mardi 14 mai 2019

MAROC-AFRIQUE DU SUD


Une brouille tenace  

En principe, le Maroc sera prochainement représenté à Pretoria par un ambassadeur, treize ans après le rappel du dernier en date. L’ambassade de l’Afrique du Sud au Maroc, quant à elle, continuera d’être dirigée par un Chargé d’affaires a.i.  

Le 30 avril dernier, l’Afrique du Sud s’est abstenue au sujet de la résolution 2468 du conseil de sécurité des Nations Unies prorogeant de six mois le mandat de la MINURSO. Le représentant permanent sud-africain, Jerry Matthews Matjila, a affirmé avoir d’abord envisagé de voter contre, avant de se raviser. L’explication de vote de Matjila a été en réalité une attaque en règle contre le Maroc, dans un long réquisitoire que n’auraient désapprouvé ni l’Algérie ni le polisario. Le représentant sud-africain a sournoisement évoqué la « rasd » alors que la pseudo république n’est concernée ni par le processus en cours aux Nations unies ni par la résolution du conseil de sécurité.
L’Afrique du sud affirme défendre des principes et ne nourrir aucune hostilité à l’égard du Maroc. Ce n’est pas l’avis de Rabat, qui estime que Pretoria a adopté une attitude inamicale et anachronique qui ne va pas dans le sens des efforts de la communauté internationale et ne favorise pas la recherche d’une solution.
Activisme sud-africain
L’activisme de l’Afrique du sud ne se dément pas. Il ne fera que redoubler d’intensité pendant les deux années (2019-2020) où le pays occupera un siège au conseil de sécurité. C’est ce qu’a affirmé sans détours le 12 avril dernier la ministre des Relations internationales et de la Coopération Lindiwe Sisulu, n’hésitant pas à mêler Sahara et Palestine dans un amalgame cher à la diplomatie algérienne : « L’Afrique du Sud utilisera également son mandat de membre non permanent du Conseil de sécurité pour attirer l’attention sur l’occupation du Sahara occidental et de la Palestine ».
C’est dire que la brouille entre le Maroc et l’Afrique du Sud ne semble pas près de se dissiper. Le désaccord a surgi en 2004, après l’annonce par le président sud-africain d’alors, Thabo M'Beki, de la mise à exécution de la décision de reconnaitre la « rasd ». Cette décision avait été prise du temps du président Nelson Mandela, mais avait été différée à la demande de feu Hassan II, qui avait fait valoir que la question était prise en charge par les Nations Unies, et qu’une reconnaissance de la « rasd » aurait été contreproductive. Pour expliquer et justifier sa décision, M’Beki s’est référé à la réponse du Maroc du 9 avril 2004 à la proposition de l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, James Baker, intitulée "Plan de paix pour l'autodétermination du Sahara occidental ". Dans cette réponse, il était spécifié que « pour le Royaume, la nature définitive de la solution d'autonomie n'est pas négociable. Il est donc hors de question que le Maroc engage des négociations avec qui que ce soit sur sa souveraineté et son intégrité territoriale ». Cette clarification a été considérée par le gouvernement sud-africain comme contraire au droit international et aux engagements pris antérieurement par le Maroc.
La mésentente s’est manifestée dans le domaine du sport, plus précisément le football, et donné lieu à une rivalité qui a envenimé les relations bilatérales. La candidature des deux pays pour accueillir la coupe du monde de football en 2006 et en 2010 a attisé les récriminations et provoqué en Afrique du sud une virulente campagne contre le Maroc. Malgré tout, beau joueur, le Maroc a pris acte de la décision du comité de la FIFA et félicité le gouvernement sud-africain. De même, Rabat a exprimé son soutien à la candidature de l’Afrique du sud à un siège non-permanent au conseil de sécurité pour la période 2011-2012.
