lundi 13 mai 2019

Résolution 2468 du Conseil de sécurité


Sahara marocain : La bataille à venir

3 mai 2019

Comme prévu, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2468 qui proroge pour six mois le mandat de la MINURSO. Deux pays se sont abstenus : la Russie et l’Afrique du Sud. L’objet de cette réflexion n’est pas d’analyser la résolution, d’autres l’ont déjà fait, parfois avec talent, parfois en se livrant à de savants calculs.
Je ne m’intéresserai, pour ma part, qu’aux explications de vote.
Trois membres ne se sont pas exprimés : la Belgique, le Pérou et la Pologne.
Les délégués qui ont pris la parole ont affirmé leur soutien au processus politique et aux efforts de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, Horst Köhler. Ils se sont félicités de la tenue des deux tables-rondes à Genève.
Intervenant en premier, le délégué des États-Unis, Rodney Hunter, a indiqué que « L’objectif du Conseil de sécurité devrait être de proposer une solution politique opportune/en temps voulu (timely) et mutuellement acceptable ». Est-ce à dire que les Américains souhaitent voir le Conseil jouer un rôle plus actif et proposer son propre règlement ? Quid alors de l'initiative marocaine ? Quoi qu'il en soit, la déclaration conciliante du délégué américain contraste avec celles des représentants des Etats-Unis en 2016 et 2018. Les rumeurs qui, il y a quelques jours, faisaient état de pressions américaines pour imposer une supervision des droits de l’homme, voire un ultimatum au sujet de l’avenir de la MINURSO, se sont apparemment révélées infondées. Recul ou changement de stratégie ?
La française Anne Gueguen, Représentante permanente adjointe, a exprimé son désaccord avec son collègue américain sur la durée du mandat de la MINURSO et sur les conditions du maintien de la Mission. Elle a prôné un retour au mandat d’une année, qui, a-t-elle dit, devrait être la norme. Elle a souligné, d’autre part, que « l’existence et le mandat de la Mission ne doivent pas être conditionnés aux progrès des discussions politiques ». La déléguée française a cité nommément, à trois reprises, toutes les parties impliquées, évoquant le « dialogue entre le Maroc, le front polisario, l’Algérie et la Mauritanie ». Elle s’est référée, par ailleurs, aux « quatre délégations ». Enfin, elle a rappelé que, pour la France, « le plan d’autonomie marocain de 2007 est une base sérieuse et crédible de discussions ».
Le Représentant permanent adjoint du Koweït, Bader Abdullah Al-Munayikh, a exprimé le soutien de son pays, comme en 2018, à la souveraineté et l’intégrité territoriales du Maroc et s’est félicité de l’initiative marocaine d’autonomie.
L’ambassadeur de la Côte d’Ivoire, Claude Stanislas Bouah-Kamon, a estimé que l’initiative « sérieuse et crédible » du Maroc en faveur de l’autonomie constitue une bonne base de discussion.
L’ambassadeur allemand, Christoph Heusgen, se faisant visiblement l’interprète des préoccupations de son compatriote Köhler, a plaidé pour un accès de l’Envoyé personnel et son équipe « aux parties sans restrictions ». Il a invité le Maroc et le polisario à établir des mesures de confiance avant la prochaine table-ronde pour créer les conditions propices. Le Sahara n’est pas un conflit abstrait, a-t-il précisé, mais il impacte la vie quotidienne de milliers de personnes.
Le délégué de la Chine a souhaité des consultations plus approfondies sur le renouvellement du mandat de la MINURSO « pour parvenir à un consensus ». Il a rappelé la position « cohérente », « objective et impartiale » de la Chine dans la question du Sahara. En 2018, la Chine s'était abstenue, en faisant savoir que les « préoccupations de certaines parties » n’avaient pas été pleinement prises en compte.
Comme en 2016 et en 2018, la Russie s’est abstenue. En 2016, le délégué russe avait affirmé que la résolution 2285 présentait des « insuffisances fondamentales », en citant le neuvième paragraphe du préambule, pour mettre en cause les « efforts marocain sérieux et crédibles [qui] ont été faits pour aller de l’avant vers un règlement ». Le Maroc n’avait alors publié aucun commentaire. En 2018, le représentant russe avait justifié l’abstention de sa délégation par le caractère « déséquilibré » du projet qui était soumis au conseil et à propos duquel les remarques russes n’avaient pas été prises en compte. Il avait averti contre tout changement du mandat de la MINURSO, comme l’attribution à la mission onusienne de compétences en matière de surveillance des droits de l’homme.
Cette année, la Russie a, de nouveau, exprimé une série de griefs et s’est élevé contre la modification des « paramètres déjà établis ». Le Représentant permanent adjoint, Vladimir Safronkov, a abordé les points ci-après :
- Il n’est pas judicieux de créer une "polémique artificielle" concernant le renouvellement du mandat de la MINURSO, ou essayer de préjuger de la direction à donner au processus politique.
- Il n’est pas acceptable non plus d’essayer de modifier les paramètres déjà établis. Ces dernières années, dans les résolutions renouvelant le mandat de la MINURSO, des amendements ont été apportés, qui ont une incidence négative sur la démarche du conseil de sécurité. La Russie ne peut pas accepter la dilution de paramètres déjà convenus, qui sont définis par les parties au conflit de façon à pouvoir trouver une solution mutuellement acceptable. La délégation russe n’était pas d’accord avec ces amendements les années précédentes, mais ses arguments « ont été ignorés ». Ce qui pose à nouveau la question du système du pen holder (pays auteur du projet de résolution). Remplacer des principes de base relatifs à ce processus par des généralités sur la nécessité de trouver des solutions réalistes et pratiques ou trouver des compromis ne fait que créer des ambigüités et sape la confiance dans le Conseil, assombrissant ainsi les perspectives du processus politique.
- Pas de solution imposée de l’extérieur aux parties.
- La persistance du différend peut profiter à des forces extrémistes, ce qui aurait une incidence très négative sur la situation politico-militaire dans toute la région.
Tout compte fait, la mauvaise humeur russe semble viser principalement le pen holder, formule qui, selon toute vraisemblance, met les Etats-Unis et la France dans le même panier.
L’intervention du représentant de l’Afrique du Sud, Jerry Matthews Matjila, la plus longue de la séance, a été entièrement dirigée contre le Maroc. Matjila a été le seul à évoquer le référendum. Il a également estimé que les termes « réaliste », « réalisme » et « compromis » n’étaient pas clairs. Agissant pour le compte de l’Algérie, il a fait remarquer que la résolution ne fait pas de distinction entre les parties au conflit et les pays voisins. L’ambassadeur sud-africain s’est volontairement référé au Maroc et à la « rasd », « tous deux membres de l’Union africaine », alors que la pseudo république n’est pas reconnue par l’ONU et n’est pas concernée par le processus en cours.
On l’a compris, à en juger par la déclaration de l’ambassadeur représentant permanent de l’Allemagne, Horst Köhler semble particulièrement sensible aux souffrances des personnes retenues dans les camps de Tindouf. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la problématique de ces camps.
(https://www.facebook.com/ali.achour.1411/posts/10217658977122972).
C’est, à mon avis, sur ce point que devrait porter, avec tout son poids et ses ressources, l’action diplomatique de notre pays.

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