain) de Taoura (« Perejil ») et en déloger un « redoutable » contingent marocain composé de… six éléments des forces auxiliaires.
Ces deux épisodes démontrent, hélas, une vérité déplaisante et regrettable. Qu'ils soient de droite ou de gauche, certains politiciens espagnols peinent à se débarrasser de ce qu'il faut bien appeler un complexe de supériorité vis-à-vis des Marocains. Ils sont persuadés qu'il ne faut pas faire confiance aux Marocains : el moro no es de fiar (il faut se méfier des Maures).
Il fut un temps où le mot d’ordre du PSOE, à propos du Maroc, était : « Il faut créer un colchon de intereses (matelas d'intérêts) entre nos deux pays, qui permette d'amortir les chocs et d'atténuer les crises ».
Il est désagréable pour les amis de l'Espagne de le dire, le matelas existe, certes, mais il est passablement troué, le traité d'amitié existe aussi, mais il ne sert à rien.
Un responsable espagnol avait, à l’occasion de négociations officielles avec le Maroc, commencé son exposé de présentation des propositions espagnoles par une formule qu'il voulait rassurante, « No hay trampas » (il n'y a pas de piège). Les délégués marocains avaient échangé des regards perplexes.
Qui fait des « trampas » ?
Traiter un communiqué officiel par le mépris n’est pas acceptable. Ce n’est pas la meilleure façon d’apaiser les esprits. Le Maroc est un pays qu’il faut respecter. Pour intolérable qu'elle soit aux yeux de certains, en Espagne et ailleurs, cette réalité est désormais incontournable.
Une haute personnalité marocaine avait coutume de dire « de l’Espagne peut venir le bien, de l’Espagne peut venir le mal ».
Ceux qui se complaisent dans l’attitude hautaine, l’arrogance et la condescendance devraient méditer ces propos et les reprendre à leur compte car ce qui est valable dans un sens l’est aussi dans l’autre.
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