En juin 2013, recevant le soi-disant « ministre des Affaires étrangères de la rasd », Mohamed Ould Salek, la ministre des Relations internationales et de la Coopération, Maite Nkoana-Mashabane (2009-2018), n’a pas hésité à se référer au Sahara comme un territoire occupé et aux forces de sécurité marocaines comme « occupantes ». Dans la foulée, elle a signé avec Ould Salek trois accords, dont un mémorandum d’entente sur les consultations diplomatiques. Avec Nkoana-Mashabane, les grincements n’ont pas manqué et les échanges ont parfois été vifs.
Celle qui l’a précédée dans les fonctions de  ministre des Relations internationales et de la Coopération, Nkosazana Dlamini-Zuma (1999–2009), une fois élue à la tête de la commission de l’Union africaine (en 2012), a fait du dossier du Sahara une question personnelle. Elle s’est fixé pour objectif de redonner à l’organisation africaine un rôle actif dans ce dossier. Une de ses premières décisions, dès qu’elle a pris ses fonctions, a été de remettre, avec la complicité et le soutien actif du lobby algérien à l’UA, la question sur l’agenda et œuvré pour l’adoption de résolutions de plus en plus hostiles au Maroc. Pendant tout son mandat (2012-2017), Dlamini-Zuma a fait preuve d’un activisme effréné pour tenter d’accabler le Maroc. Au demeurant, ses provocations ne sont pas étrangères à la décision du Maroc de reprendre son siège à Addis.   
En Janvier 2017, à la veille de la visite en Afrique du sud de Brahim Ghali, la ministre sud-africaine Nkoana-Mashabane a pris sa plume pour rédiger une plaidoirie passionnée en faveur du polisario, qu’elle a fait publier comme tribune libre dans The Daily Maverick sous le titre « Independence of Western Sahara is an inalienable right » (la presse a précisé par la suite que la ministre n’avait pas mentionné dans son texte l’« indépendance » mais l’« autodétermination »).
Un autre bras de fer a eu lieu, cette fois à propos des phosphates. En mai 2017, le navire Cherry Blossom, transportant une cargaison de phosphate destiné à la Nouvelle-Zélande, a été saisi à Port Elizabeth sur ordre d’un juge sud-africain. L’OCP a refusé de participer à la procédure judiciaire, qualifiant celle-ci de « piraterie politique commise sous couverture judiciaire ». Une année plus tard, en mai 2018, le navire a été relâché après paiement des frais de justice.
Rencontres sans lendemain
En novembre 2017, en marge de la 5ème réunion au Sommet Union Africaine-Union Européenne, le roi Mohammed VI s’est réuni à Abidjan avec le président sud-africain, Jacob Zuma. Ce dernier a écouté le roi sur la question du Sahara, reconnaissant, selon Jeune Afrique, qu’il n’était « pas au courant » de tous les éléments du dossier. Les deux chefs d’État ont décidé d’élever le niveau des représentations diplomatiques respectives. Selon l’hebdomadaire, une source marocaine a indiqué que « la partie sud-africaine aurait promis de ne plus afficher de position systématiquement hostile aux intérêts marocains à l’UA ni à l’ONU ».
Dans une déclaration au quotidien sud-africain News24, Jacob Zuma, après avoir affirmé  que « le Maroc est un pays africain avec lequel nous avons besoin d’avoir des relations », a dit que le Maroc devra désigner un ambassadeur à Pretoria « comme premier signe de la volonté des deux pays de relever le niveau de leurs représentations diplomatiques dans les capitales des deux pays ».
Dans le prolongement de cette réunion, les ministres des affaires étrangères des deux pays ont eu un entretien à Rabat, en janvier 2018, en marge de la Conférence ministérielle pour un Agenda africain sur la migration. L’entretien, qui a été qualifié de « franc et cordial », a été  l’occasion de coordonner l’action des deux pays et leurs efforts au service de l’Afrique. Le choix des mots semble cependant indiquer que chacun a campé sur ses positions.
En février 2018 Cyril Ramaphosa a succédé à Jacob Zuma à la présidence de l’Afrique du sud, Lindiwe Sisulu a remplacé Nkoana-Mashabane aux affaires étrangères et les espoirs de rapprochement qui s’étaient esquissés se sont estompés.
Le Maroc a néanmoins respecté son engagement d’accréditer à Pretoria un ambassadeur, et introduit un agrément en août 2018 (que les autorités sud-africaines ont tardé plus que de raison à accorder).
En visite au Maroc en octobre 2018, la présidente du parlement sud-africain, Baleka Mbete, a affirmé vouloir « saisir toutes les opportunités en vue de jeter les ponts de rapprochement » entre son pays et le Maroc. Paroles de circonstances sans lendemain.
Appui constant
Dès janvier 2019, la nouvelle ministre des Relations extérieures et de la Coopération internationale, Lindiwe Sisulu, a réitéré lors d’une visite à Alger l’appui de Pretoria au polisario. La ministre avait déjà affirmé en décembre 2018 que cet appui serait une priorité pour son pays au Conseil de sécurité, affirmation qu’elle répétera, comme il a déjà été indiqué, en avril 2019.
De son côté, le président Ramaphosa, dans un discours prononcé le 12 janvier 2019 au stade de Durban, en commémoration du 107è anniversaire de la création de l’ANC, a réaffirmé l’appui de son gouvernement au polisario et à la rasd. « Nous travaillerons à l’Union africaine et aux Nations Unies pour la libération du Sahara occidental, la dernière colonie en  Afrique », a-t-il souligné.
Début mars 2019, on apprenait que l'Afrique du Sud et la Namibie préparaient une « Conférence de solidarité avec le Sahara occidental » organisée par la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC). Preuve d’un grand embarras, les organisateurs ont tâtonné d’un communiqué à l’autre, le titre de la conférence a changé et la solidarité a visé tantôt le « Sahara occidental », tantôt « la rasd », voire « la rasd/Sahara occidental ». La réunion, dont le principe avait été approuvé par le 38è sommet ordinaire de la SADC, a eu lieu à Pretoria les 25 et 26 mars 2019. Au parlement, le président Ramaphosa a déclaré que le but de la Conférence était le « soutien à la lutte du peuple sahraoui contre l'occupation coloniale de son territoire ».
Marrakech vs Pretoria
Le Maroc a réagi en organisant à Marrakech, à la même date, une conférence ministérielle africaine, sur le thème « l’appui de l’Union Africaine au processus politique des Nations Unies sur le différend régional au sujet du Sahara marocain ». Le but de la réunion a été « d’exprimer le soutien à la Décision qui a été adoptée lors du 31ème Sommet de l’UA à Nouakchott en juillet 2018 ». La décision en question réaffirme l’exclusivité des Nations Unies dans l’examen du différend régional au sujet du Sahara marocain. Prise dans la hâte, l’initiative était sinon hasardeuse, du moins audacieuse, mais la contre-offensive diplomatique du Maroc a réussi puisque 37 pays africains ont assisté à la conférence de Marrakech contre 24 seulement à Pretoria, parmi lesquels des pays non africains, comme Cuba, le Nicaragua, Timor oriental et le Venezuela. Quelques pays hors SADC, présentés comme « ayant des vues similaires », ont servi à grossir les troupes, avec à leur tête l’Algérie, imitée par le Kenya, le Nigeria, l’Ouganda et Sao Tomé et Principe.
On notera que deux pays membres de la SADC, l’Union des Comores et Madagascar, ne se sont pas fait représenter à Pretoria mais ont répondu à l’invitation marocaine. Plusieurs pays ont tenu à être présents dans les deux réunions : Angola, République démocratique du Congo, Eswatini (Swaziland), Malawi, Nigeria Zambie, Sao Tomé-et-Principe, Tanzanie. L’Egypte et la Mauritanie n’ont fait le déplacement ni à Marrakech ni à Pretoria.
Dans la déclaration finale de la réunion de Marrakech, les pays signataires

  • ont salué « l’adoption, à l’unanimité, de la décision (…) 693 qui réaffirme l’exclusivité des Nations Unies en tant que cadre de recherche d’une solution politique, mutuellement acceptable, réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara ».
  • se sont félicités de la mise en place, par la décision 693, du mécanisme de la Troïka (…) pour apporter un soutien efficace aux efforts conduits par les Nations Unies ».
  • ont décidé de soutenir le mandat de la Troïka de l’UA, « à l’exclusion de tout organe de l’Union à quelque niveau que ce soit ».
  • ont estimé que la formule « relative à la représentation de l’Afrique par la Troïka, le Président de la Commission, les Présidents des Communautés Economiques Régionales ainsi que le Président du NEPAD, élargie aux membres du Bureau de la Présidence de l’Union, constitue une solution réaliste pour la résolution de la question du format de participation aux processus de partenariat liant l’Union Africaine et ses réunions ».

Fauteurs de troubles
A Pretoria, les participants sont allés à contrecourant en endossant des recommandations en contradiction sur des points essentiels  avec celles de la réunion de Marrakech et de la majorité des pays africains:

  • En « [mettant] l'accent sur le rôle central de l'UA dans le règlement du conflit du Sahara occidental »
  • en « [réaffirmant] le rôle de l'Union africaine, en particulier du Conseil de paix et de sécurité de l'UA ».
  • en « [invitant] le Conseil de sécurité de l'ONU à élargir le mandat de la MINURSO afin qu’il comporte la surveillance de la situation des droits de l'homme au Sahara 
  • en réaffirmant, au sujet des partenariats, « le droit de tous les États membres de l'Union africaine de participer à tous les partenariats, réunions et activités de l'UA ». C’est, évidemment, autour du cas de la « rasd » qui tourne tout ce débat.

Au passage, on peut se demander comment les pays qui ont envoyé des représentants à la fois à Marrakech et Pretoria, pourront-ils concilier les positions contradictoires qu’ils ont assumées dans l’une et l’autre réunion. On ne sait s’il faut parler de désinvolture ou d’inconscience…
En définitive, la conférence de Pretoria a été un échec que l’Afrique du sud peine à reconnaitre. Elle s’est trouvée par la force des choses dans le rôle inconfortable de diviseur de l’Afrique, pendant qu’à Marrakech, les délégués mettaient l’accent sur leur « attachement indéfectible à une Afrique unie, stable, proactive et prospère, parlant d’une seule voix ».
Au vu des derniers développements, tout donne à penser que l’Afrique du sud ne compte pas changer de cap, en tout cas pas à court terme. Sa présence au Conseil de sécurité lui offre, jusqu’à décembre 2020, une tribune dont elle se servira pour guerroyer contre le Maroc. Elle sera d’autant plus tentée de redoubler d’efforts, aussi bien à l’ONU qu’à l’UA, que le principal mentor du polisario, l’Algérie, traverse une phase pleine d’incertitudes. Notre diplomatie aura fort à faire dans ce qui a tout l’air d’être une mission impossible, tant les vues sont irréconciliables et les perspectives d’entente aléatoires, à moins d’un changement majeur en Afrique du sud, où l’ANC perd pied et où la situation économique est désastreuse. L’intransigeance de l’Afrique du sud n’est pas sans rappeler celle d’un autre pays lointain, le Venezuela, prospère il n’y a pas longtemps, aujourd’hui en pleine déconfiture.

lundi 13 mai 2019

Résolution 2468 du Conseil de sécurité


Sahara marocain : La bataille à venir

3 mai 2019

Comme prévu, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2468 qui proroge pour six mois le mandat de la MINURSO. Deux pays se sont abstenus : la Russie et l’Afrique du Sud. L’objet de cette réflexion n’est pas d’analyser la résolution, d’autres l’ont déjà fait, parfois avec talent, parfois en se livrant à de savants calculs.
Je ne m’intéresserai, pour ma part, qu’aux explications de vote.
Trois membres ne se sont pas exprimés : la Belgique, le Pérou et la Pologne.
Les délégués qui ont pris la parole ont affirmé leur soutien au processus politique et aux efforts de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, Horst Köhler. Ils se sont félicités de la tenue des deux tables-rondes à Genève.
Intervenant en premier, le délégué des États-Unis, Rodney Hunter, a indiqué que « L’objectif du Conseil de sécurité devrait être de proposer une solution politique opportune/en temps voulu (timely) et mutuellement acceptable ». Est-ce à dire que les Américains souhaitent voir le Conseil jouer un rôle plus actif et proposer son propre règlement ? Quid alors de l'initiative marocaine ? Quoi qu'il en soit, la déclaration conciliante du délégué américain contraste avec celles des représentants des Etats-Unis en 2016 et 2018. Les rumeurs qui, il y a quelques jours, faisaient état de pressions américaines pour imposer une supervision des droits de l’homme, voire un ultimatum au sujet de l’avenir de la MINURSO, se sont apparemment révélées infondées. Recul ou changement de stratégie ?
La française Anne Gueguen, Représentante permanente adjointe, a exprimé son désaccord avec son collègue américain sur la durée du mandat de la MINURSO et sur les conditions du maintien de la Mission. Elle a prôné un retour au mandat d’une année, qui, a-t-elle dit, devrait être la norme. Elle a souligné, d’autre part, que « l’existence et le mandat de la Mission ne doivent pas être conditionnés aux progrès des discussions politiques ». La déléguée française a cité nommément, à trois reprises, toutes les parties impliquées, évoquant le « dialogue entre le Maroc, le front polisario, l’Algérie et la Mauritanie ». Elle s’est référée, par ailleurs, aux « quatre délégations ». Enfin, elle a rappelé que, pour la France, « le plan d’autonomie marocain de 2007 est une base sérieuse et crédible de discussions ».
Le Représentant permanent adjoint du Koweït, Bader Abdullah Al-Munayikh, a exprimé le soutien de son pays, comme en 2018, à la souveraineté et l’intégrité territoriales du Maroc et s’est félicité de l’initiative marocaine d’autonomie.
L’ambassadeur de la Côte d’Ivoire, Claude Stanislas Bouah-Kamon, a estimé que l’initiative « sérieuse et crédible » du Maroc en faveur de l’autonomie constitue une bonne base de discussion.
L’ambassadeur allemand, Christoph Heusgen, se faisant visiblement l’interprète des préoccupations de son compatriote Köhler, a plaidé pour un accès de l’Envoyé personnel et son équipe « aux parties sans restrictions ». Il a invité le Maroc et le polisario à établir des mesures de confiance avant la prochaine table-ronde pour créer les conditions propices. Le Sahara n’est pas un conflit abstrait, a-t-il précisé, mais il impacte la vie quotidienne de milliers de personnes.
Le délégué de la Chine a souhaité des consultations plus approfondies sur le renouvellement du mandat de la MINURSO « pour parvenir à un consensus ». Il a rappelé la position « cohérente », « objective et impartiale » de la Chine dans la question du Sahara. En 2018, la Chine s'était abstenue, en faisant savoir que les « préoccupations de certaines parties » n’avaient pas été pleinement prises en compte.
Comme en 2016 et en 2018, la Russie s’est abstenue. En 2016, le délégué russe avait affirmé que la résolution 2285 présentait des « insuffisances fondamentales », en citant le neuvième paragraphe du préambule, pour mettre en cause les « efforts marocain sérieux et crédibles [qui] ont été faits pour aller de l’avant vers un règlement ». Le Maroc n’avait alors publié aucun commentaire. En 2018, le représentant russe avait justifié l’abstention de sa délégation par le caractère « déséquilibré » du projet qui était soumis au conseil et à propos duquel les remarques russes n’avaient pas été prises en compte. Il avait averti contre tout changement du mandat de la MINURSO, comme l’attribution à la mission onusienne de compétences en matière de surveillance des droits de l’homme.
Cette année, la Russie a, de nouveau, exprimé une série de griefs et s’est élevé contre la modification des « paramètres déjà établis ». Le Représentant permanent adjoint, Vladimir Safronkov, a abordé les points ci-après :
- Il n’est pas judicieux de créer une "polémique artificielle" concernant le renouvellement du mandat de la MINURSO, ou essayer de préjuger de la direction à donner au processus politique.
- Il n’est pas acceptable non plus d’essayer de modifier les paramètres déjà établis. Ces dernières années, dans les résolutions renouvelant le mandat de la MINURSO, des amendements ont été apportés, qui ont une incidence négative sur la démarche du conseil de sécurité. La Russie ne peut pas accepter la dilution de paramètres déjà convenus, qui sont définis par les parties au conflit de façon à pouvoir trouver une solution mutuellement acceptable. La délégation russe n’était pas d’accord avec ces amendements les années précédentes, mais ses arguments « ont été ignorés ». Ce qui pose à nouveau la question du système du pen holder (pays auteur du projet de résolution). Remplacer des principes de base relatifs à ce processus par des généralités sur la nécessité de trouver des solutions réalistes et pratiques ou trouver des compromis ne fait que créer des ambigüités et sape la confiance dans le Conseil, assombrissant ainsi les perspectives du processus politique.
- Pas de solution imposée de l’extérieur aux parties.
- La persistance du différend peut profiter à des forces extrémistes, ce qui aurait une incidence très négative sur la situation politico-militaire dans toute la région.
Tout compte fait, la mauvaise humeur russe semble viser principalement le pen holder, formule qui, selon toute vraisemblance, met les Etats-Unis et la France dans le même panier.
L’intervention du représentant de l’Afrique du Sud, Jerry Matthews Matjila, la plus longue de la séance, a été entièrement dirigée contre le Maroc. Matjila a été le seul à évoquer le référendum. Il a également estimé que les termes « réaliste », « réalisme » et « compromis » n’étaient pas clairs. Agissant pour le compte de l’Algérie, il a fait remarquer que la résolution ne fait pas de distinction entre les parties au conflit et les pays voisins. L’ambassadeur sud-africain s’est volontairement référé au Maroc et à la « rasd », « tous deux membres de l’Union africaine », alors que la pseudo république n’est pas reconnue par l’ONU et n’est pas concernée par le processus en cours.
On l’a compris, à en juger par la déclaration de l’ambassadeur représentant permanent de l’Allemagne, Horst Köhler semble particulièrement sensible aux souffrances des personnes retenues dans les camps de Tindouf. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la problématique de ces camps.
(https://www.facebook.com/ali.achour.1411/posts/10217658977122972).
C’est, à mon avis, sur ce point que devrait porter, avec tout son poids et ses ressources, l’action diplomatique de notre pays.

Les camps de Tindouf (2)


Des "réfugiés", vraiment ?
27 avril 2019


La pseudo "république" du polisario a été proclamée sur le sol algérien. C'est le seul cas connu où un Etat met une portion de son territoire à la disposition d'un groupe armé pour y créer un "Etat". Cette étrange entité ne possède aucun des éléments constitutifs d'un Etat souverain, tels que définis par le droit international, à savoir un territoire et une population sur lesquels s'exerce une autorité effective et exclusive. La situation de la "rasd" est sans précédent: on connaît les cas de gouvernements en exil, les exemples ne manquent pas, mais le concept de pays en exil est totalement inédit. Cette invention singulière porte du reste la marque de ses créateurs, depuis la dénomination grandiloquente jusqu'aux couleurs du "drapeau", en passant par l'idéologie et la phraséologie "révolutionnaires". L'œuvre en entier apparaît comme surréaliste :
-Or donc, voici une république en exil, dont les lois s’appliquent sur une portion du territoire algérien, que le gouvernement d’Alger a complaisamment accepté de placer sous juridiction du polisario;
-Une république qui dit vivre de l’aide humanitaire internationale, mais qui entretient un réseau diplomatique à faire pâlir d’envie nombre d’Etats indépendants;
-Une république dont la population est constituée, nous dit-on, exclusivement de "réfugiés" ;
-Des "réfugiés" dont personne ne connaît le nombre exact, pour la bonne raison que l’Algérie s’oppose prudemment à leur recensement.
Au demeurant, les personnes retenues dans les camps répondent-elles réellement à la définition de réfugiés selon la convention de Genève ?
Un réfugié, rappelons-le, est une personne qui ne peut pas retourner dans son pays ou ne veut pas y retourner de crainte d’y être persécutée.
Or, rien n'empêche les habitants des camps de Tindouf de retourner dans leur pays, le Maroc, qui leur ouvre les bras. Des milliers d'entre eux ont répondu à l'appel "la patrie est clémente et miséricordieuse".
D'autre part, les camps de Tindouf présentent une particularité unique au monde : ce sont les seuls « camps de réfugiés » dans lesquels des militaires vivent au milieu des civils et y détiennent des prisonniers !
Mais ce n’est pas l’unique originalité de ces lieux, en violation de toutes les conventions internationales : les "réfugiés" n’ont aucune liberté de mouvement, ils ne peuvent pas quitter les camps, ils ne sont pas autorisés à se déplacer librement sur le territoire algérien, encore moins s’installer dans le lieu de leur choix, leurs enfants ne peuvent pas fréquenter les écoles algériennes et ils ne peuvent pas s’adresser aux tribunaux algériens.
Peut-on, dans ces conditions, parler de "camps de réfugiés" ?
Le Maroc a toujours demandé la levée du contrôle imposé par les autorités algériennes sur les camps de Tindouf, pour permettre à ceux qui le souhaitent, conformément aux conventions internationales, de rentrer chez eux. Mais le gouvernement algérien refuse d'ouvrir les portes des camps, violant la convention sur le statut des réfugiés de 1951, qui lui impose de permettre aux réfugiés de "choisir leur lieu de résidence et d'y circuler librement". Une ONG américaine, le Conseil américain pour les prisonniers de guerre marocains, a lancé en mai 2006, un appel dans ce sens au Haut Commissariat des Nations unies aux Droits de l'Homme, demandant de placer les camps de Tindouf sous contrôle international et d'accorder aux réfugiés la liberté de mouvement.
« Où sont passées les centaines de millions d’euros accordées sous forme d’aides humanitaires, lesquelles dépassent les 60 millions d’euros par an, sans compter les milliards affectés à l’armement et au soutien de la machine de propagande et de répression utilisée par les séparatistes ? » s’est demandé le roi Mohammed VI dans le discours du 6 novembre 2015. 
Pourquoi, s’est encore interrogé le roi, l’Algérie, qui a « dépensé des milliards dans sa croisade militaire et diplomatique contre le Maroc » n’a rien fait pour améliorer les conditions de vie des habitants des camps de Tindouf, sans égards pour leur dignité en les réduisant malgré eux à « l’état de quémandeurs d’aides humanitaires » ?
Les camps de Tindouf sont le cœur du problème.
Paradoxalement, c'est à la fois la carte maîtresse du polisario et son talon d'Achille. En effet, pour leur malheur, les "réfugiés" constituent un fonds de commerce vital, une carte précieuse à laquelle le gouvernement algérien et le polisario ne peuvent pas renoncer, sous peine de voir s'écrouler tout leur montage.
Ce montage/enfumage ne tient qu'à un fil : s'il n'y a pas de "réfugiés", il n'y a pas de "peuple". Pas de peuple, pas de "mouvement de libération" et encore moins de "rasd".
S'il faut "frapper là où ça fait mal", tout l'effort doit porter sur la dénonciation de la situation dans les camps ainsi que sur la mise en question du statut des personnes qui y sont retenues contre leur gré.